LE DEFI DE L’ANGE

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  • #15800
    bd91
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    J’ai participé, dans les années 2000 et 2001, à une expérience d’écriture en commun sur un Forum.
    Cela a débuté un jour, sur la suggestion de l’un d’entre nous qui a lancé cette idée en démarrant un début d’histoire. Le but était de prendre le relais en tenant compte de ce qui avait été écrit précédemment et d’y trouver un prolongement. Le candidat suivant devait simplement avertir tous les autres qu’il prenait la suite afin d’éviter tout téléscopage. Il n’était pas interdit de partir dans d’autres directions, de rajouter de nouveaux personnages, du moment que ces nouveautés étaient cohérentes avec les interventions précédentes. Il va sans dire que chaque nouvelle contribution venait souvent bouleverser l’idée que chacun se faisait de son propre scénario. En revanche, ces changements d’orientation faisaient aussi naître d’autres idées pour bâtir la suite de l’histoire.
    Nous nous sommes vite pris au jeu. Nous avons été 14 auteurs à intervenir tour à tour sur cette narration qui a vite pris une tournure assez inattendue !
    Le résultat, malheureusement inachevé, est un mélange de Science Fiction, Fantastique, Religion, Polar.
    Chaque intervention est précédée du Pseudo de son auteur. Vous retrouverez, tour à tour ceux de : Nina, Arsurus, Sun, Azerty, Wizard31, Shaun, Boz, Shaun, Yves-Marie, Tass, Doudou, Barkodekf, Salem_ze_cat.
    Nous avons poussé la “private joke” en donnant à la plupart des personnages de ce récit des noms de Pseudos intervenant régulièrement sur le Forum.
    Le titre de l’histoire ainsi que les citations en avant propos ont été rajoutés au bout de plusieurs chapitres, dès lors que le sens du récit commençait à prendre tournure

    LE DEFI DE L’ANGE

    0. Nina

    « Voici que mon Ange ira devant toi. »
    Exode 23, 23

    « Quand on ne sait pas où l’on va, tous les chemins mènent à nulle part. »
    Henri Kissinger

    « L’imagination est plus importante que la connaissance. »
    Albert Einstein

    « Ecrire est une forme de thérapie. »
    Graham Greene

    1. Arsurus

    La paupière frémit puis se soulève prudemment.

    Douleur.
    Le visage se ferme très vite, ornant les yeux d’une multitude d’arabesques et froissant le front comme un vulgaire papier indésirable. Un néon hésitant arrose la pièce d’une lumière glaciale et crue en émettant de façon irrégulière un petit grésillement sourd. Sous la paupière protectrice, la pupille se dilate à nouveau. Un rayonnement blanc remplace la confortable obscurité habituelle. Une vieille main parcourue de veines saillantes cherche fébrilement la direction de la tête et vient offrir son aide au regard. Assistés de cette visière de fortune, les yeux commencent leur travail de fouille : murs, porte et néon.
    Une persistante odeur d’urine provoque une grimace sur le visage, modifiant l’expression d’aveuglement en celle de dégoût.

    Grr… Grr… le néon proteste et, capricieux, se met à trembloter.
    L’homme profite de ce répit pour approfondir sa recherche visuelle. Mis à part une table et le lit sur lequel il est allongé, l’endroit ne semble pas abriter d’autres meubles. Lentement, l’homme tente de se redresser mais une douleur fulgurante le saisit. Le vieux corps noueux retombe dans le lit, comme un pantin qu’on cesse brusquement de manipuler, et pousse un gémissement plaintif. Luttant contre l’insoutenable souffrance, l’homme hasarde une main dans son dos et explore les nombreuses blessures qui n’ont pas manqué de souiller le matelas.
    Ses doigts tremblants rencontrent de nombreuses petites cicatrices déjà sèches puis entrent en contact avec la chair vive, le faisant tressaillir. Nouveau gémissement. Deux larges plaies béantes, oeuvres d’un calligraphe pervers, partent de ses reins et courent jusqu’à ses omoplates.
    Hébété, l’homme observe sa main couverte d’un sang noirâtre et ruisselant.

    La porte s’ouvre dans un couinement de ferraille rouillée. Le néon tente d’y jeter un bras afin de dessiner la silhouette du visiteur mais se heurte au mur opaque des ténèbres du couloir qui s’étend au-delà.

    Le nouveau venu souffle une langue de fumée qui s’engouffre dans la cellule :
    – Alors Uriel – ou peut-être préférez-vous que je vous appelle Jake – on cherche ses ailes ?”

15 réponses de 1 à 15 (sur un total de 43)
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  • #15832
    bd91
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    2. Sun

    – Mes ailes ? répond l’homme en se raclant la gorge car il avait perdu l’habitude de parler.
    Alors, une multitude de souvenirs lui viennent à l’esprit, comme des flashs multicolores éclairant une obscurité profonde.

    La guerre, les millions de morts, la souffrance, sa jeunesse perdue, les journées passées à attendre… La cage du professeur Walken… Les expériences, la souffrance… La fuite, enfin…

    La douleur est là, en lui, aiguë elle lui déchire le dos. Le froid lui glace les muscles de tout le corps. Se concentrer, chasser ces idées noires, trouver la chaleur en lui pour s’extraire du monde, indifférent, il avait appris à le faire lors de sa détention. Mais là, la douleur est trop forte. Et il est faible, vieillard qu’il est devenu.

    – Tu souffres Jake ?
    Mais qui est cet homme dont il ne parvient pas à voir le visage ?

    #15845
    bd91
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    3. Azerty

    * * *

    – Ahlstrand… Je m’appelle Lynne Ahlstrand.

    Ca ne faisait pas deux minutes que la môme avait posé son beau petit cul sur le fauteuil défoncé qui faisait face à mon bureau que j’avais l’impression que la température avait grimpée de trois points. Qu’est-ce qu’une nana de la haute aussi bien roulée venait foutre dans l’antre d’un détective de troisième zone comme mézigue ? Encore une petite bourgeoise en quête de sensations fortes !

    – Qu’est-ce qui vous amène, ma jolie ? lui susurrais-je, sans même faire l’effort d’arrêter de mâchouiller le semblant de reste de cigare que je tétais depuis le matin.
    La petite, qui ne devait pas avoir plus de vingt piges, releva d’un geste nerveux de la main une mèche blonde qui lui barrait le front. Apparemment, le souk qui régnait dans mon gourbi ne semblait pas la gêner. – Un papillon posé sur un tas d’ordures ! – C’était l’effet qu’elle me faisait.

    – Je voudrais que vous fassiez une enquête sur un homme qui a disparu, me dit-elle en me fixant intensément de ses mirettes vertes, sans battre d’un cil.
    – Un mois, cela fait juste un mois que je n’ai plus de nouvelles, rajouta t’elle, comme si elle avait pressenti ce que j’allais lui demander.

    D’un seul coup, le charme était rompu. Moi qui m’attendais à une histoire sortant de l’ordinaire, voilà que je retombais dans le scénario classique du mec qui largue sa nana après lui avoir promis la lune !

    – Et pourquoi une fille aussi bien que vous s’adresse à un paumé comme moi pour vous aider à retrouver votre Jules ? lui balançais-je méchamment, histoire de lui faire payer cette cruelle désillusion.

    – Non, il ne s’agit pas… de… mon petit ami, dit-elle avec hésitation. Je… j’ai trouvé votre nom, au hasard… dans le Bottin. C’est une affaire… un peu… spéciale.

    – Allons bon ! Eh bien, racontez-moi çà ! lui dis-je, en sortant deux verres et ma bouteille de Bourbon du tiroir de mon bureau.

    – Jake… il s’appelle Jake… Et c’est mon Ange gardien.

    #15879
    bd91
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    4. Wizard31

    * * *

    A quelques secondes de vol de là, l’Ange gardien en question faisait piètre figure.

    Si ses capacités divines faisaient de lui un être d’une résistance hors de commun, rien n’avait été prévu dans le cas d’une suppression, plutôt même d’une ablation, dans son cas, de ses ailes.
    La douleur était “supportable”, si on prenait la peine d’inhiber les hurlements en provenance de ses membres aujourd’hui disparus, mais le plus traumatisant était de se dire que tout était bien fini. Jamais plus il ne volerait, et jamais plus…
    A cette pensée, la panique qu’il avait réussie à canaliser jusqu’à maintenant, remonta brusquement à la surface. Coincé, définitivement coincé sur cette satanée (l’affront suprême chez les Anges) terre. Car l’évidence lui avait échappé jusque là, mais tout était malheureusement trop clair maintenant, jamais plus il ne pourrait réussir son pari de retourner la tête haute au Paradis…
    Devant l’énormité de sa découverte, Uriel, ou plutôt Jake, ou l’un des autres noms qu’il avait portés jusque là, dû faire un effort surhumain pour ne pas se mettre à hurler. Mais même au bord du gouffre des enfers, un Ange a sa fierté…

    Tout avait commencé quelques dizaines d’années auparavant, (ou centaines peut-être, ou peut-être pas… Tout était si loin maintenant) quand il avait rencontré l'”Autre” aux abords du Paradis, au retour d’une de ces premières missions sur Terre…
    Sa jeunesse et sa fougue étaient telles qu’il n’avait su résister au défi que l'”Autre” lui avait lancé.
    Comment aurait-il pu imaginer que le jeu vire ainsi au cauchemar ?
    Comment aurait-il pu imaginer que l'”Autre” trahirait les règles du jeu initial, pour s’enfermer dans une course sans issue ?
    Comment aurait-il pu imaginer se retrouver sans ailes, à cause d’un simple pari fait spontanément, “la fleur au fusil” comme on disait ici-bas ?
    Comment même aurait-il pu imaginer que son pari serait pris au sens propre du terme, alors que…

    – Jake ? ? ?
    Ses réflexions furent subitement ramenées à la sombre pièce où son corps gisait maintenant.
    – Jake ? ? ? Tu te souviens du pari, Jake ? ? ? Je vais te le rappeler alors : je te parie mes ailes que je suis plus doué que toi.

