LE DEFI DE L’ANGE

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  • #15800
    bd91
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    J’ai participé, dans les années 2000 et 2001, à une expérience d’écriture en commun sur un Forum.
    Cela a débuté un jour, sur la suggestion de l’un d’entre nous qui a lancé cette idée en démarrant un début d’histoire. Le but était de prendre le relais en tenant compte de ce qui avait été écrit précédemment et d’y trouver un prolongement. Le candidat suivant devait simplement avertir tous les autres qu’il prenait la suite afin d’éviter tout téléscopage. Il n’était pas interdit de partir dans d’autres directions, de rajouter de nouveaux personnages, du moment que ces nouveautés étaient cohérentes avec les interventions précédentes. Il va sans dire que chaque nouvelle contribution venait souvent bouleverser l’idée que chacun se faisait de son propre scénario. En revanche, ces changements d’orientation faisaient aussi naître d’autres idées pour bâtir la suite de l’histoire.
    Nous nous sommes vite pris au jeu. Nous avons été 14 auteurs à intervenir tour à tour sur cette narration qui a vite pris une tournure assez inattendue !
    Le résultat, malheureusement inachevé, est un mélange de Science Fiction, Fantastique, Religion, Polar.
    Chaque intervention est précédée du Pseudo de son auteur. Vous retrouverez, tour à tour ceux de : Nina, Arsurus, Sun, Azerty, Wizard31, Shaun, Boz, Shaun, Yves-Marie, Tass, Doudou, Barkodekf, Salem_ze_cat.
    Nous avons poussé la “private joke” en donnant à la plupart des personnages de ce récit des noms de Pseudos intervenant régulièrement sur le Forum.
    Le titre de l’histoire ainsi que les citations en avant propos ont été rajoutés au bout de plusieurs chapitres, dès lors que le sens du récit commençait à prendre tournure

    LE DEFI DE L’ANGE

    0. Nina

    « Voici que mon Ange ira devant toi. »
    Exode 23, 23

    « Quand on ne sait pas où l’on va, tous les chemins mènent à nulle part. »
    Henri Kissinger

    « L’imagination est plus importante que la connaissance. »
    Albert Einstein

    « Ecrire est une forme de thérapie. »
    Graham Greene

    1. Arsurus

    La paupière frémit puis se soulève prudemment.

    Douleur.
    Le visage se ferme très vite, ornant les yeux d’une multitude d’arabesques et froissant le front comme un vulgaire papier indésirable. Un néon hésitant arrose la pièce d’une lumière glaciale et crue en émettant de façon irrégulière un petit grésillement sourd. Sous la paupière protectrice, la pupille se dilate à nouveau. Un rayonnement blanc remplace la confortable obscurité habituelle. Une vieille main parcourue de veines saillantes cherche fébrilement la direction de la tête et vient offrir son aide au regard. Assistés de cette visière de fortune, les yeux commencent leur travail de fouille : murs, porte et néon.
    Une persistante odeur d’urine provoque une grimace sur le visage, modifiant l’expression d’aveuglement en celle de dégoût.

    Grr… Grr… le néon proteste et, capricieux, se met à trembloter.
    L’homme profite de ce répit pour approfondir sa recherche visuelle. Mis à part une table et le lit sur lequel il est allongé, l’endroit ne semble pas abriter d’autres meubles. Lentement, l’homme tente de se redresser mais une douleur fulgurante le saisit. Le vieux corps noueux retombe dans le lit, comme un pantin qu’on cesse brusquement de manipuler, et pousse un gémissement plaintif. Luttant contre l’insoutenable souffrance, l’homme hasarde une main dans son dos et explore les nombreuses blessures qui n’ont pas manqué de souiller le matelas.
    Ses doigts tremblants rencontrent de nombreuses petites cicatrices déjà sèches puis entrent en contact avec la chair vive, le faisant tressaillir. Nouveau gémissement. Deux larges plaies béantes, oeuvres d’un calligraphe pervers, partent de ses reins et courent jusqu’à ses omoplates.
    Hébété, l’homme observe sa main couverte d’un sang noirâtre et ruisselant.

