TRANSPLANT BLUES

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  • #12491
    bd91
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    Après la relation de mes aventures désopilantes narrées dans DIALYSE SONG, et à la demande générale (!), je réitère en vous faisant partager mon expérience de transplanté rénal, dans le même ton que le précédent.
    Bonne lecture… et comme toujours, n’hésitez pas à me faire part de vos commentaires !

    ================================================

    Chapitre 1 : Paul Brousse

    Le porche est imposant, à l’ancienne, et débouche sur un parterre fleuri encadré de constructions en meulière. Un grand panneau indicateur montre le plan de l’hôpital, avec ses bâtiments disséminés à l’intérieur de cet îlot presque incongru dans ce quartier animé.

    Tellement fréquenté, d’ailleurs, qu’il ne m’a pas été facile de me garer… en plus, à perpète !

    Je consulte le papier de ma convocation pour relire le nom du bâtiment et du service où je dois me rendre : Néphrologie… un nom encore bien plein de mystères mais dont je comprendrais bientôt toute la signification.

    Crevons tout de suite l’abcès pour les néophytes ! La néphrologie est la spécialité médicale visant à prévenir, diagnostiquer et soigner les maladies des reins. Elle est différente de l’urologie, spécialité chirurgicale s’intéressant à l’appareil génital masculin et à l’ensemble du système urinaire (reins, uretères, vessie, prostate, urètre).

    Le mot néphrologie vient des mots grecs nephros (rein) et logos (étude).

    Et me voilà parti à la recherche de mon point de chute dans le dédale de cet ensemble hospitalier.

    Situé sur le plateau de Villejuif dans le département du Val de Marne à 3 km au sud de Paris, l’hôpital Paul Brousse construit en 1913 porte à titre d’hommage public le nom du Conseiller Général à la fois médecin et homme politique qui avait oeuvré pour sa réalisation. Il est rattaché à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris depuis 1962.

    Les différents services sont repérés sur le plan que j’ai récupéré à l’accueil par des noms de secteurs, différenciés par couleurs. Les bâtiments sont de toutes les formes et de styles différents… on progresse soit en les contournant, soit en les traversant par des couloirs et des cours intérieures. De quoi se paumer… pas évident ! Et des voitures… stationnées un peu partout, à la sauvage (comment ont-elles eu la permission de rentrer ?), et des ambulances déversant ou emportant leurs lots de brancards et de malades.

    Depuis que j’ai passé l’entrée principale, j’ai l’impression d’avoir pénétré dans un monde à part, hors du temps et de la vie courante. Cette impression n’est pas prête de me quitter pour les vingt ans à venir ! Voyage dans la quatrième dimension de la médecine.

    Je n’ai pas fini de fréquenter les hôpitaux, cliniques, laboratoires, cabinets… d’arpenter des couloirs, de cavaler de service en service, de poireauter dans des salles d’attente, de rencontrer des blouses blanches, de coucher dans des lits plus ou moins articulés, de me faire piquer, cathétériser, ponctionner, perfuser, intuber, entuber, radiographier, palper, charcuter, agrafer, panser, recoudre… et j’en passe !

    Mais, qu’est-ce qui m’a amené là, en ce jour de printemps de l’an de grâce 1987 ? Quel a été l’élément déclencheur de ce passage dans cette nouvelle vie ?

    Il me faut remonter à quelques semaines en arrière, sur les lieux de mon activité professionnelle, lors du contrôle annuel de la médecine du travail.

    Je ne vais sûrement pas me faire des amis, mais, les médecins du travail que j’ai connu, il faut dire que ce n’étaient pas tous des lumières ! Entendons-nous bien, je ne généralise pas… je n’ai certainement pas du avoir beaucoup de chance en ce qui concerne la plupart de ceux et de celles que j’ai fréquenté !

    Un exemple parmi tant d’autre. Bien des années auparavant, dans un autre lieu, je patientais, dans la salle d’attente, avant mon passage dans le cabinet de la doctoresse de la médecine du travail, quand deux ouvriers, qui faisaient des travaux de maintenance sur le site, arrivèrent précipitamment… l’un soutenant l’autre qui maintenait un chiffon autour de sa main gauche d’où s’égouttait un flot de sang laissant une trace derrière eux.
    Leur entrée, peu discrète, et les exclamations des deux hommes firent sortir la toubib de son bureau. Au premier coup d’œil qu’elle porta sur le tableau, je l’ai vue franchement blêmir ! En portant ses mains à sa bouche, elle s’écria : « Mon dieu, ce que vous devez souffrir ! Et tout ce sang ! Vite… vite… amenez-le à la clinique d’à côté ! »

    Voilà… sans commentaire.

    Je reviens à ma visite. Eh bien, pour me faire démentir (je n’ai rien de personnel contre cette honorable profession), mon médecin de ce jour était sans doute plus « qualifié » que ceux que j’avais connus auparavant. En effet, c’est lui qui fut l’élément déclencheur de mon parcours néphrologique du reste de mon existence !

15 réponses de 16 à 30 (sur un total de 46)
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  • #13309
    bd91
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    Chapitre 14 : La fistule…

    Deux années se sont écoulées, bon an mal an, depuis le début de ma mésaventure. Nous en sommes à mi 1989.

    Ma « résistance » commence à donner de sérieux signes de faiblesse. La créat a passé le seuil des 300 µmol (micromoles), sachant que la normale doit être inférieure à 100 !

    Mon professeur me fait alors comprendre que l’échéance est désormais assez proche… une question de quelques mois, tout au plus. Il serait temps d’envisager la création de ma fistule pour ne pas être pris au dépourvu. Le délai restant lui permettrait ainsi de pouvoir se développer convenablement afin d’être opérationnelle pour le démarrage de la dialyse.

    Nouvelle douche froide à l’énoncé de cette sentence ! Jusqu’ici, j’étais encore en sursis… j’essayais de ne pas trop penser à ce qui allait m’arriver. Mais là, on y était en plein… c’était du concret… une première atteinte à ma petite personne… mon premier « charcutage » !

    La fistule ? Kesaco ?

    Wikipédia : La fistule artério-veineuse est volontairement fabriquée par le chirurgien qui abouche (joindre, relier) une veine du bras dans une artère, ce qui a pour effet d’augmenter le débit à ce niveau et d’obtenir une dilatation veineuse importante pour permettre la pose ponctuelle de circuits de circulation extra-corporelle pour un traitement par hémodialyse. La fistule possède l’avantage sur le cathéter (posé obligatoirement sur une grosse veine centrale) de permettre la cicatrisation entre les séances – et par conséquent moins d’entrée de germes.

    Des fistules, j’en avais vu quelques unes aux bras de mes camarades de l’association. Je ne vous dis pas le choc, la première fois ! Plutôt impressionnant ce gonflement anormalement démesuré de cette veine, pleine de circonvolutions tarabiscotées et paraissant être sur le point d’exploser ! De quoi vous filer les chocottes : qu’est-ce qui se passe en cas de choc ou d’écorchure ? On se vide, vite fait bien fait, sans coup férir ? On arrose le plafond ? Ca oui, c’est déjà arrivé !

    Pas franchement esthétique, non… carrément rebutante, de prime abord ! Certains (et surtout certaines) ont le souci de la cacher aux autres, en ayant honte de ce signe extérieur de notre état de malade. Cela peut se comprendre car, là aussi, cette marque de différence peut être montrée du doigt : et si c’était contagieux ? D’ici à ce qu’on rétablisse les crécelles avertissant de notre venue comme on l’exigeait des pestiférés au moyen âge !