    Oh ! que oui, il se souvenait de ce pari, ce satané pari qui lui avait fait perdre l’esprit, qui lui avait fermé les portes du Paradis, qui avait causé tant de souffrances sur Terre…

    Tout ça à cause de l'”Autre”, probablement celui qui lui parlait en ce moment, même si, sans ses ailes, ses capacités extra-sensorielles étaient insignifiantes.

    – Va au diable, répondit-il dans un murmure rauque…

    – J’en reviens… Répondit l'”Autre” en partant d’un rire atroce… et tu ne vas pas tarder à m’y suivre ! rajouta t-il en sortant de la pièce, son horrible rire résonnant toujours dans le couloir…

    Ainsi, l'”Autre” avait décidé que le pari était terminé, dernière fourberie d’un mauvais joueur…
    Son seul espoir était maintenant que son enveloppe charnelle soit enterrée correctement sur Terre, son âme ayant manifestement quelques soucis à se faire…
    Et encore, même ça serait un miracle, sa dernière “affaire”, la petite Lynne, ne devait même plus se souvenir de lui à l’heure qu’il est…

    Juste avant de sombrer de nouveau dans ses pensées obscures, des titillements étranges lui parvinrent de son omoplate droite, clairement distinctes des autres douleurs qu’il ressentait, mais… différentes…
    Et, de nouveau, il sombra…

    * * *

    – Jake… Il s’appelle Jake… Et c’est mon Ange gardien.

    #15891
    bd91
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    5. Shaun

    Et voilà, nous y étions, la petite fille avait perdu son tonton. Finit les cabriolets dernier cri, finit l’argent de poche… Mouais, jusqu’à présent rien d’extraordinaire dans son récit. Pourtant quelque chose dans son regard me fit douter de ces suppositions.

    Elle continua :

    – En fait, tout a commencé il y a deux ans… Je sortais de l’hôpital lorsque je l’ai rencontré. Vous savez, pour moi, jusqu’à ce moment précis, tout n’avait pas été rose. La mort de mes parents, l’orphelinat, les différentes familles d’accueil, et puis la rue, les petits boulots pour se payer une dose… Vous comprenez, je n’avais rien et pour moi l’avenir se résumait à peu de chose… Enfin, toujours est-il que la dernière dose avait faillit m’être fatale. Je sortais de l’hôpital dans un état second quand je l’ai heurté. Je me suis affalée. La vision trouble, j’ai remarqué une main qui se tendait vers moi…

    Ca y était, elle sanglotait maintenant. Je n’ai jamais pu résister à des larmes, d’aucun disent que je suis un faible, que ça me perdra…

    Je fouillais dans le bazar me servant de bureau, afin de trouver un morceau de tissu ou de papier pouvant servir de tire-jus, lorsqu’elle reprit son histoire…

    – Je levais la tête et remarquais presque aussitôt la beauté surnaturelle de l’être qui me tendait sa main. Quelque chose chez lui semblait irréel et me poussait à accepter son aide… Il m’emmena au café d’à côté tout en me disant que désormais je ne me réveillerais plus la peur au ventre…

    Une fois de plus elle s’interrompit. N’ayant pas pu retrouver ne serait-ce qu’un bout de PQ propre, je lui servit un double bourbon et l’invitais à continuer…

    – Il se présenta, me demandant de l’appeler Jake car son vrai nom ne me dirait sans doute rien. Sa fonction principale, m’expliqua-t-il, était d’aider les gens les plus purs ayant besoin d’une aide extérieure au monde des humains… Je lui demandais s’il se considérait comme inhumain. Il me répondit que je pouvais le considérer comme étant un Ange gardien…

    Son récit me troublait de plus en plus. Deux sentiments distincts me trituraient… D’un, elle s’était fait embobiner par un gosse de riche profitant de son désarroi de l’époque… De deux… et bien… disons que cette affaire risquait d’être vraiment hors du commun…

    – Dès lors, tout alla pour le mieux. Les services sociaux m’avertirent que mon père avait un frère qui venait de décéder. Ce dernier, ne sachant trop où me trouver, engagea avant de mourir un détective pour retrouver ma trace… Ce qu’il fit, et je me retrouvais rapidement à la tête d’une fortune estimée à plusieurs millions…

    Je me souvenais vaguement de cette histoire qui avait fait la “une” des journaux de l’époque. “Cendrillon 2000” – “18 ans, droguée, prostituée mais riche à millions” – “Des millions tombés du ciel”, ce genre de conneries que peuvent publier les journaux en quête de sensationnel…

    – Jake ne me quittait pas. Même lorsqu’il n’était pas présent physiquement, je sentais sa présence bénéfique autour de moi. Et puis, il y a de cela un mois, un colis arriva, adressé à un certain Uriel… J’en parlais aussitôt à Jake qui, le visage blême, s’en empara et me conseilla, avant de disparaître, d’oublier ce colis et de ne pas m’en faire, que quoi qu’il advienne il reviendrait… mais je ne l’ai pas encore revu…

    Le silence se fit et je pensais aussitôt que l’expression “un Ange passe” n’avait jamais été aussi bien employée…

    #15906
    bd91
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    6. Boz

    * * *

    … Et, de nouveau, il sombra…

    Une impression de tomber dans un trou sans fin… Images fugaces… Réminiscences… Eclairs de lumières… Sons… Explosions… Odeurs…
    – Alors le bleu ! C’est ton premier saut, hein ! Si tu en réchappes, tu pourras porter ton insigne de Cadet ! Si tu en réchappes !
    La descente dans la barge… Le Croiseur qui reste en orbite et qui pilonne de ses phasers les zones de débarquement… Les rayons qui zèbrent l’espace…

    Une autre scène, le temps se tord…
    – Allez Jake ! On tient le bon bout ! Dans huit jours, finies les classes et on aura enfin nos ailes ! Tu t’entends lui répondre : Ouaih, Shim ! On les aura bien méritées ! Cadets de la Confédération ! Tu te rends compte ! Depuis le temps qu’on en rêvait !

    Bouffées d’adrénaline…
    Tes ailes frémissent dans le courant ascendant… Tu amorces un virage… A ta gauche, Shaun et Gandalf t’imitent et te suivent en piqué… Le reste de l’escouade doit être derrière… Vous êtes les éclaireurs ! En bas, entre les nuages qui s’effilochent, des éclairs… La première vague qui est accrochée !

    Le maelström t’emporte…
    – Réveillez-vous, Cadet ! L’opération est terminée ! Tout s’est bien passé… On va vous transférer dans le bac de réa… Vous verrez, au début, ça va vous faire drôle ces trucs dans le dos, mais vous vous y ferez vite ! Ah ! Vous avez une sacrée chance d’avoir été choisi ! Moi aussi j’aurai aimé pouvoir voler, mais les tests étaient mauvais ! Et me voilà à traîner au milieu des Médics ! Foutus tailleurs de mou ces robots !

    Flashs…
    C’est la troisième planète depuis quatre mois en temps relatif… Beaucoup de pertes ! Plus de soixante pour cent de l’effectif du départ remplacé par des nouveaux ! C’est toi l’ancien maintenant… Sur ta manche brille l’insigne de chef de section… C’est plus dur que ce qu’ils avaient annoncé ! Les Démons se défendent bien ! Encore un mois et tu auras le droit de partir à l’arrière pour une perm bien méritée… sur Paradis ! L’astéroïde de tous les plaisirs !

    La douleur, bien réelle cette fois, te tire de tes rêves-cauchemars…

    * * *

    La môme venait juste de partir, me laissant cogiter sur cette affaire qui me laissait perplexe. Je ne disposais pas de beaucoup d’indices. En tous cas, si je manœuvrais bien, il y avait au moins un sacré paquet de pognon à se faire… Pour elle, ce n’était rien, l’argent lui brûlait les doigts !

    #15921
    bd91
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    7. Sun

    Les gargouillements acides de mon estomac me rappelaient qu’il était plus que temps de renflouer mon compte bancaire.
    Le moment n’était pas à l’action. Je devais me mettre en quête d’informations.

    – Brawne, qu’on ne me dérange sous aucun prétexte.
    – Oui… chef, baragouina la voix de mon assistante filtrée par la distance séparant nos deux bureaux.
    – Et lâchez-moi ce foutu Démineur, je ne vous paye pas à glander, merde !
    – Mais…
    Mon regard inquisiteur ne trouva comme réponse chez ma fidèle collaboratrice que le sourire embarrassé de l’enfant pris la main dans le sac. Je refermais la porte et actionnais l’interrupteur sous mon bureau.
    Comme d’habitude, un pan de ma bibliothèque coulissa et je pénétrai dans mon antre secret.