    Que de craintes et d’interrogations autour de cette fameuse fistule ! Il faudra apprendre à la respecter, la ménager, la protéger et à la faire durer le plus longtemps possible !

    J’avais oublié de vous dire, qu’entre temps, le service de néphrologie de Paul Brousse avait déménagé à l’hôpital du Kremlin Bicètre en deux parties bien distinctes : les consultations dans un ancien bâtiment et l’hospitalisation dans une tour assez récente. Je n’allais pas tarder à faire des allers-retours incessants entre les deux services, à chacune de mes visites !

    Bicètre donc (curieusement on ne cite jamais le Kremlin, ça doit faire trop « bolcheviste » !), pour les fistules, « sous traitait » les opérations dans une clinique de Nogent sur seine, où intervenait l’un des plus grands spécialiste en la matière de la région parisienne. J’aurai d’ailleurs l’occasion de passer entre ses mains trois fois au cours des 15 années à venir !

    Rendez-vous est donc pris pour aller voir cet éminent chirurgien…

    #13318
    bd91
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    Chapitre 15 : Visite chirurgicale

    Nogent, ce n’était pas vraiment la porte à côté pour un banlieusard du sud de Paris, tant il est vrai qu’en région parisienne, question déplacements, on ne raisonne pas en kilomètres mais en temps !

    La clinique Armand Brillard où officiait notre maître es fistule était certes proche d’une station du RER A, mais pour une première approche, j’optai plutôt pour la voiture.

    La suite allait me démontrer que ce choix ne serait pas le plus judicieux car, si le parcours se déroula à peu près normalement, le problème du stationnement fut pour le moins problématique ! J’ai du tourner plusieurs fois dans le quartier avant que de pouvoir trouver un point de chute… et encore, payant, comme il se doit !

    Trêve de digressions, je ne suis pas payé à la ligne, mais c’est juste pour évoquer les embarras de circulation francilienne !

    Me voici, une fois de plus, dans une salle d’attente !

    Elles se ressemblent toutes… les mieux loties offrent, sur une table basse, une série de revues défraîchies et hors d’âge traitant de sujets plus passionnants les unes que les autres : Argus automobile, revues de santé à vous filer le bourdon, les Match-choc des photos-le poids des mots dans un état chiffonné à force d’être lus et relus… j’en passe et des plus tartes !

    Le chirurgien me reçoit, l’air pressé comme semblent l’être tous ceux de sa profession, toujours entre deux interventions et condescendant à vous sacrifier quelques minutes de leur précieux temps. C’est le genre baraqué, les manches de la blouse relevées sur des bras impressionnants et velus, plus très jeune. On a du mal à s’imaginer qu’il pratique de la chirurgie de précision… bon, il y a bien des boxeurs qui font des travaux de dentelle à leurs moments de loisirs !

    Je suis expédié, vite fait… un coup d’œil sur mon bras gauche (puisque je suis droitier)… il me tripote un peu en mettant en évidence mes pauvres veines bien peu apparentes… il conclue que l’on doit pouvoir faire ce qu’il faut sans problème… il feuillette son agenda et me propose de revenir dans quinze jours : je rentre la veille dans l’après midi pour être opéré le lendemain matin… sortie prévue pour le jour même !

    Oust… Dehors… retour à la vie normale et aux encombrements !

    La quinzaine se passe… au fil des jours, je m’angoisse un peu plus.

    C’est mon premier passage sur le billard… je ne peux m’empêcher de faire des associations de mots assez morbides : corps, billard… corbillard ! La franche gaieté, quoi… si j’avais su que cette grande première allait être suivie d’une dizaine d’autres, j’aurai moins paniqué.

    Aujourd’hui, il m’est facile de jouer les vétérans de la chirurgie… ne vous impatientez pas, je vous raconterai tout… avec forces détails ! Edifiant et instructif pour ceux et celles qui sont encore vierges du bistouri ! Saga chirurgica… ambiance de la frousse !

    Paniquez pas les amis ! Je suis toujours là ! C’est juste pour vous faire peur… vous sortir de votre torpeur… donner un peu de piment dans ce récit qui traîne en longueur… faut bien mettre un brin de suspense pour accrocher le lecteur !

    Le jour fatal arrive… je me suis fait accompagner par mon épouse car je ne voyais pas mon automobile laissée à l’abandon pendant 24 heures à la rapacité des contractuels du cru !

    Je me retrouvais seul dans une chambre à deux lits… pas pour longtemps car un voisin arrive quelques minutes plus tard… même motif, même punition… un autre candidat pour la fistule !

    Je constaterai d’ailleurs, le lendemain, que nous ne serions pas les seuls, puisque notre as du scalpel pratiquait en série et à la chaîne, intervenant tour à tour entre deux salles d’opérations… comme à l’abattage !

    #13481
    bd91
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    Chapitre 16 : Prêt pour la fistule !

    A peine installé, je reçois la visite d’un anesthésiste pour un interrogatoire en règle sur mes antécédents médicaux, mes allergies éventuelles, et la liste des médicaments que j’ingurgite chaque jour.

    L’entretien est rapide… pas de temps à perdre… il interroge, de même, mon voisin de chambre. Exit le toubib… d’autres consultations sans doute ?

    Mon acolyte n’est pas du genre loquace… sûrement pas envie de me raconter sa vie… elle ne doit pas être très différente de la mienne, du moins au niveau de son parcours médical ! Je respecte sa volonté de rester dans ses pensées… c’est aussi mon cas, finalement… cela phosphore sec, là-haut !

    Des voisins de chambrées hospitalières, j’allais en fréquenter un bon paquet au cours des années qui allaient suivre. Je ne sais pas à quoi cela tient, mais la plupart de mes colocataires allaient se révéler être de drôles de clients, de tous les acabits ! La cohabitation forcée avec un sacré paquet d’énergumènes ! Je vous raconterai, au fur et à mesure de mes rencontres… ce n’est pas triste… une vraie galerie représentative de la comédie humaine !

    Tout ça pour dire que je m’étais avancé un peu trop vite sur le calme apparent de mon binôme du jour. S’il ne daignait pas m’adresser la parole, j’allais, par contre, tout savoir de son existence, car ce monsieur était un accroc du téléphone portable, bien que son usage était prohibé au sein de la clinique ! Il en fit un usage pour le moins ahurissant jusqu’à assez tard dans la soirée, téléphonant tous azimuts et en racontant toujours la même chose, comme s’il était seul au monde. Difficile de faire abstraction de ces conversations d’ordre souvent intimes et, pour tout dire, franchement lassantes à la longue !

    J’eu droit cependant à un moment de relâche, à l’arrivée d’une femme de service qui venait pour l’opération « rasage » d’usage, nécessaire avant l’intervention. Je pensais que ce dépoilage allait se limiter à la main et une bonne partie du poignet… ce fut tout le bras qui y passa, y compris l’aisselle ! Et à sec et sans ménagement, je peux vous dire ! Et pas le temps de dire ouf : malheur pour les quelques grains de beauté qui sautèrent pour l’occasion ! Une véritable boucherie… ça saignait de partout ! Pas troublée pour un sou, ma tortionnaire termina son carnage en m’enveloppant le bras d’un paquet de coton imbibé d’alcool (particulièrement jouissif pour mes blessures !), le tout maintenu par une bande Velpeau avec laquelle je me battrai toute la nuit pour la remettre en place continuellement !

    Je fus donc en « pleine forme », au petit matin, pas vraiment serein et calme pour aborder l’épreuve à venir !

    Et cela ne fit qu’empirer au cours de la matinée puisque mon passage sur le billard fut reporté à 11 heures… cette attente, le ventre vide, ne concourra pas à me détendre ! Le seul point positif, si je peux dire, c’est que mon bruyant voisin me donna deux bonnes heures de répit en étant parti à la salle d’opération à 9 heures !
    …………………………………………………………………………………………….

    J’ouvre un œil… quoi, déjà fini ?

    J’ai la sensation qu’à peine cinq minutes se sont écoulées depuis que le chirurgien est passé me voir en coup de vent dans la salle d’attente attenante aux blocs et que l’anesthésiste m’a fait une piqure : – Comptez jusqu’à dix !

    Je ne ressens rien de spécial… pas nauséeux… l’esprit clair. Je suis de retour dans cette salle de transit, en compagnie d’autres gisants. A côté de moi, une femme âgée s’agite sur son brancard en prononçant des bribes de paroles inintelligibles… elle essaye de retirer sa chemise… dur spectacle pour mon réveil ! Visiblement, l’anesthésie lui a enlevé toutes ses inhibitions !

    Je regarde mon poignet gauche et ô surprise, pas le moindre pansement ! Je peux voir la trace d’une incision de pas plus de deux centimètres, suturée par des fils.

    Voilà, c’est fait, en douceur et sans douleur !

    #13500
    bd91
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    Chapitre 17 : Thrill…

    Pour ce qui est des suites opératoires, cela n’a pas trainé… j’ai été remonté assez vite dans ma chambre… et en fin d’après midi, dehors ! Au moins, c’était expéditif !

    En guise de souvenir, un compte-rendu de l’intervention sous la forme d’un imprimé cartonné pré-établi avec la représentation de deux bras. Sur celui de gauche avait été dessiné le détail du raccordement de mes vaisseaux. Un commentaire succinct et assez illisible, comme il se doit, était annoté en marge du schéma… une belle illustration pour la postérité à joindre à mon dossier médical personnel !

    Inutile de vous dire que, dès ma sortie, je passais mon temps à me prendre le pouls au niveau de ma cicatrice. La sensation, toute nouvelle de ce frémissement sous mes doigts témoignant du flux sanguin artériel (appelée le thrill) fut, pour le moins assez extraordinaire, voire même, à la limite, angoissante. Ce souffle était encore plus énorme lorsque je mettais mon poignet contre mon oreille… cela ressemblait au bruit sourd d’une machinerie de navire martelant en cadence.

    Je le ferai percevoir, à partir de ce jour, sans réserve, à tout ceux qui voudraient goûter à cette sensation pour le moins étonnante… certains en seraient d’ailleurs assez effrayés ! Le constat de ce signal omniprésent émanant tout droit de mon cœur était une nouveauté bien troublante. Il était assez étrange de remarquer, à cet égard, que nous étions finalement plutôt chanceux de ne pas subir directement en permanence ce « chant » de nos artères. C’est l’un des mystères de la nature que de ne pas percevoir tous les bruits internes de notre corps, et c’est mieux ainsi pour notre tranquillité !

    Ces battements et ce son continuels allaient, dès lors, rythmer au jour le jour ma nouvelle vie d’insuffisant rénal. Ceux-ci se rappelaient toujours à moi… pas de répit… je les percevais aussi la nuit, même quand mon bras était glissé sous mon oreiller !

    La fistule proprement dite ne se développait pas beaucoup, juste un léger renflement, à certains endroits de ma veine. Celle-ci n’allait d’ailleurs pas devenir très énorme durant les quelques mois de dialyse qui allaient arriver, ayant pour effet de rendre assez délicates les opérations de ponctions. Mais, n’anticipons pas… chaque chose en son temps !

    Voilà, j’étais dès lors, « équipé » et fin prêt pour l’étape ultime… je savais que je ne disposais, tout au plus, que de quelques mois de sursis avant le grand saut.

    Mes visites et examens à l’hôpital s’accélérèrent à partir de ce jour et les résultats de mes analyses ne firent que s’accroîtrent à chaque fois, de manière exponentielle.

    Nous en sommes arrivés au mois de décembre 1989.

    Le professeur me fait comprendre que le terme est proche et qu’il faudrait s’inquiéter de me trouver un centre de dialyse. Celui de l’hôpital était un centre dit « lourd », réservé uniquement aux cas les plus graves dont les pathologies souvent associées nécessitaient une surveillance spéciale. Pas de place donc pour moi !

    Vous commencez à me connaître… je ne suis pas du genre à attendre que les événements me tombent dessus sans que je puisse au moins les maîtriser en partie ! Je décidais alors de me prendre une nouvelle fois par la main et de partir, moi-même, à la recherche d’un centre de dialyse, si possible le plus proche de mon domicile.

    Le constat était rapide : le département de l’Essonne dans lequel je résidais (j’avais émigré depuis peu à Savigny-sur-Orge, en dessous d’Orly, entre Autoroute du Sud et Nationale 7) était l’un des moins fournis en centres de dialyse. Les plus proches étaient à Evry, Fleury-Mérogis, puis, vers l’ouest à Châtenay-Malabry ! Il y en avait, bien sûr, un bon paquet dans Paris, mais cela ne me semblait pas des plus pratiques au niveau des transports !

    Et puis, ce n’était pas le tout de se choisir un centre avec une certaine proximité, encore fallait-il y trouver une place disponible ! Le critère de choix supplémentaire et non le moindre d’ailleurs, était de pouvoir dialyser en soirée afin que ces nouvelles contraintes soient compatibles avec la poursuite normale de mon activité professionnelle ! Autrement dit, le challenge n’était pas simple !

    Dur, dur, le parcours de l’IRC !

    #13842
    bd91
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    Chapitre 18 : Mon bâton de pèlerin

    Vendredi 29 décembre 1989, entre Noël et jour de l’An…

    J’avais spécialement pris mon RTT, ce jour, ainsi que mon bâton de pèlerin, pour partir à l’aventure et démarcher un centre pouvant m’accueillir en soirée pour ce nouveau traitement au long cours !

    Direction l’hôpital d’Evry, premier sur ma liste !

    Après avoir tourné un moment dans les dédales de cette ville nouvelle (merci quand même aux panneaux indicateurs signalant cet ensemble hospitalier !), j’ai fini par arriver à bon port.

    Le centre de dialyse était situé dans un bâtiment à part. Pénétrant dans le sein du sein, j’aboutis au bureau de la secrétaire du service. Je lui demandais alors s’il m’était possible de rencontrer le médecin responsable, en lui résumant l’objet de ma visite. Celui-ci, n’étant pas en consultation, me reçut dans son cabinet.

    Je n’eus pas à m’étendre longuement sur mon parcours… dès que j’abordais mon souhait de pouvoir dialyser en soirée, le néphrologue m’arrêta de suite en me déclarant qu’il n’y avait aucune place de disponible actuellement, et ce quelle que soit l’heure de la séance !

    Bonjour la déconvenue ! Cela commençait bien ! J’imaginais alors que mon initiative allait vite se transformer en chemin de croix !

    Constatant mon embarras, ce sympathique toubib me conseilla alors d’aller faire un tour à une clinique assez voisine qui disposait d’un centre important et qui serait peut être susceptible de pouvoir plus facilement me prendre en charge.

    Aussitôt dit, aussitôt fait… me voilà reparti sur les routes !

    Effectivement, ce n’était pas très loin… « Clinique du Mousseau, Centre médico – chirurgical et obstétrical »…

    Première approche de ce qui allait devenir mon point de chute régulier, trois jours par semaine, pour les mois à venir !