    – Bonjour Sherka !
    L’écran de la console s’alluma et la voix synthétique familière me répondit :
    – Bonjour lieutenant Arsurus, cela me fait un grand plaisir de vous retrouvez. Votre ulcère ne vous fait pas trop souffrir ?
    Cette satanée machine avait décidément le don d’appuyer là où ça fait mal…
    – Oui, merci Sherka, pas le temps de discuter aujourd’hui – cette réponse en double mensonge n’engageant que moi.
    – Bon, poursuivis-je, j’ai besoin d’une recherche croisée accélérée…
    – Comme d’habitude, me coupa-t-elle.
    – Une certaine Lynne Ahlstrand, oncle éloigné, et tiens, essaye ange gardien !
    – Bien mon lieutenant !

    J’avais récupéré ce vieux modèle d’interface avec le SICC, le Système d’Information Central de la Confédération, chez un ami antiquaire de la planète Eccho. Sa valeur était inestimable en ces temps de Censure Contrôlée. Bien sûr, mes recherches étaient complètement hors la loi car les civils n’avaient plus d’accès non restreint à l’ICC depuis bien longtemps. Mais Sherka naviguait dans l’infosphère du SICC à partir d’un point de connexion aléatoire, comme antan, et pour l’instant n’avait jamais été détectée… Du moins, je n’en avais jamais subi les conséquences…

    – J’ai des réponses ! Lynne Ahlstrand n’a pas d’oncle éloigné. Je me suis permis de regarder du côté de sa famille proche. Mère morte au cours de l’accouchement naturel de Lynne, père décédé par suicide à la nixocaïne, deux jours plus tard. Ce dossier est classé Confidentiel niveau 5.
    – Niveau 5, Sherka, tu en es sure ?
    – Affirmatif, mon lieutenant.

    Le niveau 5 était réservé aux affaires mettant en péril l’intégrité politique de la Confédération ; seule une poignée de personnes y avaient accès légalement. Et je n’avais jamais utilisé ma connexion piratée au SICC pour accéder à des informations d’un tel niveau de sécurité… Mon petit Arsurus, tu viens peut être de débuter l’affaire de ta vie !
    D’où venaient donc les millions qui avaient rendu Lynne richissime ?

    – Et pour Ange gardien ?
    – J’ai dix articles de journaux mentionnant ce terme sur l’affaire Cendrillon 2000 dans laquelle apparaît Lynne Ahlstand. Ils sont déjà en cours d’impression, mon lieutenant.

    * * *

    – Jake, Jake, réveilles-toi ! !
    Jake eut de la peine à reconnaître l’appel télépathique de son vieil ami Shim parmi l’enchevêtrement de ses rêves-cauchemars. Malgré la mauvaise qualité de la transmission sensorielle, il en était sûr, c’était bien lui…

    #15924
    bd91
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    8. Wizard31

    Ce dont il avait du mal à se rappeler par contre, c’était comment faire pour lui répondre…
    A vrai dire, ses idées étaient tellement à la hauteur du lieu où il était, obscures et froides !
    Néanmoins, poussé par le réflexe automatique de l’action qu’on a fait des centaines et des centaines de fois, il lança un timide “OUI ? ? ?” en direction de la transmission…
    La réponse fut brutale :
    – Eh, moins fort, Jake, j’suis pas sourd ! Tu veux que tout le monde nous entende ?

    Quelques souvenirs lui remontèrent à la mémoire, comme un manuel qui défilait devant ses yeux “Transmission, règles élémentaire, risques…”. Idiot qu’il était, il avait du crier son message, et profondément perturber les récepteurs de Shim, qui avait justement du se préparer à un message tout en douceur…
    – Heu, ça va ? ? relança-t-il dans la même direction…
    – Ouais, ça peut aller… T’as de la chance que c’était moi et pas un autre, sinon, t’en aurais pris pour ton grade ! Utiliser les transmetteurs sensoriels sans limiter le volume, c’est hors-la-loi mon gars, le patron va t’engueuler sévère ! !

    A ces mots, son corps se raidit, tandis que son esprit se mettait à chercher des renseignements sur le “patron”…
    – Bon, trêve de plaisanterie. Shaun a déjà répondu, je cherche toujours à joindre Gandalf… Tout se passe selon le plan prévu ?

    Au fond de lui-même, tout son être se mit alors à crier son désaccord à la pensée qui spontanément vint à son esprit, mais rien ne put empêcher sa réponse :
    – Oui, tout se passe comme prévu… Peut-être un peu de casse en plus, mais ça peut aller… Et il coupa le contact.

    Il sortit de l’état pseudo-hypnotique qui résultait des transmissions sensorielles, et se mit à chercher dans ses souvenirs pourquoi il avait répondu de la sorte à son ami Shim, qui justement aurait pu le sortir de ce “$*%”#” de pétrin…

    Son dos le faisait toujours horriblement souffrir, mais ce dernier contact semblait avoir relancé le processus de cicatrisation, comme si cela dépendait uniquement de sa capacité mentale à le vouloir. Si jamais il s’en sortait, il faudrait qu’il en réfère au Grand Conseil…

    Et soudain, à cette évocation, tout fut beaucoup plus clair dans son esprit…
    La quête pour les ailes, avec tous ses amis de la 3ème lune, le surprenant taux de réussite des quatre camarades aux sélections…
    L’immense orgueil qui était alors apparu dans cette bande de copains, l’orgueil qui avait échappé à la détection des sélections, l’orgueil qui les avait amené à postuler, l’orgueil qui l’avait amené à défier l'”Autre”…

    A partir de ce moment là, tout bascula rapidement, très rapidement, trop rapidement pour que le Grand Conseil puisse endiguer la vague de désolation qui envahit l’Univers à partir de là… En effet, la surprise fut totale, l’ennemi ne s’était jamais aventuré à défier le Conseil depuis des millénaires, et il était bien recommandé à personne de lui laisser ce choix !

    L'”Autre” n’attendait qu’une occasion de montrer sa toute puissance, de laisser éclater au grand jour l’étendue de ses pouvoirs. La bataille se déroula sur les planètes mineures tout d’abord, mais le Grand Conseil réussit, au prix de pertes énormes, à contrecarrer l’avancée des Démons, comme on les appelait, quoiqu’ils fussent réellement.

    Un accord fut trouvé à partir de ce moment. Pour épargner les forces des deux parties (mais surtout les siennes), le Grand Conseil avait réussi à négocier une trêve avec l'”Autre”, le temps de préparer un plan de cessez le feu.
    La trêve fut étonnamment acceptée par l’ennemi, tant sa supériorité apparaissait maintenant extrême, et ses exigences furent simples…
    Il demanda un jeu à six participants. Le lieu du jeu était la Terre, bien évidemment, source de vie et de pouvoir du Grand Conseil et peut-être même de l’ennemi… La durée du jeu était de trente années terrestres, une broutille vue de là-haut, et en tout cas suffisamment courte pour éviter une modification sensible des forces pendant le temps du jeu…

    Le plus étonnant fut lorsque l’ennemi désigna les participants :
    – Je descendrais personnellement sur Terre. Il y aura également mon représentant sur place, le professeur Walken. Ce sera tout pour nous. De votre coté, vous enverrez le dénommé Jake, et trois de ses amis…

    Cette déclaration eut le don de prendre à revers toutes les suppositions faîtes avant la réunion, quatre représentants contre deux, toutes les chances étaient donc permises, l'”Autre” était fou de se sentir si fort…
    Mais l’espoir fut de courte durée, lorsque l'”Autre” ajouta :
    – Nous avons un pari en cours…

    Un pari ! Quelqu’un avait osé faire un pari avec un représentant de l’ennemi, apparemment avec l'”Autre” en personne !
    Le souffle d’effroi qui parcouru les représentants du Conseil laissa rapidement sa place à l’inquiétude. Le sort de l’Univers tout entier allait devoir être mis dans les mains de quelqu’un d’aussi irresponsable…
    – Le jeu commence de suite, les règles seront précisées ultérieurement… Et n’oubliez pas, je veux Jake !

    Après avoir appris la nouvelle, Jake n’était pas beaucoup plus fringuant qu’en ce moment, les ailes en plus évidemment !
    C’est qu’il savait pourquoi la guerre existait, lui, et ses trois camarades s’en doutaient également. Et la perspective de devoir s’en expliquer ne lui plaisait guère. Etre responsable de millions de mort n’avait jamais fait sourire personne… Enfin, dans son camp toujours !

    Mais maintenant, tout avait changé, il se rappelait sa mission, et surtout il se rappelait son plan…
    Le professeur Walken n’était que la première étape, et il en restait une, la principale !
    Chaque pièce du puzzle devait maintenant commencer à s’emboîter…
    Il savait qu’une des siennes commençait à produire ses effets…
    Il n’y avait plus qu’à souffrir et attendre…

    * * *

    Les impressions ne m’apprirent pas grand chose de plus que ce dont je me rappelais de l’histoire. Le seul détail étonnant était qu’on ne disposait d’aucune photo de l’homme en question. D’ailleurs, j’avais oublié d’en demander une à la Miss Ahlstrand, idiot que j’étais !
    Je décidais finalement de commencer mon enquête par le lieu de naissance de Lynne et du décès de ses parents, la clinique du Docteur Walken…

    #15933
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    9. Azerty

    – Sherka ! Débrouilles-toi pour m’obtenir un rendez-vous urgent avec ce toubib, je ne tiens pas à me pointer chez lui pour rien ou poireauter pendant des heures dans sa salle d’attente. Je compte sur toi pour trouver un bon prétexte !
    – Bien, mon lieutenant !
    – Et, par pitié, encore une fois, arrêtes de me balancer du “ lieutenant ” sans arrêt, mille Groo ! Ca fait vraiment un peu trop ancien combattant et ça ne me rappelle pas que de bons souvenirs ! C’est “ Arsurus ”, tout court ! Ou bien “ Boss ” si ça te fait plaisir !
    – Bien, mon lieutenant !