    La première personne que je rencontrais dans le couloir du service de dialyse était justement le néphrologue du centre. Il me fit entrer dans son bureau dès que je lui exposais les raisons de ma visite.

    Pour la seconde fois de la journée, je racontais mon parcours en lui proposant mon dossier. J’insistais, évidemment, sur mon désir de pouvoir dialyser en séance du soir, car je voulais continuer mon activité professionnelle à plein temps.

    Heureuse surprise ! Mon souhait allait pouvoir se réaliser : une place venait juste de se libérer !

    Le médecin me fit comprendre qu’il était temps de commencer le traitement de suppléance, sans attendre que mon état empire. Il rajouta alors : – On va vous laisser passer les fêtes… et vous commencerez le mercredi 3 janvier !

    Bonne année et meilleurs vœux !

    1990 allait démarrer dans la précipitation, sur les chapeaux de roues ! J’avais effectivement intérêt à fêter particulièrement le nouvel an avant de plonger dans la mer de misères qui allaient désormais être mon lot quotidien !

    Cela n’allait pas être facile de me mettre en condition durant les quelques jours de sursis dont je disposais !

    #13987
    bd91
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    Chapitre 19 : Toute première fois

    Deux mots, quand même, sur ce nouveau néphrologue que j’allais bien être obligé de fréquenter, assidûment d’abord durant mes six mois de dialyse (zut, fini le suspens !) puis, de façon épisodique pour des consultations d’après transplantation…

    Grand, distingué, les cheveux blancs bien épais sur la nuque, « bel homme » diraient ces dames… Le genre calme et posé, toujours optimiste… peut être un peu trop parfois, au risque de minimiser les problèmes.

    A l’instar de mon professeur de Bicètre, nos rapports allaient être assez privilégiés, en raison de mon implication dans l’association des insuffisants rénaux.

    Cela allait d’ailleurs me valoir, quelques années plus tard, le privilège de faire partie d’une commission d’études ministérielle sur les coûts de la dialyse, en tant que représentant des malades, en compagnie d’une poignée des plus éminents néphrologues français, dont le mien qui en était le président (ce qui explique pourquoi j’avais été choisi !) Mais c’est une autre histoire… pour plus tard, peut être ? Parce que, là aussi, ce ne fut pas triste !

    Vous avez compris que ma première expérience de dialyse n’a pas duré très longtemps ! Assez, cependant pour faire le tour de ce traitement avec ses bons et mauvais moments ! Je ne m’étendrais pas trop longtemps sur le côté technique des opérations, étant donné que j’y ai consacré quelques chapitres précédemment dans « Dialyse Song ».

    Je me contenterai donc de vous narrer quelques anecdotes savoureuses sur ces six mois… le but est quand même d’en arriver, après tous ces détours, au sujet principal de ce récit… à savoir, ma transplantation ! Les moments de bravoure ne manqueront pas, là aussi… le parcours est encore long, semé d’embûches et de souvenirs édifiants !

    Commençons par le tout premier jour puisque je ne suis pas prêt de l’oublier ! Les « premières fois » ça ne s’oublie pas !

    Première séance… je passe par le vestiaire et mon toubib me fait entrer dans la première grande salle (il y en avait deux principales, séparées par un long couloir, et une petite, à part… en tout une bonne quinzaine de postes)

    Il me présenta, tour à tour, l’infirmière qui allait s’occuper de moi : Nathalie (que j’aurai la surprise de retrouver 15 ans plus tard dans un autre centre), puis la machine qui allait me prendre en charge : Fresenius !

    Ma voisine de fauteuil, une jeune femme d’une trentaine d’années, m’accueillit d’un sonore :
    – Bienvenue chez les cassés !

    Voilà une entrée en matière peu ordinaire… le ton était donné… cela allait être le début de mes séances du soir pas tristes du tout, avec quelques phénomènes dans le genre de cette Ghislaine, boute en train aux allures et manières d’un vrai Titi parisien ! Elle avait eu et aurait pourtant bien des malheurs et soucis, mais cela ne l’empêchait pas d’être optimiste et pleine d’entrain. Toujours partante pour la déconne, apostrophant les uns et les autres, malades et soignants, dès qu’elle sentait planer une once de morosité.

    Bon… revenons à ce branchement… Pour cette première fois, l’expérience ne durerait que deux heures, afin de voir comment mon organisme allait réagir. La durée normale était de trois heures, en hémodiafiltration (méthode de dialyse qui combine hémodialyse et hémofiltration… on en restera là car cela nécessiterait trois pages d’explications techniques !) Bref, un procédé assez révolutionnaire permettant à la fois un gain de temps mais aussi une meilleure épuration… Je ne prends pas partie, je vous raconte ce que l’on m’a dit !

    Autre caractéristique : utilisation d’une seule aiguille à fistule uniponction… les lignes artérielle et veineuse étant reliées à cette même aiguille. Ce sont les pompes du générateur qui alternativement aspireront le sang artériel ou rejetteront le sang veineux par ce seul point de ponction. L’avantage est évident : une seule piqûre… c’est meilleur pour la peau et la fistule. Par contre, je pense que l’utilisation classique de deux aiguilles permet certainement une meilleure différenciation dans la circulation sanguine.

    Rien à dire de plus, en dehors du fait que tout s’est bien passé… une perte de virginité d’hémodialysé en douceur !

    😳

    #13999
    bd91
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    Pour égayer… un peu !

    #14006
    bd91
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    Chapitre 20 : La routine

    Et c’est parti pour cette nouvelle vie… tout est à réorganiser.

    Côté travail, pas de grands changements. Les jours de dialyse, j’utilisais ma voiture au lieu du bus habituel pour me rendre à la station du RER. J’avais loué une place au mois au parking de la gare et je prenais le train, comme les autres jours… direction Issy les Moulineaux !

    Le soir, parcours inverse… arrivé à Savigny, je n’avais plus qu’à monter en voiture pour aller directement au centre. Je gagnais ainsi un temps précieux en évitant de rentrer chez moi et je restais autonome. C’était une sage décision, car j’avais vite constaté que tous ceux qui avaient recours aux ambulances ou VSL étaient totalement dépendants du bon vouloir de ces transporteurs ! Bien souvent en retard… à l’aller… comme au retour ! Insupportable… donc, pas question en ce qui me concernait !

    Durant mes six mois de dialyse, je me déplacerais toujours de la sorte sans avoir le moindre problème, même pour les retours en fin de séance où j’aurai la chance de jamais éprouver ni malaise ni grosse fatigue… un gain de temps précieux et la sensation de rester maître du jeu ! Une volonté de continuer à me prendre en charge, quoi qu’il arrive ! IRC émancipé et responsable !

    Les séances démarraient entre 18 à 18h30, selon les jours, ce qui fait que nous sortions vers 22h. Le temps de rentrer chez moi, il ne me restait plus qu’à me coucher pour être de nouveau partant au travail, le lendemain matin, sans trop me ressentir de la dialyse de la veille. Le choix de ces horaires était donc le meilleur pour la poursuite de mes activités.

    Mes collègues de galère étaient relativement jeunes et actifs… en tous cas plus que ceux du matin ou de l’après midi ! Il semblait assez normal, en effet, de privilégier les malades qui travaillaient pour cette séance du soir. L’ambiance s’en ressentait. Les contacts et les échanges étaient plus courants… les conversations animées… l’humeur plus festive. Le temps passait ainsi plus vite. J’avais parfois la sensation d’aller à un club de loisirs… enfin, quand les alarmes ne retentissaient pas trop… quand les crampes ne faisaient pas trop hurler les moins chanceux… quand aucun incident sérieux ne venait troubler notre routine !

    Le plateau repas était joyeusement accueilli sur le coup des 19h ! Il faut dire, qu’à l époque, nous avions la possibilité de nous voir servir une canette de bière bien frappée avec notre dîner ! Pour des gens assoiffés comme peuvent l’être des dialysés, je peux vous assurer que cet instant était divin !

    Apparté : Je n’ai hélas plus le même bonheur dans mon centre aujourd’hui où je dois me contenter d’un petit verre d’eau pas toujours très fraîche ! Les temps sont durs… ahhh, ça me donne soif !

    Même chose pour certaines douceurs que nous apportions en prime afin de les déguster pendant la première heure : gâteaux, chocolat et autres mignardises habituellement interdites (gare au potassium !) Nous avions l’impunité de les voir se « dissoudre » dans les méandres du dialyseur !

    Le simple bonheur peut ainsi résulter de petits riens, d’événements qui peuvent paraître bien modestes et anodins pour ceux qui en usent normalement chaque jour. L’insuffisant rénal, être diminué dans son corps et son âme n’a pas la même perception de ces rares petits plaisirs qui prennent alors une dimension « extra-ordinaire »…

    😉

    #14421
    bd91
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    Le papy a été bien occupé durant ces dernières semaines ! Alexandre, mon petit-fils « Américano/Franco/Irlandais » vient de repartir dans son Irlande ! Je vais pouvoir me remettre à l’écriture !

    #14761
    bd91
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    Bon, c’est enfin reparti… pourvu que l’inspiration dure

    Chapitre 21 : Les aléas de la dialyse

    N’allez pas croire cependant que tout fut « rose » durant cette première expérience de dialyse… loin s’en faut ! Je n’ai pas été exempt d’angoisses et de soucis divers, comme tout à chacun !

    Même si je m’étais bien adapté à cette nouvelle routine, il restait toujours la crainte naturelle, à chaque branchement, de se demander si tout allait bien se passer. Ma confiance était liée, de prime abord, à la personne qui allait me piquer. Comme nous n’avions pas de soignant attitré, celui qui devait officier changeait naturellement à chaque séance. L’expérience aidant, j’avais rapidement effectué un « classement » entre les doués et les moins bons de mes intervenant(e)s… Personne n’est parfait ! Evidemment, c’était comme à la loterie ! Du coup, j’étais plus ou moins crispé en fonction du sort qui m’allouait telle ou tel officiant(e).

    En général, cela se passait plutôt bien, quand même… il ne faut pas non plus exagérer ! Mais les quelques ratages que j’ai connus ont laissé des traces désagréables et indélébiles !

    Le plus mémorable d’entre ces loupés me valut un tiercé de piqûres lors d’une séance particulièrement éprouvante ! Mon infirmière du jour me rata en effet deux fois d’affilé ! Inutile de dire qu’elle en était presque plus contrite que moi ! A bout de ressources et passablement affolée, elle repassa alors la main au néphrologue qui réussit enfin à me piquer à un endroit pourtant bien délicat compte tenu de la place intacte restante ! Souvenir encore bien jouissif que je ne suis pas prêt d’oublier !

    La seconde expérience désagréable de cette époque fut, sans conteste, celles des crampes ! Des crampes, j’en avais eu, occasionnellement, dans mon existence, comme tout le monde… pas franchement sympathique comme sensation, mais pas de quoi se rouler par terre ! En dialyse, là, c’est tout autre chose ! Même si je suis d’un naturel peu douillet, je peux affirmer que je n’avais jamais encore ressenti une telle douleur ! Je me souviens encore des hurlements de certains de mes camarades lors de ces manifestations incontrôlables et bien difficiles à faire passer. Ces crampes étaient d’ailleurs souvent associées à des chutes de tension parfois spectaculaires !

    La raison en était assez évidente : 3 heures de dialyse, c’est bien peu pour répartir la perte de poids, surtout après un week-end ! Il était donc assez courant d’être obligé de dépasser plus d’un kilo par heure, ce qui n’était pas sans entraîner ces conséquences fâcheuses ! Nous avions d’autant plus intérêt à respecter au mieux notre régime (surtout hydrique !) si nous voulions échapper à ces incidents !

    Bon, mais à part ça, tout se passait à peu près normalement… on finit par s’habituer à tout… de toute manière, impossible de faire autrement ! La dialyse ou le cercueil ! Bien obligé de se faire une raison !

    La seule issue pour se sortir de cette galère et retrouver une vie à peu près normale ? Il n’y en avait pas d’autre, pour moi, dans ces circonstances, que de recourir à la transplantation ! J’avais été inscrit sur la liste d’attente, quasiment en même temps que mes débuts en dialyse. Je ne m’étais posé aucune question existentielle sur le bien fondé de cette démarche… aucune crainte ni réserve… la fleur au fusil, sûr que c’était la seule solution !

    Il est vrai que j’étais, malgré mon implication dans l’association des insuffisants rénaux et les quelques informations que j’avais pu y glaner, relativement « vierge » sur la question ! Je ne connaissais finalement pas grand-chose sur toutes les épreuves qui m’attendaient pour accéder à la greffe… quelques examens divers et variés qui allaient se révéler bien « sympathiques » !

    #15416
    bd91
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    Chapitre 22 : Partant pour la greffe ?

    La transplantation, ce n’est pas une mince affaire ! Pas aussi simple que l’on pourrait penser au travers des multiples informations qui semblent la banaliser. Il est vrai que cette intervention paraît, aujourd’hui, des plus communes : la réalité est plus complexe. Sur le plan chirurgical, la technique est évidente et relativement simple : une affaire de « tuyauterie » plutôt bien maîtrisée ! Là où cela se complique, c’est sur la tolérance de l’organisme vis-à-vis du greffon.
    Un petit rappel tiré du Site Internet de « Ouest-Transplant » :

    « La principale complication de la greffe d’organe est le phénomène de rejet. Ce rejet va dépendre essentiellement de la réaction immunologique du Receveur contre l’organe greffé.
    Cette réaction de défense immunologique développée par le Receveur est très proche de celle générée au cours de la défense contre une infection.
    Elle met en jeu des cellules (essentiellement les lymphocytes T), des anticorps, et la production de médiateurs solubles qui participent à cette réaction (les cytokines).
    Les cibles de la réaction immunologique de rejet sont les antigènes de transplantation propres au Donneur et portés par le greffon.

    Plus simplement, pour notre organisme, le greffon est assimilé à un corps étranger, au même titre qu’il reconnaît comme étranger un agent bactérien infectant, entraînant la mise en place d’un processus de défense visant à son élimination.
    Les principaux antigènes de transplantation sont les antigènes d’histocompatibilité, appelés antigènes HLA.
    Ces antigènes sont des molécules présentes sur l’ensemble de nos cellules, très polymorphes au niveau de l’espèce humaine, ce qui en d’autres termes signifie que la probabilité que deux individus non apparentés soient HLA identiques, est un événement exceptionnel.
    Le système HLA pourrait ainsi être considéré comme une carte d’identité biologique, permettant de différencier les individus entre eux.
    Ceci explique qu’en situation de greffe d’organe, le greffon étant le plus souvent issu d’un Donneur non apparenté, les différences dans le système HLA entre le Donneur et le Receveur (appelées aussi incompatibilités) existent et vont stimuler la réaction de rejet immunologique du Receveur. »

    Après une greffe, la prévention du rejet passe donc toujours par une inhibition ou au moins une réduction des réactions immunitaires. Pour ce faire, les médecins disposent aujourd’hui de plusieurs molécules. Ces médicaments vont agir à différents niveaux des réactions immunitaires pour en limiter l’expansion et l’ardeur. Ce sont les immunosuppresseurs. Le principe est de bloquer la réaction de défense immunologique, ce qui ne reste pas sans conséquences puisque notre organisme devient ainsi beaucoup plus fragilisé face aux « agressions externes ».