    Foutue bécane ! ! J’avais de plus en plus de mal à supporter son sens de l’humour et son irrespect ! C’était sûrement ce qu’elle avait trouvé de mieux pour s’identifier au genre humain ! Un de ces quatre, j’irai faire un tour dans ces circuits pour lui bricoler ses bugs !

    – Le rendez-vous ne va pas être possible, lieutenant Arsurus !
    – Ah bon ? Et pourquoi ? Surmené de boulot le toubib ?
    – Pas vraiment, mon Boss, ce serait même plutôt l’inverse…
    – Qu’est-ce que ça veut dire ? Allez, accouches, j’ai pas le temps de jouer aux devinettes !
    – La clinique n’existe plus. Un incendie l’a complètement anéantie le mois dernier. Quant au Docteur Walken, plus aucune trace. On présume qu’il a péri dans le sinistre…

    Par le Gritche ! Ca commençait à faire beaucoup côté coïncidences et bizarreries ! L’une des rares pistes qui disparaissait justement en “ fumée ”, et il y a un mois en plus, en même temps que l’autre disparition : celle de “ l’Ange gardien ” de la donzelle !
    J’avais de plus en plus le sentiment que la belle garce m’avait mené en bateau avec toute cette salade. Son truc de m’avoir choisi “ au pif ” dans le Bottin était vraiment cousu de fil blanc !
    Cabinet ARSURUS – Enquêtes, filatures en tous genres – Discrétion assurée ”, une carte de visite comme des dizaines d’autres officines du même genre. Et elle tombe, comme par hasard, sur mézigue, ancien lieutenant des Renseignements de la Confédération, décoré puis dégradé et balancé pour insubordination, pirateur du SICC ayant accès aux infos top secret (même de niveau 5 comme dans cette affaire !)… Non, décidément non, c’était bien moi qu’elle voulait ! Mais j’étais bien curieux de savoir quel rôle elle comptait me faire jouer dans son histoire…

    Eh bien, soit ! Je suis partant, ma Lynne ! Ma devise “ il n’y a pas de problèmes, il n’y a que des solutions ! ” allait pouvoir s’appliquer une fois de plus. Têtu et même teigneux, l’Arsurus, si on le cherche !

    C’est pas le tout de fanfaronner, mais je me retrouvais au point mort… Et qu’est-ce qu’il fait dans ces cas là, le “ lieutenant ” ? Il va s’en jeter un bien raide dans le bouge d’Aargos, un tenancier véreux qui sert des machins limite frelatés mais qui n’a pas son pareil pour jacter quand on lui agite quelques billets sous son œil dilaté (et pour cause, il ne lui en restait plus qu’un !)
    Quand on est dans le brouillard, rien de tel que de se payer la tournée de ses indics !

    Le seul problème, c’était que le temps était “ à chier ” : pluie acide et niveau de pollution 8 sur l’échelle de Waters ! Un temps propice aux gangs des DurWare qui pouvaient jouer de la lame-vibrante en toute impunité, tellement les piétons se faisaient rares, engoncés dans leur tenue antipol !
    Pour moi, de ce côté là, pas de problème, j’étais convenablement chargé avec mon soufflant subsonique, ma matraque neuronale et ma bombe anti-émeutes ! Mais, le masque me filait des rougeurs !
    Après tout, si j’avais la chance de tomber sur une de ces bandes, ça me permettrait de me défouler un peu ! Et à cette heure, je n’étais pas vraiment à prendre avec des pincettes ! Un peu d’action calmerait ce putain d’ulcère qui se rappelait méchamment à mon bon souvenir !

    * * *

    Début de transmission [
    Message trans-infosphère codé //
    Origine Lynne Ahlstrand < Continuum parallèle > Terre n° 2)
    Temps relatif 2043 #
    Destination Grand Conseil Confédération * Univers 1 > Basse Terre n° 1 //
    Contact Arsurus établi = toutes capacités pour brouiller les pistes = certitude Jake télétransporté sur Terre n° 2 = pas de nouvelles des trois autres = décalage temporel Jake prévisible d’environ 30 ans = le Jeu ne répond plus aux règles = demande nouvelles instructions = nouveau contact possible via ICC dans 06.15.43 GTS temps relatif : /
    fin de transmission //

    * * *

    #15943
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    10. Shaun

    Lynne se réveilla dans le noir, une obscurité dense, très dense, trop dense. Quelque chose n’allait pas… Mais quoi ? Elle s’assit sur son lit, puis demanda de la lumière. Rien. Elle attrapa son peignoir, se leva et se dirigea en tâtonnant vers la console.
    Cette dernière resta muette. Lynne, loin de paniquer, trouva la porte de sa chambre, l’ouvrit manuellement.
    – Ben ? BEN ? Réponds, j’ai besoin de toi !

    Pas de réponse. Ben, un androïde domestique de type Wizard 3.1, ne pouvait, en aucun cas, refuser de répondre à un appel de Lynne. Pourtant…
    Elle s’avança dans le couloir, tout en cherchant à distinguer une ombre non coutumière, descendit les escaliers et se dirigea vers la Dom Area.
    Pas de Ben là non plus, peut-être vers la cuisine ? Un frisson parcourut le dos de Lynne, signe avant-coureur d’un début de panique.
    Là, une ombre, une silhouette plutôt…
    Lynne se retourna et se mit à courir. La silhouette fit de même mais en beaucoup plus rapide. Un choc sourd aux jambes et Lynne se retrouva par terre. Elle se débattit, l’autre la retourna… Et elle vit son visage…
    – Ahhhhhhh ! ! !

    Lynne se redresse dans son lit. Encore ce cauchemar… Ce même type de cauchemar si commun lorsque l’on passe d’une Terre à l’autre et que l’on rencontre son double. Cette scène, elle l’a vue des dizaines de fois depuis qu’elle a neutralisé la Lynne de ce monde.
    A chaque fois, les consciences des différents doubles se mêlent pour ne former qu’un seul et même esprit. Mais la Confédération mérite bien ce sacrifice.

    Elle se lève tout en se demandant si la Lynne de la Terre n°2 sait pourquoi elle est enfermée dans sa propre cave. Elle descend le grand escalier ; la maison de son double est beaucoup plus impressionnante que le taudis qui lui tient lieu de demeure sur Terre N°4. Jake a fait du bon boulot. Soudain elle entend un bruit venant de la cave…
    Elle court, mais arrive trop tard, la porte de la cave est ouverte… Une main se pose sur son épaule. Elle se retourne et se retrouve face à elle-même. Elle se dit que quelque chose cloche, elle aurait du sentir son double, vivre son évasion… Mais rien… L’autre Lynne la regarde, un sourire sur les lèvres…

    – J’ai toujours su que la Confédération manquait d’agent de qualité… J’attendais mieux de ta part… Je ne suis pas la Lynne que tu crois… La Terre N°1 n’a plus de Lynne depuis bientôt dix ans. Je vois à ton regard que tu comprends enfin pour qui je travaille. As-tu quelque chose à me dire en guise d’adieu ?
    – Tu as réagi trop tard ! Pendant que tu te morfondais à la cave, j’ai contacté l’Avatar et l’ai mis sur la piste d’Uriel. La Confédération est au courant, tu ne…
    – Et qui préviendra la Confédération de ta mort ? Pétasse ! Saches que nous sommes au courant depuis longtemps pour l’Avatar. Maintenant la Conf’ ne se méfiera plus… Merci Lynne…

    * * *

    – Général, nous avons reçu une transmission de l’agent 324…
    Le Général H.G. Tass détacha lentement son regard de la baie vitrée et se retourna vers l’enseigne qui venait d’interrompre sa méditation.
    – L’agent 324 ? …Euh… Oui, mon Général, elle a contacté l’Avatar et…
    – Prévenez les autres, réunion en salle G14 dans un quart d’heure !
    – Bien, mon Général.

    L’Enseigne sortit, laissant au Général le reste de la communication. Celui-ci repris sa position initiale, après avoir lu le message en son intégralité.
    – Lynne… Toujours aussi naïve… Pourquoi avoir pensé un seul instant que les règles allaient être respectées. Sais-tu au moins dans quel merdier nous t’avons mis ? Fais attention à toi…

    Il attrapa sa veste puis se dirigea d’un pas ample vers la salle G14, la salle du Grand Conseil…

    * * *

    #15958
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    11. Boz

    Le rade d’Aargos n’était qu’à quatre pâtés d’immeubles de mon bureau. Cela ne m’a pas empêché, en route, de faire quelques rencontres…

    Je me suis fait alpaguer, au coin d’une impasse, par un Néo-trav’ shooté/défonce qui voulait me proposer de l’extase en échange de cinq billets… Je lui ai calmé les ardeurs en lui chatouillant les côtes par quelques décharges de ma matraque… Qu’est-ce qu’elle croyait, l’homéo-pute ! ? Il y avait belle lurette que je ne pratiquais plus qu’en HoloSex-virtu ! Pas suicidaire l’Arsu ! J’avais pas envie de me chopper un de ces virus mutants qui arrivaient même à dissoudre le latex !