    Mais il sera bien temps de revenir plus tard sur ce phénomène de rejet (puisque je n’y ai pas échappé !), souci majeur de tout transplanté, véritable « Epée de Damoclès » suspendue au-dessus de nos têtes, qui trouble souvent la sérénité de cette nouvelle vie quasi normale retrouvée !

    La transplantation, cela se mérite ! Avant toute chose, il faut être volontaire… encore heureux que nous ayons, à cet égard, le libre arbitre ! Dans cette société où l’on encadre de plus en plus les choses que nous devons faire et ne pas faire, il n’est pas exclu que l’on nous oblige un jour à recourir de façon arbitraire à cette éventualité… mesures d’économies obligent ! Je pousse un peu… quoique ?

    En effet, tous les insuffisants rénaux ne sont pas obligatoirement, où ne peuvent pas être, candidats à la greffe ! Il y a ceux qui, pour diverses raisons, ne le veulent pas : crainte de l’intervention, du rejet, de complications… bref, que leur éventuelle nouvelle vie soit pire que les contraintes de la dialyse. Rien à redire… cela peut se concevoir. C’est une affaire de conception personnelle de la gestion des risques. Il est certain, à tout prendre, qu’il vaut mieux une bonne dialyse qu’une mauvaise transplantation ! Les exemples ne sont pas rares évoquant l’une ou l’autre de ces possibilités.

    Il y a ensuite ceux qui ne le peuvent pas : toutes les personnes ayant un profil à risque… cancéreux, cardiaque, infectieux, psychiatrique, par exemple, ainsi que les personnes trop âgées. Dans ce cas, le choix n’est pas possible… on reste dialysé à vie !

    Etre candidat, c’est bien, mais encore faut-il vérifier que l’on ne rentre pas dans le cas de ces profils à risque, ce qui nécessite le recours obligatoire à un bilan de pré-greffe extrêmement détaillé. Le bilan pré greffe a pour but de dépister toutes les pathologies susceptibles d’aggraver ou de mettre en danger la vie du patient ou de compliquer l’acte chirurgical, ainsi que celles étant incompatibles avec le traitement immunosuppresseur.

    Le patient, sauf cas particulier, déjà en cours de dialyse, doit donc subir des examens allant des plus simples aux plus contraignants.

    #15489
    bd91
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    Chapitre 23 : Deux pour le prix d’une !

    Le bilan de pré-greffe, extrêmement rigoureux, repose, de manière exhaustive, sur la détermination des caractéristiques immunologiques pour organiser la compatibilité entre le donneur et le receveur (compatibilité sanguine (ABO) et tissulaire (HLA), un bilan morphologique précisant la façon dont le rein sera inséré dans l’organisme et la faisabilité de la transplantation, la vérification de l’absence de cancer, du bon fonctionnement de la pompe cardiaque, de l’état des vaisseaux périphériques pour la couture du rein, enfin une vérification de l’absence d’infection et d’un bon état psychique.

    Au plan chirurgical, il faut vérifier les possibilités anesthésiques, l’appareil vasculaire et urinaire qui méritent parfois une remise en état après les détériorations essentiellement métaboliques de la dialyse.

    En ce qui me concerne, j’ai eu droit à la plupart de ces examens préconisés, à savoir :
    – prises de sang multiples et variées,
    – échographie cardiaque,
    – échographie rénale,
    – angiographie numérisée par voie veineuse,
    – cystographie rétrograde,
    – fibroscopie gastrique,
    – radio pulmonaire,
    – consultation dentaire.

    Pour ce qui est de l’entretien psychologique habituellement préconisé (car la greffe bien qu’apparaissant comme un élément salvateur, n’est en fait pas toujours très bien vécue en post opératoire d’un point de vue purement psychologique), je l’attends encore ! Sans doute considérait-on que j’étais suffisamment informé et bien préparé sur ce plan là (ce qui n’était d’ailleurs pas complètement faux !)

    Tous ces examens se déroulèrent dans les deux premiers mois du début de ma dialyse, soit à l’hôpital de Bicêtre, soit dans des cliniques spécialisées. Un véritable chemin de croix puisque l’une de mes caractéristiques en matière d’explorations médicales est d’être, le plus souvent, contraint à des « doublés » !

    Je m’explique… peut-être que mon organisme est rebelle à toute intrusion ou expertise ? Pour principale illustration, la moindre radio pulmonaire nécessite, au moins deux fois sur trois, de refaire une deuxième série de clichés ! Il faut dire que j’ai le torse un peu long et que les poumons allant de pair, ils sont souvent tronqués à la première tentative, même en prévenant l’officiant ! J’ai donc souvent droit à une double dose de rayons… les éponges façon Tchernobyl, à force !

    Bon, les radios, encore, c’est un moindre mal ! Là où cela se corse c’est quand les examens sont un peu plus compliqués ou douloureux… même motif, même punition ! Cela a été particulièrement réjouissant pour l’angiographie et la cystographie… j’en rêve encore parfois aujourd’hui !

    L’angiographie numérisée par voie veineuse, c’est la radiographie des vaisseaux rendus opaques aux rayons X par l’introduction d’une substance de contraste iodée grâce à un cathéter. Plusieurs clichés sont réalisés lors de l’injection. Cela permet de vérifier l’état du système circulatoire sanguin et de déceler éventuellement toutes anomalies du type anévrisme, thrombose, ou sténose.

    Allongé en petite tenue sur la table de radio, le toubib m’avait prévenu :
    – Lors de l’injection du produit, vous ressentirez une sensation de chaleur dans l’ensemble du corps, prédominant au niveau de la gorge et du bas-ventre, d’intensité variable suivant les individus et accompagnée occasionnellement d’un goût amer dans la bouche. Toutes ces sensations s’estomperont dans les deux ou trois minutes qui suivent la fin de l’injection !

    Il me branche le cathé dans le bras droit, en cherchant un peu la bonne veine car j’ai le malheur de les avoir difficilement apparentes ! La piquouse est reliée à une pompe manoeuvrable à distance puisque le toubib me laisse en allant se réfugier dans sa petite cabine…
    Il me prévient alors que l’injection commence… pas besoin de me le signaler car je la sens bien ! Et pour cause ! Dès le démarrage, ma veine explose et l’intégralité du produit se répand dans mon bras en une fulgurance de chaleur ! Un brasier concentré sur une zone de quelques centimètres ! Aille ! Ouille ! J’en ai encore des frissons !

    Inutile de dire qu’il a fallut recommencer toute l’opération, avec un brin d’anxiété de ma part ! La deuxième fois, la sensation de chaleur a été néanmoins moins intense puisque répartie dans l’ensemble de mon corps, mais avec la surprenante sensation de la sentir se diffuser tout au long de mes veines, de la pointe des pieds jusqu’à la racine de mes cheveux !

    Quand je vous disais que je dois faire partie de la famille des « Pasdebol » ! Surtout que la seconde expérience est encore pire !

    #15729
    bd91
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    Chapitre 24 : Sondage… s !