    Plus loin, en passant devant une encoignure d’entrée de parking, j’ai fait semblant d’ignorer le spectacle des deux petites vieilles qui tatanaient à mort, de leurs rangers-rasoirs, un XSK (Xtrème Sérial Killer) isolé qui avait certainement du être trop confiant, mais qui était visiblement tombé sur un os, en voulant les agresser ! L’une de ses dernières pensées, avant de comater sévère, serait sans doute de se dire que les cours d’autodéfense, dispensés dans les maisons de retraite, tuaient vraiment le métier !

    Naturellement, pas un Kops en vue ! Vu la météo, fallait pas rêver ! Ils se contentaient d’assister au spectacle, bien au chaud, grâce aux Cam-spy installées en façades, tous les trente mètres… Il n’y avait aucune raison de faire une descente pour si peu !

    L’atmosphère du troquet ne me changea pas beaucoup de celle de la rue, excepté la flotte dont les traces me faisaient encore fumer ma combi antipol… Encore deux ou trois averses de ce genre et elle serait bonne à balancer, rongée qu’elle était par l’acide !
    Les rares néons tremblotant avaient du mal à percer le brouillard de fumée résultant du mélange de presque toutes les herbes et substances halluci-carcinogènes répertoriées ou non dans notre Galaxie…
    Les clients, de toutes origines eux aussi, n’avaient pas des trognes d’enfants de chœur…
    Je me frayais un passage en jouant des coudes, au milieu de regards torves et assez peu amicaux, afin d’accéder au bar.

    Derrière le comptoir qui portait des traces d’usure et de résidus douteux trônait un être immonde, énorme et glauque. Son œil gauche était masqué par un bandeau infâme d’où dépassait le reste d’une horrible cicatrice. L’autre était bien ouvert et scintillait d’une lueur, mélange de crainte et d’intérêt : Aargos, le patron de ce bouge pressentait que ma venue pouvait à la fois être bénéfique, économiquement parlant, mais aussi certainement source de quelques emmerdes !

    – S’lut, Lieutenant, croassa t’il. La sueur commençait à lui perler au front.
    – Salut, face de pet ! lui balançais-je sans desserrer les dents. – Paie-moi un godet, et de ta réserve, hein ! Pas de ta rinçure dégueu que tu refiles aux gogos !
    Le gros s’empressa de me servir et s’inquiéta :
    – Vous savez, Lieutenant, j’ai rien de nouveau pour vous… C’est plutôt calme en ce moment…
    – Ca, c’est ce que tu me dis toujours, l’enflure ! Ecoute-moi bien, je ne répéterai pas ! Je te donne des noms et toi tu me dis ce que tu sais sur eux ! Pigé ? !
    – J’vous promets rien, Lieutenant… Moi, je n’suis qu’un pauvre commerçant…
    – Ben voyons ! Et ta sœur elle est dame patronnesse à la Cathed’ du quartier ! Attention ! Je te dis : Jake… ou Uriel, Lynne Ahlstrand, Docteur… ou professeur Walken… Encore deux choses, en prime : Cendrillon 2000 et une clinique qui a cramé il y a un mois ! Je t’écoute !

    L’adipeux me regardait d’un œil rond avec une expression ressemblant à celle d’un débile à qui l’on vient de tenir un discours sur la théorie de la relativité… Visiblement, l’énoncé de ces mots clé ne lui inspirait pas grand chose…
    – Ben, Lieutenant, moi j’les connais pas ces gus, jamais entendu parler ! Et l’affaire Cendrillon et la clinique, ben, j’suis au courant, comme tout le monde, par les reportages holovision de la tel@tv… Mais j’en sais pas plus, moi !
    – Ecoute, Aargos ! Fais marcher ton réseau de donneuses, laisse traîner tes esgourdes, enfin démerde-toi comme tu veux, je te laisse 24 heures pour me trouver des infos qui sortent de l’ordinaire sur tout ce beau monde ! Si tu me décroches du concret et de l’exclusif, je te refilerai de quoi te payer des séances de liposuccions ! Dans le cas contraire, je pense qu’un certain dossier concernant une vieille affaire d’hyper-pédo remonterait miraculeusement à la surface, si tu vois c’que j’veux dire ! ?

    Sur ce, je quittais le rade en abandonnant un Aargos quasiment décomposé qui baignait littéralement dans son jus ! M’est avis qu’il avait pas fini de faire de l’huile durant les prochaines heures, mais j’étais certain de l’avoir suffisamment stimulé afin qu’il mette tout en œuvre pour me dégauchir des news qui me permettraient de me mettre en chasse…

    * * *

    #15971
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    12. Sun

    Filtrée au passage de la bulle de protection de la cité, la lumière blanche de l’astre solaire se dispersait en une myriade de rayons irisés, créant ainsi pour celui qui regardait en sa direction une sensation de communion visuelle unique. Le ciel sans nuage avait sa couleur verte habituelle. Sous la cité flottante, l’immensité de l’océan était d’un vert à la fois plus foncé et plus profond. A l’horizon, les plages de sable blanc des îles du Soleil Levant luttaient en vain pour ne pas se noyer dans l’intensité du vert environnant. Nouveau-Paris était la capitale de la Confédération.

    Située sur la planète Basse Terre, elle devait bien sûr son statut à la position spatiale privilégiée de celle qu’on appelait la planète verte. Mais aussi, Basse Terre était une des rares planètes à n’avoir jamais connu la guerre, même lors de sa phase d’ensemencement qui remontait à plus de quatre siècles maintenant. Ce pacifisme et une certaine douceur de vivre, propre au Monde de Cassiopée, avaient assurément pesé lourd lors du choix de la nouvelle capitale, rendu nécessaire par l’expansion de la Confédération.

    Perdu dans ses pensées, le général H.G Tass observait à travers la grande baie vitrée de la salle G14 la vie des Bas Terriens s’écouler tranquillement. A cette heure avancée de la journée, le flux épais de la circulation irriguait péniblement les rues de la cité. Cette étrange pulsation fascinait le général, auquel parvenait seulement un lointain murmure mais dont il pouvait percevoir le rythme quasiment sinusoïdal. Il n’y avait pas de signes de panique et les conversations étaient rares. Chacun vaquait à ses modestes occupations. Après tout, Basse-Terre n’avait jamais connu les affres de la guerre…
    C’était le propre des hommes politiques d’envergure d’être capable de se ressourcer pleinement en quelques courts instants de méditation, et de se reposer sur la tendre indifférence du monde.

    Petit à petit, la salle du Grand Conseil se remplissait des représentants des 14 mondes de la Confédération. Lorsque la dernière personne fut rentrée et la porte refermée derrière elle, le général prit une profonde inspiration et se retourna vers l’assemblée qui avait pris place autour de la grande table ovale.

    – Bienvenue à tous. Je pense que vous n’ignorez pas le motif de cette réunion improvisée.

    Le silence fut la seule réponse qu’il trouva. Il n’en attendait pas moins.
    – L’heure est grave, continua-t-il. La trêve de 30 ans expire dans moins de deux mois. Et nous avions perdu la trace de Jake et des trois autres Anges. Lynne Ahlstrand vient de nous adresser un message via SICC depuis la Terre n°2 où il se trouve probablement. Elle a lancé l’Avatar sur sa trace mais le temps joue contre nous désormais. L’Ennemi, en enlevant Jake, a outrepassé les règles du Jeu mais nous aussi en partant à la recherche de nos Anges. Peut être, Lynne a-t-elle déjà été repérée. Le confit est proche désormais. Même est-il possible que nous nous n’ayons pas à attendre la fin de la trêve…

    Un long murmure se propagea dans l’assemblée. Quand celui ci eut terminé son tour de table, H.G Tass poursuivit :
    – Je vais maintenant demander au Gouverneur Leinsdorf de prendre la parole pour vous présenter la dernière tournure des événements militaires.
    – Bon, Messieurs, je vais moi aussi être bref, dit le Gouverneur en se levant. En ce moment même, les vaisseaux de l’Ennemi font route pour prendre position à la périphérie de nos 14 mondes.

    Alors que la nuit tombait sur Basse Terre, le Gouverneur diminua l’intensité de l’éclairage et fit apparaître un hologramme représentant la situation. L’image tridimensionnelle qui planait au-dessus des têtes indiquait en temps réel les trajectoires des vaisseaux de l’Ennemi ainsi que ceux de la Force et confirmait que se préparait un conflit universel.

    – Cette fois, ils ne se contenteront pas de débarquer sur une planète et de la saccager. On estime qu’ils seront en position d’attaque totale dans moins d’une semaine. De notre côté, nos systèmes de défense terrestre sont opérationnels sur les planètes qui en disposent et notre force spatiale est déjà configurée en défense de niveau Defcon 4. Le niveau 5 n’est qu’une question de quelques jours et alors la totalité de notre flotte de croiseurs sera engagée dans le conflit.

    La Force avait eu 30 ans pour se remettre des pertes occasionnées par le premier conflit avec l’Ennemi. Elle était maintenant beaucoup plus forte qu’avant. Mais l’Ennemi sûrement aussi…
    Chacun demanda évidemment que son monde soit défendu en priorité, se levant, argumentant et tapant sur la table, menaçant de faire un scandale au Parlement.