    L’angiographie numérisée par voie veineuse, même à « répétition », c’est néanmoins un moindre mal ! C’est tout de même moins invasif que l’artériographie à laquelle j’ai échappé ! C’est le même principe que l’angiographie mais cet examen radiologique permet de visualiser, cette fois-ci, les artères par l’injection dans ces artères d’un produit de contraste iodé. Le médecin radiologue réalise une ponction de l’artère fémorale à l’aine (ou humérale, au niveau du coude), par laquelle il atteindra les artères à étudier à l’aide d’une sonde (petit tuyau). Plusieurs clichés sont réalisés lors d’injections successives.

    La deuxième épreuve importante qui m’a particulièrement marqué lors de cette panoplie de contrôles divers et variés porte le nom charmant de cystographie rétrograde. Cet examen vise à vérifier l’absence de reflux vésico-uretéral, c’est-à-dire un reflux anormal de la vessie vers le rein via l’uretère, ce dernier étant toujours pathologique.

    Le reflux vésico-uretéral est l’une des causes les plus fréquentes de consultation urologique des enfants. Le reflux signifie que les urines remontent dans les uretères, vers le rein, alors que le flux normal est à sens unique : des reins vers la vessie et l’urètre. Cela peut entraîner des conséquences néfastes pour les reins : altération ou destruction irréversible, infection du rein… L’existence de ce reflux peut donc être une contre indication à la transplantation puisque le greffon risquerait ainsi d’être infecté.

    Le diagnostic du reflux est fait en radiologie par une urétro-cystographie rétrograde (UCR). Ceci implique la pose d’une sonde urinaire souple et stérile introduite par l’orifice externe (ou méat) de l’urètre jusque dans la vessie. Une fois en place, un ballonnet est gonflé pour empêcher la sonde de ressortir pendant l’examen. La vessie est alors remplie doucement par instillation de produit de contraste (produit iodé) dans la sonde jusqu’au remplissage complet de la vessie.

    L’examen se poursuit par la prise de clichés radiologiques (face, profil, obliques) de la vessie pleine puis par des clichés per-mictionnels (pendant un temps de miction) et post-mictionnels (après avoir vidé la vessie).

    Voilà donc le programme ! Vous imaginez sans doute maintenant le tableau ! Votre serviteur est couché, une nouvelle fois, en petite tenue sur la table de radio, position des plus inconfortables, tant physiquement que moralement ! Inutile de préciser que, dans ces circonstances, toute pudeur doit être mise au rencard ! Pas facile de rester décontracté et naturel sous les regards (que l’on espère purement professionnels) du radiologue et de son… assistante !

    Cette dernière est finalement uniquement présente pour donner au toubib la fameuse sonde et être une spectatrice attentive aux manœuvres du spécialiste ! Cet instrument de torture ne semble d’ailleurs pas convenir à ce dernier puisqu’il en réclame un autre, de dimension apparemment plus importante, ce qui n’est pas du tout fait pour me rassurer !
    Juste avant de m’introduire la fameuse sonde, il a la courtoisie de m’informer qu’il va y avoir un passage délicat à forcer…

    En effet, la longueur de l’urètre masculin et le fait qu’il présente plusieurs coudes rendent le sondage et les gestes rétrogrades plus difficiles. Le sphincter de l’urètre constitue, à cet égard, un obstacle qu’il faut franchir ! Le rôle du sphincter est d’empêcher l’urine de sortir de la vessie à la façon d’un clapet ; il assure ainsi la continence urinaire.
    Effectivement, le passage est délicat et m’a tiré une grimace de douleur ! Pas folichon comme sensation… un mauvais moment à passer !

    Bon, le tuyau est en place… je soupire… je pense que le plus dur est fait !
    J’avais tort !

    Allongé de la sorte, mon champ de vision est plutôt réduit, mais je présume que la sonde est reliée à un appareil qui va instiller le fameux produit…
    Cette opération commence, pilotée à distance par le radiologue…
    Ma vessie se remplit jusqu’au point où la sensation du besoin d’uriner commence à se faire méchamment sentir !
    Bien entendu, je ne dois absolument pas bouger pendant que les premiers clichés sont effectués !

    Le radiologue revient alors en me précisant qu’il va maintenant m’enlever la sonde et que je dois absolument me retenir de pisser puisque d’autres clichés doivent être effectués juste avant la miction. L’effet en est presque aussi désagréable que pour son introduction ! Au moment de cette « libération » débloquant ainsi le sphincter, j’ai une irrépressible envie d’uriner en accompagnant le retrait du tuyau ! Les quelques minutes qui vont suivre seront des plus pénibles… les efforts désespérés que je dois faire pour me retenir sont difficilement supportables !

    Puis vient le moment de la délivrance, dans un « pistolet », mais là encore ce n’est pas une partie de plaisir car je dois lâcher les vannes seulement par à-coups, afin de permettre la prise de clichés intermédiaires !

    La fin de l’examen me laisse dans un état d’épuisement et de suées assez effrayant ! Pas près d’oublier cette épreuve… surtout qu’elle ne fait que commencer !

    En effet, au bout d’un laps de temps relativement long durant lequel je suis toujours allongé sur cette table inconfortable, le toubib arrive, l’air un peu soucieux et me lâche :
    – Je suis désolé, mais certaines radios ne sont pas nettes et nous allons être obligés de recommencer !

    Vous connaissez l’expression du ciel qui vous tombe sur la tête ? Eh bien, c’est ce qui m’est arrivé à l’énoncé de ce diagnostic !
    Même dans les pires moments, mon caractère arrive toujours à me forcer à garder un certain sens de l’humour… je n’ai pas dérogé à cette règle ce jour là puisque je revois encore le regard médusé de mes tourmenteurs lorsque je leur ai déclaré, d’un air faussement goguenard :
    – Ca tombe bien… je commençais à y prendre goût !

    😳

    #15778
    bd91
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    Chapitre 25 : L’appel !

    A la fin de l’ensemble des examens requis, j’ai été jugé candidat à la greffe et inscrit, dans la foulée, sur la liste d’attente des greffes de mon centre de transplantation (Bicètre) et mon dossier administratif a été transmis à France Transplant qui centralisait alors les données.
    Cet organisme sera remplacé le 1er Décembre 1994 par l’Établissement français des Greffes (EFG), Etablissement public chargé par le Ministre de la Santé de toute l’organisation sanitaire, réglementaire et fonctionnelle des greffes en France.
    Née de la loi de bioéthique du 6 août 2004, l’Agence de la biomédecine a aujourd’hui pris le relais, en particulier, en ce qui nous concerne, pour la répartition et l’attribution des greffons.

    A partir de ce jour, je devais, en principe pouvoir être toujours joignable, de jour comme de nuit. J’étais, en effet, susceptible d’être appelé à tout moment si un rein compatible était “disponible”. Ce principe n’était pas évident à l’époque puisque les portables ne courraient pas encore les rues… cet ustensile, tellement banalisé de nos jours, n’était pas encore courant en 1990. Pas question de rester cloîtré à la maison à côté du téléphone dans l’attente hypothétique du coup de fil annonciateur de la bonne nouvelle ! Il fallait bien continuer à pouvoir mettre le nez dehors ! Le mieux était donc de vivre le plus normalement du monde, sans y penser. D’ailleurs, très rapidement, j’avais occulté cette problématique d’appel, pensant devoir rester en dialyse pour un bon moment avant d’être contacté ! Ce en quoi je me trompais lourdement !

    Jeudi 31 mai 1990. Cela fait maintenant six mois que je suis dialysé. Ma dernière dialyse date de la veille… Ma nouvelle vie, rythmée par ces trois séances par semaine, a pris une tournure routinière. J’en ai pris mon parti… je vis un peu au jour le jour sans faire trop de projets à longue échéance.

    C’est le début de l’après midi et je m’apprête à sortir, avec mon épouse, pour faire les courses. A l’instant même où nous allons partir… le téléphone sonne ! Le destin est assez incroyable ! A une minute près, j’aurai raté cet appel !
    Ma femme revient sur ses pas tandis que je l’attends sur le seuil de la porte. Comme nous sommes sur le départ, je pense que l’importun sera vite expédié !

    Les quelques minutes qui vont suivre vont pourtant bouleverser radicalement mon existence !

    Mon épouse décroche l’appareil et je l’entends répondre « Oui », puis après quelques secondes je vois son visage se figer et littéralement blanchir… Elle me tend alors le téléphone et d’une voix à peine audible et tremblante, me dit :
    – C’est l’hôpital… ils ont un rein pour toi !

    Un moment de flottement… le temps que le message soit décrypté par mon cerveau pas vraiment prêt à la compréhension de cette nouvelle inattendue. Ca y est, la connexion vient de se faire… je sens que j’ai dû, moi aussi changer de couleur tandis que mon cœur s’emballe.

    La conversation s’est déroulée, en ce qui me concerne, comme à travers le brouillard. Je n’ai d’ailleurs pas dit grand-chose, me contentant d’écouter les instructions du toubib de garde à l’hôpital. Celui-ci m’informa qu’un rein m’était effectivement proposé et que je devais aller à mon centre pour refaire une dialyse… que mon néphrologue venait d’être prévenu et qu’il m’attendait… et qu’ensuite je devais aller au service de transplantation de Bicètre… et que l’opération serait pour le lendemain matin !

    Pas trop le temps, l’occasion ni même l’envie de poser la moindre question… J’ai du acquiescer, un peu bêtement, sonné et vidé par cette annonce ! Puis, très rapidement, ma volonté a repris le dessus. Pas d’état d’âme… pas d’hésitation… j’étais partant comme si le fait était naturel. Plus question d’aller pousser le caddie, of course ! Les affaires en cours, mon travail, les sorties : plus rien à faire ! J’ai un rendez-vous bien plus primordial que toutes ces occupations qui m’apparaissent éminemment futiles !

    Si pour moi tout est clair et décidé, il n’en n’est pas de même pour mon épouse… celle-ci est bien plus affectée que moi-même. D’un naturel plus anxieux, elle envisage tout de suite le pire ! C’est à moi, en fait, de lui remonter le moral et d’essayer de lui insuffler une partie de mon énergie. Après tout, nous devions bien nous y attendre… cela devait tomber un jour ou l’autre !

    Après seulement six mois de dialyse, il fallait avouer que c’était inespéré !

    #16197
    bd91
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    Chapitre 26 : En route pour l’hôpital !

    Me voilà en route, sur des chapeaux de roues, vers mon centre de dialyse, pendant que mon épouse, encore toute bouleversée par la nouvelle, me prépare la petite valise d’usage pour tout hospitalisé.
    Heureusement que ma voiture commence à connaître l’itinéraire car je dois dire que je conduis un peu en « état second »… Ca cogite dur dans ma caboche… de multiples pensées m’assaillent, tour à tour pleines d’optimisme et de pessimisme mélangés. Le bon côté c’est la promesse de la fin de ces séances contraignantes et de leurs chapelets de servitudes et la certitude d’une liberté d’action retrouvée. La principale angoisse est de se dire que l’on ne va pas se réveiller après l’intervention… bien qu’après tout, si cela arrive, on ne s’en apercevra pas ! Bon… et si ça marche, est-ce que l’on ne va pas rejeter subitement le greffon ? Et sinon, quid des effets secondaires des médicaments immunosuppresseurs ?

    J’arrive donc au centre avec toutes ces idées en tête… je ne vais pas avoir fini de me faire un cinéma pendant les quelques heures qui vont suivrent… et encore, je ne vous dis pas la nuit que je vais bientôt passer !
    Je suis effectivement attendu par mon néphrologue et une infirmière qui s’empresse de me brancher. Je pense alors que cette séance est certainement la dernière que je vais subir avant, je l’espère, bien longtemps ! Car je ne me fais aucune illusion, je sais déjà que la transplantation n’est pas une fin en soi et que je ne serai pas pour autant guéri ; il s’agit simplement d’une autre forme de traitement dont la durée de vie est limitée dans le temps (à cette époque, on la pronostiquait entre 10 à 12 ans en moyenne !)

    Fin de la dialyse… mes adieux sont émus et reconnaissants envers l’équipe du jour. Chacun et chacune me souhaite bon courage et bonne chance. Je repasse à la maison pour changer de voiture car c’est ma femme qui va m’accompagner à l’hôpital dans sa petite auto… Inutile de préciser que mon épouse a passé son temps au téléphone afin d’annoncer la nouvelle à tous nos parents et amis ! C’est sûr, c’est l’événement du siècle !

    Le parcours jusqu’à Bicètre me donne l’occasion de transmettre mes dernières instructions et recommandations sur les affaires en cours, les démarches à régler, mon employeur à prévenir… Je n’irai pas jusqu’à dire que je fais un mini « testament », vite fait, sur le pouce, mais cela y ressemble bigrement ! Pressé par le temps, j’ai peur d’oublier des choses primordiales… Tout ceci, malheureusement, n’est pas fait pour rassurer ma femme qui a du mal à suivre le cours de mon discours assez décousu…

    Nous arrivons enfin à l’hôpital… c’est la fin de l’après midi, et arrivé dans le service de néphrologie, je ne trouve que l’infirmier de garde de nuit qui vient de prendre son service. Il est bien sûr au courant de mon admission et de son objet et me prend en charge.
    Je suis installé dans une chambre particulière et commence à ranger mes petites affaires après avoir revêtu une tenue plus adéquate (en l’occurrence un jogging) Adieu ma tenue « civile »… dans combien de temps fais-je pouvoir la repasser ?

    Après avoir eu l’information que l’opération est prévue pour le lendemain matin, je signifie à mon épouse qu’il est inutile qu’elle s’attarde plus longtemps… les adieux que l’on prolongent sont d’autant plus déchirants ! Elle reviendra demain en fin de matinée pour ma remontée de la salle de réveil.

    Me voilà seul mais bientôt très accaparé par une batterie d’événements qui vont m’occuper pour le reste de la soirée.
    J’ai tout d’abord droit à une collation très légère… pas me surcharger l’estomac avant le grand saut ! Bien que la cuisine hospitalière n’ait qu’un lointain rapport avec celle du monde extérieur (j’aurai le loisir de m’en contenter durant les semaines qui vont suivrent !), cet ultime repas me parait savoureux, d’autant plus que je ne sais pas quand j’aurai le loisir d’en déguster un prochain !

    A peine ce mirifique plateau terminé, j’ai la visite d’un anesthésiste qui vient me questionner sur mes antécédents médicaux, mes traitements, mes allergies éventuelles… bref, mon CV d’insuffisant rénal au complet. Il reste assez évasif sur le déroulement de mon opération… étant de garde, il est simplement chargé de recueillir toutes les informations nécessaires à mon dossier et destinées au collègue qui officiera le lendemain.

    Permettez-moi, maintenant, de démystifier un fantasme auquel beaucoup d’hommes se sont illusionnés : l’opération rasage effectuée par une accorte infirmière ! Cela s’est peut être vérifié, pour certains, en d’autres temps et d’autres lieux, mais pour ma part, cela ne s’est pas vraiment passé ainsi !

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