    Alors le général se dirigea vers la baie et tourna une nouvelle fois le dos à l’assemblée. D’un geste vif il agita sa cape et en obtint un claquement qui produit le silence désiré.
    – Messieurs, en cette période difficile, la solidarité est de mise et je ne tolérerais pas d’écart. Je comprends vos interrogations, il en va de la survie de vos différents mondes. Mais faites confiance à la bravoure de la Force. Maintenant veuillez bien me laisser Messieurs. Je dois préparer un discours pour prévenir la population de la Confédération qu’un conflit majeur se prépare.

    Dans le lointain, un navire de plaisance s’ébattait dans la légère houle du soir. A son bord, on ne se doutait sûrement pas que la Confédération connaissait ses derniers moments de paix.

    * * *

    #16005
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    13. Yves-Marie

    La ruelle, une des plus étroites que la cité ait connu, était devenue presque impraticable. Depuis que le Syndicat avait interdit le recyclage de certains matériaux à base de diazyl, les sociétés chargées du tri des déchets avaient été surchargées de travail, puis avaient été rapidement incapables de continuer leur mission. De ce fait, les endroits peu fréquentés avaient été spontanément réquisitionnés pour y entreposer les rebuts, dans l’attente d’une solution acceptable.
    Etaient entassés, pêle-mêle, de vieilles unités informatiques, des éléments de dégraviteurs portables, et diverses carcasses d’appareils d’une autre époque, que personne n’aurait su identifier. Çà et là, émergeait du tas de décombres le membre désarticulé d’un robot d’ancienne génération.

    A mon approche, un groupe de “ skoks ” se dispersa, glissant comme des ombres le long des façades obscures. Ces personnages, bien connus des noctambules, vivaient de la récupération des éléments actifs qui avaient été les composants principaux des systèmes d’intelligence artificielle des robots. Ils les revendaient à prix d’or à des laboratoires qui menaient des expériences sur des êtres vivants. Ils avaient commencé leurs essais sur des rats, puis des chiens, et on disait même que certaines expériences étaient tentées sur des humains.
    Cela devait déboucher sur le remplacement des androïdes de la génération 7B, dont Sherka était l’un des derniers modèles, par des humains reprogrammés.

    Le Grand Conseil avait tout d’abord interdit ces expériences, puis avait fait le choix de nommer un superviseur chargé de l’encadrement strict de ces études. Ainsi il pourrait, le moment venu, s’approprier les résultats de ces recherches. Nul ne connaissait en détail la destination de ces zombies, mais on pouvait facilement imaginer leur rôle en cas d’agression sur le groupe exécutif du Conseil.

    Le message d’Aargos était clair :
    – Personne ne doit être mis au courant de notre entrevue !

    Les révélations qu’il avait acceptées de me faire devaient être sacrément importantes pour qu’il me donne rendez-vous dans cet infâme endroit. D’habitude il n’hésitait pas à parler devant tout le monde. Etant donné qu’il jouait un double jeu (il renseignait aussi bien les truands en quête d’une “ bonne affaire ”, que les membres de la PolGC qui les cherchaient), il se sentait protégé par les autorités. Cet excès de confiance lui avait quand même coûté un oeil… Cette fois, le fait qu’il m’ait fait passer ce message énigmatique par l’intermédiaire de l’ancien réseau de transmission magnéto-pneumatique qui avait équipé le quartier excitait ma curiosité.

    Après avoir vérifié que personne ne m’avait suivi, je me glissais dans l’ouverture de la porte entrebâillée.
    Derrière la porte, qui se referma automatiquement derrière moi avec un petit claquement, je me retrouvais dans le noir. Immobile, j’attendis quelques secondes que mes yeux s’habituent à l’obscurité, et c’est alors que j’aperçus deux minuscules points verts, juste à côté de moi.

    Ainsi donc, c’était vrai… Aargos avait réussi à récupérer un de ces robhuskys à convertisseur de mémoire ! J’avais entendu parler de ces monstres, sans en avoir jamais vu.
    Quand la crise de la vache folle avait éclaté, à la fin du 20ème siècle, des mutations avaient été observées sur certaines races animales. Nourris avec des farines animales contaminées, les chiens avaient subi de profondes mutations. La modification la plus importante avait été observée sur le husky, sans doute à cause de ses origines sauvages. En quelques générations, ces animaux avaient pris des dimensions impressionnantes : d’une trentaine de kilos au début de la crise, ils avaient rapidement atteint le quintal… Et cette profonde prédisposition à la mutation avait poussé les chercheurs de la SCCM à procéder sur cette espèce aux premières implantations de convertisseurs de mémoire.
    Aargos aurait donc réussi à acquérir, par je ne sais quelle obscure transaction, un de ces premiers chiens-zombies, et il avait senti le besoin de l’amener avec lui pour cette discrète entrevue.

    Au fur et à mesure que j’approchais de mon informateur, un sentiment de malaise montait en moi.
    Un grondement sourd s’échappait de la gorge du chien, et la lueur qui illuminait ses yeux se faisait de plus en plus intense.

    – Galyk ! Assez !
    Le rappel à l’ordre, aussi bref que cinglant, eut un effet immédiat sur la bête, qui retomba comme un sac, les yeux éteints. Une mise en veille parfaitement programmée, les circuits qui avaient équipé jadis un robot ménager n’avaient sans doute jamais été utilisés jusqu’à leur mise en sécurité, les temps de réponse étaient encore proches des réactions d’un circuit neuf.
    Contournant prudemment l’animal qui semblait endormi, je fis deux pas vers Aargos, pour me rendre compte, dans le halo fluorescent qui émanait du collier qui équipait le robhusky, que son visage exprimait une angoisse telle que mes menaces de la veille ne devaient pas en être la cause principale.

    Décidément, cette affaire sortait du train-train routinier dans lequel je m’étais installé ces dernières années…

    #16022
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    14. Tass

    * * *

    Jake se redressa lentement, son dos toujours douloureux. Ouvrant les yeux, il espérait avoir vécu un cauchemar mais il se trouvait toujours dans la même cellule grise et humide, les murs recouverts de mousse noirâtre.
    Jake n’avait aucune idée quant aux intentions que portait l'”Autre” à son égard. Privé de ses ailes, il ne restait plus de lui qu’une enveloppe corporelle où seule une âme vacillante émettait un peu de chaleur.

    Mais Jake se ressaisit, il fallait qu’il se focalise sur sa mission, déjouer les plans de l'”Autre”. Eviter que le conflit qui se préparait ne finisse par l’extinction de toutes les espèces animales, étant donné que la plupart de ces espèces avaient déjà disparues de la surface de l’Univers lors du 1er conflit interstellaire. L'”Autre” avait envoyé une météorite sur plusieurs planètes pour les détruire, un nombre incalculable d’entités avait péries et cela, LUI ne pouvait le pardonner.

    Un bruit de pas résonna dans le couloir, ces pas ressemblaient à une marche funèbre, lents, mesurés, rythmés comme par une symphonie rhapsodique. Les pas s’arrêtèrent devant la porte de sa cellule. Un bruit de clés résonna dans le vide du cachot. La porte s’ouvrit pour faire apparaître la silhouette décharnée et reconnaissable du… professeur Walken !

    – Vous ne pensiez pas me revoir de sitôt, cher Jake ! dit ce dernier d’une voix sarcastique.
    – Je n’en avais pas tellement envie, vous vous en doutez, “cher” professeur Walken ! répondit Jake.
    – Oh ! Mais vous n’avez pas le choix cher ami, du moins je ne vous en laisse pas le choix. Maintenant, vous allez venir avec moi…
    – Et si je ne veux pas vous suivre ?
    – Oh ! Vous me suivrez, de gré ou de force ! Mes chers compagnonss que voici, vont, j’en suis sur, vous décider…

    Deux ombres se profilèrent derrière le professeur. Deux ombres qui se transformèrent petit à petit en silhouettes distinctes au fur et à mesure que la vision de Jake s’accoutumait à l’obscurité environnante.
    Des ailes noires et immenses, des corps sculpturaux recouverts d’écailles : il n’y avait pas de doute, c’étaient des Warborgs, les plus effrayants des Démons de classe C. Dotés d’une force gigantesque, ces Démons pouvaient briser ses os un par un, rien qu’avec un doigt, ou plutôt une griffe car ils n’avaient d’humanoïde que la silhouette. Lire le Nécronomicon à côté eut été un jeu d’enfant comparé à la vision horrible de ces “choses” venues tout droit de l’enfer.
    Leurs bras ressemblaient à deux troncs d’arbres ; leurs mains se terminaient par des griffes acérées capables de trancher n’importe quelle matière ; la tête était énorme et l’on ne voyait que deux petits yeux et quatre rangées de dents acérées. Autant dire qu’il ne pouvait pas faire grand chose contre les Warborgs, a fortiori sans ses ailes.

    – Je vois qu’en effet je n’ai pas le choix… dit Jake.
    – Certes, si vous ne voulez pas servir de hochet, il vaut mieux coopérer ! répondit le professeur Walken… toujours avec cette pointe de sarcasme dans sa voix.
    – Alors, puisque vous m’y contraignez, je vous suis.

    Jake se leva, essayant dans un premier temps de tenir sur ses jambes chancelantes. Il ne savait pas depuis combien de temps il était resté allongé sur sa couche. Au prix d’un gros effort physique, il réussit à avancer. Il passa le pas de la porte de son cachot et entra dans un couloir sombre et humide, éclairé çà et là par des appliques à plasma.

    Et tandis qu’il avançait péniblement dans le couloir, traînant les pieds, les souvenirs remontèrent alors du tréfonds de son esprit…
    Sa première capture qui remontait à des années, alors qu’il passait tour à tour de poursuivant à poursuivi, dans ce jeu de “ cache-cache ” entre les mondes, contre l'”Autre”. Celui-ci n’avait jamais cessé de jouer avec lui, comme un chat avec une souris, et avait fini par l’attirer sur cette Terre, ressemblante à la sienne mais pourtant si différente…
    Sa geôle avait été une cage où il était parqué comme un animal. Son geôlier, le professeur Walken, dont le passe temps favori consistait à se livrer sur lui à des expériences, tant physiques que mentales…
    Il avait fini par comprendre qu’il se trouvait détenu dans une clinique privée qui servait de couverture à son tourmenteur.

    Le temps s’était écoulé, inexorable, mais il avait perdu la conscience de sa durée exacte. Il était totalement coupé du monde extérieur et de la réalité. Ce qu’il avait pris pour des années ne représentait peut être que quelques mois ? Et pourtant, son aspect d’aujourd’hui ? Il ressemblait à un vieillard !
    Il avait cru devenir fou… Et aucune nouvelle télépathique de ses trois compagnons ! Un champ de force devenait empêcher les ondes de parvenir dans sa prison…

    Puis, un jour, l’occasion inespérée… la fuite après avoir mis le feu à cette clinique… Son évasion réussie en profitant de la panique provoquée par l’incendie… Et puis, le trou noir… Sans doute une amnésie ? Et le réveil dans cette nouvelle prison… la découverte de son horrible mutilation … Sa mémoire qui lui revient, petit à petit… Et, de nouveau, comme un cauchemar sans fin, le retour du professeur Walken !

    Cela faisait bien 5 minutes qu’il marchait et il était déjà au bord de l’épuisement. Le professeur s’arrêta alors devant une grande porte métallique.

    – Mon cher Jake, vous allez avoir le privilège d’être l’une des premières personnes à entrer dans mon nouveau laboratoire.

    Le professeur Walken posa sa main sur la porte et murmura quelques paroles dans une langue inconnue de Jake. Un bruit sec retentit et la porte du laboratoire s’ouvrit. Le spectacle qui s’offrit à Jake faillit lui faire perdre la raison.
    Le laboratoire du professeur était immense, mais c’est le spectacle des corps et des membres humains éparpillés sur différentes tables d’autopsie qui fit frémir Jake de terreur. Certes, il en avait vu des horreurs durant la guerre, mais l’état dans lequel il se trouvait le rendait encore plus sujet à la faiblesse psychologique, et le tableau morbide qui s’offrait à lui le marquerait à jamais.

    – Bienvenue dans mon humble demeure, cher Jake, dit le professeur Walken avec un sourire sardonique.

    Jake vacilla et s’écroula par terre. Il entendit juste le professeur dire aux Warborgs en soupirant :
    – Les Anges ne sont plus ce qu’ils étaient ! Portez le jusqu’à la table là-bas.

    Dans la pénombre du laboratoire, deux choses luisaient faiblement. Ces choses étaient accrochées au mur, encadrées comme un trophée. C’était des ailes d’Ange, les ailes de Jake.

    * * *

    #16031
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    15. Arsurus

    – Comment ça il ne répond plus ? Soyez plus précis Monsieur Droopy s’il vous plaît !

    Monsieur Kneubhüler ajusta ses petites lunettes rondes et fronça des sourcils broussailleux en direction de son assistant. Les deux hommes ne s’appréciaient guère et leur collaboration était plus que sulfureuse.
    Le premier reprochait à l’autre sa désinvolture insupportable – Droopy… comment les autorités avaient-elles accepté qu’il s’accorde ce pseudonyme ridicule tant à la consonance qu’à la référence ? – tandis que le second n’acceptait toujours pas l’idée qu’on place à la tête de ce projet aussi novateur un homme aussi rigide et formaliste que ce Monsieur K., comme il aimait à se faire appeler.

    – Ce que j’essaie de vous dire, cher Monsieur K., c’est que ses foutus implants neuro-sensoriels ne balancent plus les bip-bip habituels… lâcha ironiquement Monsieur Droopy.

    – Et quelle est votre conclusion scientifique sur ce phénomène ? Monsieur K. dissimulait de plus en plus difficilement son agacement.

    – Bin… Comment voulez-vous que je le sache ? Peut-être un problème avec la connexion synaptique…

    – Merde à la fin ! C’est vous l’expert en sciences cognitives, oui ou non ? Quand je pense qu’ils ont osé prendre le risque de vous confier ce travail à vous… Mais je le savais ! Je savais que vous n’étiez qu’un drôle ! Vous rendez-vous compte de notre responsabilité dans cette affaire ! Avez-vous une idée de ce qu’impliquerait un échec ? Je…
    Monsieur Kneubhüler interrompit sa phrase pour se libérer d’une quinte de toux nerveuse.

    – Relax Max ! Rien ne prouve qu’il soit game over. Et au pire, il nous en reste trois, dont Jake… Rassurez-vous, Monsieur K., la partie est loin d’être terminée. En attendant, veuillez prévenir l’équipe médicale qu’elle prépare une intervention d’urgence en bloc B pour le sujet Gandalf.

    – J’ai la désagréable sensation que depuis le début vous prenez ce projet pour un jeu.

    – Justement, Monsieur K., justement… n’est-ce pas vous qui Lui avez proposé un jeu ? L’équipe qui a mis au point le projet GENESIA n’était-elle pas sous votre entière responsabilité ? Vous avez voulu jouer à Dieu et avec vos conneries, voilà ou nous en sommes désormais : une IA parfaite, autonome, qui menace de prendre le contrôle du Réseau. Dois-je vous rappeler que la Firme a fait appel à moi pour tenter de résoudre le problème que VOUS avez engendré ?

    – Ca suffit ! De quel droit vous adressez-vous à moi sur ce ton ? Je n’ai fait qu’exécuter les ordres de mes supérieurs et vous le savez très bien.

    – Mouais, c’est exactement ce que disaient les dignitaires nazis devant la cour de Nuremberg…

    – Vous me payerez cet affront Monsieur Droo…, jeune homme ! Je vous jure que je vous ferai ravaler ces paroles calomnieuses d’une manière ou d’une autre !

    Monsieur K., qui affichait désormais un surprenant teint pivoine, effectua un demi-tour exemplaire et quitta la salle en claquant rageusement la porte.

    – C’est ça… bon débarras vieux schnock ! pensa très fort Monsieur Droopy. Puis il sortit un joint de sa poche, tapota dessus calmement, le porta à ses lèvres et l’alluma tout en basculant dans son fauteuil. La substance euphorisante enveloppa ses sens et le transporta quelques années en arrière.

    A cette époque, la commission d’éthique avait fait appel à lui pour surveiller les travaux de la Firme, une importante corporation de concepteurs hardware. Il sortait tout droit de l’Université où il avait étudié pendant des années le comportement du neurone face aux stimulations extérieures. Passionnant sujet d’étude qui fut sanctionné par les félicitations du Jury.
    La Firme se consacrait alors au projet GENESIA qui visait à l’élaboration d’une Intelligence Artificielle de 9ème génération, un joyau de biotechnologie reléguant l’informatique d’alors à une ère proche de l’âge de pierre. Quelle ironie ! Quelques mois auparavant, il avait refusé une proposition de la dite corporation pour travailler sur le dit projet et ça c’était plutôt mal passé entre eux.
    Le rapport que lui et ses confrères avaient rendu était plutôt alarmant : la Firme avançait en terrain vierge sans garde-fous et sans prendre en considération les conséquences désastreuses sur le plan social d’une telle invention. Créer une IA capable de raisonner comme un humain (en prenant en compte la notion de vécu) et apte à prendre des décisions à sa place, c’est bien beau, mais l’Homme dans tout ça ? Quelle place cette entité virtuelle lui réservait-elle ?
    Malheureusement, le rapport fut rendu trop tard et GENESIA était déjà en place. L’humanité n’a jamais accepté de freiner le progrès, encore moins de l’ignorer et la Firme, contre d’utopiques promesses, parvint à imposer son projet aux décideurs politiques et économiques.

    Concrètement, GENESIA devait permettre à l’IA de générer un monde virtuel et de le gérer de façon entièrement autonome. Les responsables du projet pouvaient suivre de près l’évolution en s’y projetant grâce aux combinaisons DATA, véritables trésors de technologie bardés de capteurs neuro-sensoriels permettant une immersion complète dans l’univers de synthèse.
    C’est lorsque l’IA parvint à modifier d’elle-même l’interface de connexion que la Firme commença à avoir de sérieuses inquiétudes. GENESIA pouvait être considéré, sur le plan de la maturité, comme un enfant de six ans et les chercheurs étaient soumis à ses moindres caprices. Très vite, l’accès leur fut interdit et ils n’avaient plus aucun moyen de contrôler quoi que ce soit.
    La Firme fit appel à des pédopsychiatres. Puisque l’IA avait la maturité d’un enfant, il fallait négocier avec elle comme avec un gosse. On lui proposa donc un jeu et l’interface fut débloquée.
    Une équipe s’aventura dans l’Univers virtuel de GENESIA pour la première fois depuis plus d’un an et le choc fut rude : l’IA avait non seulement reconstitué un monde riche et complexe, mais, de plus, elle développait des sortes d’univers parallèles en se servant des versions tests laissées à l’abandon. Le plus inquiétant dans tout ça était qu’elle avait obtenu des données provenant de l’extérieur. Comment avait-elle pu s’évader de son réseau interne ?

    Une voix synthétique le tira de sa rêverie :
    – Monsieur Droopy ?
    – Quoi encore ? … Ah, c’est toi Sherka ! As-tu des bonnes nouvelles pour moi ?

    Le cogniticien balaya la salle du regard. Quatre grands cerceaux métalliques tournoyaient lentement sur eux-mêmes. Au centre de la pièce se tenait la monstrueuse machine vomissant des câbles et émettant une multitude de clignotements : GENESIA. A l’intérieur de chaque cerceau, à l’image de l’Homme de De Vinci, bras et jambes tendus et écartés, se balançait un corps recouvert d’une combinaison DATA. Les corps étaient tous agités par des mouvements imprévisibles qui n’appartenaient pas à notre réalité. Tous sauf un : le dénommé Gandalf, comme l’indiquait la plaque au-dessus de sa sphère, ne bronchait plus depuis quelques heures.

    – Les sujets Jake et Shim réagissent normalement mais nous avons perdu tout contact avec le sujet Shaun. Il n’y a plus aucun moyen d’entrer en communication avec lui. Mais nous avons un problème beaucoup plus sérieux Monsieur : le sujet Gandalf, son corps répond à toutes les stimulations nerveuses mais son esprit semble absent.
    – Quoi ? Ca veut dire quoi ça bon Dieu ? !
    – Ca veut dire, Monsieur, qu’il me semble que GENESIA lui a volé ce que vous autres humains appelez l’âme…

    #16040
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    16. Azerty

    * * *

    – Dis donc, Aargos ! J’espère que tu ne m’as pas fait venir dans ce trou à rats pour des prunes ! Et je te signale que tu as vachement intérêt aussi à laisser ton clébard sur la position “Off” ! Parce que, au cas ou tu aurais de mauvaises pensées, le truc qui fait une bosse au bout de ma main, dans ma poche, te ferait un trou commac dans la panse, juste avant qu’il grille les circuits de ton rob-bestiau !

    Je faisais un peu le fiérot, comme ça, histoire de continuer à jouer les durs et de lui faire le coup de l’intimidation, mais en réalité j’avais plutôt les cannes en coton-tige, vu que si j’avais effectivement le temps de lui percer un tunnel dans le bide, je ne me faisais aucune illusion sur le temps de réaction du monstre ! Celui ci aurait déjà commencé à me bouffer avant même que je pense à appuyer une seconde fois sur la détente de mon feu ! Quant à le prendre pour cible en premier, c’était même pas la peine d’y songer vu qu’il était programmé “priorité/auto-défense” par déclenchement hypno-téléphatique ! Sa réaction, provoquée par la seule pensée de mon geste, serait encore plus rapide que dans la première solution !
    Autrement dit, il me fallait la jouer fine… Ce salopard avait trouvé une sacrée parade !

    Pourtant, l’allure décomposée du gros, telle que je pouvais l’entrevoir dans la semi-obscurité de ce local sordide, semblait indiquer qu’il était encore moins dans son assiette que moi… Et je me demandais si la présence de son garde du corps mutant n’était pas plutôt destinée à se protéger de quelqu’un ou de quelque chose d’autre que moi ?
    – Calmez-vous, Lieutenant, bredouilla t’il… Galyk ne vous fera aucun mal… enfin… tant que vous n’aurez aucune mauvaise intention envers moi…

    J’avais visé juste ! L’Aargos semblait complètement paniqué. Visiblement, il avait du ramener un sacré truc dans ses filets, et à mon avis, de l’explosif, compte tenu de son état…
    L’atmosphère de ce réduit, déjà pourrie et confinée devint encore plus oppressante.

    – Bon, alors, raconte moi ce que tu as découvert, lui lançais-je d’un ton brusque, ce qui eut pour effet de le faire sursauter.

    – Lieutenant… Moi, vos histoires, je veux plus y être mêlé ! J’ai pas envie de m’faire buter ! Ecoutez… Vous ne m’avez rien demandé… moi, j’ai rien à vous dire… et comme ça, tout rentre dans l’ordre… Tout ce truc, ça sent vraiment trop la merde ! Non, non, je sais rien… j’ai rien vu… foutez-moi la paix ! Toute cette vacherie c’est pas nos oignons… ça nous dépasse… ils sont trop forts pour nous… suppôts de l’enfer… des Démons !

    Shit ! Le voilà qui tournait barge, l’enflure ! Y se mettait à bredouiller, il continuait ses imprécations en faisant des moulinets de ses gros bras flasques, comme s’il voulait chasser des bestioles. Et le pire de tout, c’est que j’avais de plus en plus l’impression que je n’arriverais pas à lui tirer autre chose de plus concret, vu qu’avec son clebs fallait pas compter ne serait-ce que l’effleurer, histoire de lui attendrir un peu la couenne, genre électrochoc pour le sortir de sa transe et le rendre plus bavard ! Quant à ma carte de la menace d’exhumer ses vieilles affaires de pédophilie, j’imaginais que ça ne ferait plus aucun effet… C’était pas possible. Qu’est-ce qui pouvait l’avoir mis dans cet état ?

    Un léger grincement derrière moi mit fin à mes réflexions. Avant même d’avoir eu le temps d’esquisser le geste de me retourner, je sentis un grésillement se répandre dans tout mon corps, suivi, brutalement, de la tétanisation de tous mes muscles. La paralysie me surprit au moment où j’allais ouvrir la bouche. Ce que j’allais crier à haute voix resta figé dans ma gorge mais hurla dans mon esprit :
    – Gotleeb ! ! Pauvre connard ! Tu t’es fait avoir comme une bleusaille !

    La règle élémentaire : ne jamais tourner le dos à une porte, surtout lorsque tu ne maîtrise pas l’environnement !
    Faut dire que le gentil toutou relooké Cyborg m’avait un peu perturbé au niveau du mental… Mais quand même, j’enrageais sec… Mon cher Arsu, tu te fais vieux… Te prendre un coup de paralysant aussi bêtement, faut pas pleurer la honte ! Il ne me restait plus que mes yeux au regard fixe pour assister à la suite des événements que je ne pressentaient pas joyeux, et ma tête pour cogiter…
    Une petite consolation dans mon malheur : visiblement, “ on ” tenait à me garder en vie, au moins dans l’immédiat, sinon j’aurais sûrement dégusté un autre genre de cadeau et je ne serais, pour l’heure, plus là pour me mordre “ mentalement ” la langue !
    Curieusement, aucune réaction du côté du robhusky qui restait en veille…

    Ma tétanisation provoqua sur Aargos l’effet d’électrochoc que j’évoquais quelques secondes auparavant, et le laissa aussi figé que moi, à la seule différence que, pour lui, la cause n’était pas due au paralysant.
    Dans le même temps, un rictus déforma ses traits et ses yeux reflétèrent une terreur absolue.

    – Et bien, gros porc ! Je t’avais pourtant prévenu quand tu es venu fourrer ton groin chez moi ! La projection intra-cervicale des plaisirs qui te seraient réservés si tu ne laissais pas tomber ne t’a apparemment pas dissuadé !

    Cette voix ! Aucun doute possible ! Cette garce de Lynne ! C’est elle qui m’avait mis hors circuit ! Là, du coup, je n’y comprenais plus rien ! ? Pourquoi m’avoir branché sur toutes ces pistes, même en me racontant des gros bobards, pour venir me mettre des bâtons dans les roues d’une manière aussi radicale ?
    Je ne pouvais, hélas, pas bouger d’un cil, et pour cause, et à mon avis pas avant un bon bout de temps, mais je la sentis néanmoins se placer à ma hauteur, en se décalant sur ma droite… A l’évidence, je lui cachais, jusque là, l’obèse et elle venait de s’aligner en face d’une nouvelle cible !
    Côté clébard, toujours le black-out ! ?

    Aargos réagit alors en tendant ses bras devant lui, comme pour se faire un écran de ses mains :
    – Non ! Je n’ai rien dit ! Juste que je ne savais rien ! Que je n’avais rien vu !

    Il hurlait et pleurait en même temps, agitant frénétiquement ses membres en gestes de dénégation.

    – Tu peux crever, grosse merde ! dit froidement la fille en le foudroyant d’une décharge de son paralysant… Dose maximum… Cruellement… Pendant au moins cinq longues secondes… Semblant s’acharner sur le corps désormais sans vie qui gisait sur le sol.

    Cela ne troubla pas plus le rob’ qui continuait à jouer “ relâche ”. Ce manque de réaction devant la mort de son maître me fit alors comprendre que la salope avait du utiliser un annihilateur sensoriel branché sur la fréquence du clebs, au travers de la porte. Elle ne manquait pas de ressources la Miss !

    Elle vint alors se placer devant moi et leva ses yeux verts pour les planter dans les miens :
    – Alors, “ l’Avatar ” ! Te voilà donc ! L’autre petite conne aurait mieux fait de te laisser croupir dans ta médiocrité ! C’est ce que je lui ai dit avant de la buter ! Mais, bravo ! Tu es plus doué que je le pensais ! Elle ne s’était donc pas trompée sur ton compte… Finalement, tu pourras encore servir, mais selon mes règles ! A bientôt, “ Lieutenant ” !

    Sur ce, elle me toucha avec un “ truc ” au niveau du cou, et… rideau ! bye, bye !… Fais de beaux rêves, Arsu ! Juste le temps de penser, avant de sombrer dans un puits sans fin :
    – Mais, c’est qui, cette pute ? !

    * * *

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