    La porte s’ouvre dans un couinement de ferraille rouillée. Le néon tente d’y jeter un bras afin de dessiner la silhouette du visiteur mais se heurte au mur opaque des ténèbres du couloir qui s’étend au-delà.

    Le nouveau venu souffle une langue de fumée qui s’engouffre dans la cellule :
    – Alors Uriel – ou peut-être préférez-vous que je vous appelle Jake – on cherche ses ailes ?”

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  • #16049
    bd91
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    17. Shaun

    06h

    – Merde, qu’est-ce qui m’arrive ? Ahhh ! Mal à la tête… Bon… Où suis-je ? Une chambre d’hôtel dirait-on… Assez crade même… Ah, une comconsole… Merde, pas de prise neurale… Voyons voir le modèle… QUOI, une 7200 ! ! ! Mais on ne fait plus ce modèle depuis… Depuis… … … La date… Je ne me souviens pas de la date ! Bon, restons calme… D’abord mon nom… … Aïe, c’est plus grave que je ne le croyais, je ne sais plus qui je suis ! Un indice, il doit bien y avoir un indice…
    Et puis ces démangeaisons sur le corps… Comment tu veux que je me concentre ? … … Tiens, j’ai dormi tout habillé ?
    Bon, vu que je ne me rappelle de rien, autant se détendre sous une bonne douche sonique… Qu’est ce que c’est que ça ? C’est moi qui ai tatoué toutes ces conneries sur mon corps ? Merde tout est écrit à l’envers… Un miroir vite ! Là, écrit en gros : tu t’appelles… Gandalf et tu t’es fait entuber… Ca commence bien !

    08h12

    – Putain de plaies… Faut que je voie un toubib… Pourquoi aucun des tatouages ne me parle de ces plaies sur mon dos ? Bordel… Résumons ce que je sais… Le type du hall m’a dit qu’il en avait marre de mes conneries, et qu’aujourd’hui il ne voulait plus jouer à mon petit jeu et me dire où je suis et qui je suis.
    Le numéro sur mon avant bras ne correspond à rien… Sur les cuisses, trois noms : Jake, Shaun, Shim… Sur mon dos, deux plaies profondes, sanglantes et parallèles. Sur mon torse : ne crois personne, ne crois rien. Sur mon ventre enfin : recherche ton âme… Putain !
    Et me voilà dans la rue en train de ruminer tout ça… Fais chier… Tiens, la fille là bas… Ce visage… Je crois que je la connais…

    09h55

    – Lynne, elle s’appelle Lynne et elle me connaît… Bon c’est déjà ça… Elle dit qu’elle cherche toujours Jake et qu’il faut que je l’aide… Merde ! Pourquoi je ne lui ai pas dit que je me rappelais de rien… Peut-être son regard… Distant et froid…
    Ca fait deux heures qu’elle me raconte des histoires auxquelles je ne comprends que dalle… Le pari, les deux camps, l’Avatar, les Anges… C’est quoi ces conneries ?
    Ah ! Elle se lève, elle veut m’emmener voir l’Avatar…
    Qu’est-ce que… Ahhhhhhhh ! Mon mal de crâne… Ma main tremble… Elle devient floue… Je passe à travers la table… je tombe !

    10h24

    – Lynne, elle est floue mais se tiens juste au-dessus de moi, avec plein d’autres visages… Je me rappelle… … Non, rien ! Je me redresse… Ils me disent de rester calme, les médics vont arriver… Bordel, je ne sais pas pourquoi mais je ne veux pas les voir… Peut-être les plaies ?
    J’attrape Lynne par le bras et la traîne dehors…

    11h15

    – Une heure qu’on marche, faut peut-être que je ruse pour qu’elle m’en apprenne plus… Et que je puisse reconstituer mon histoire… Tiens, elle s’arrête ?
    Comment ça, ça suffit ? Comment ça, on vient de passer juste devant le labo ? Quel labo ? Hé, qu’est-ce que ? Pourquoi sort-elle un paralysant ? QUOI, comment ça, il faut que j’arrête la comédie ? Merde, elle tire !
    Tiens, tout est au ralenti… Je vois l’onde de choc et je peux même l’éviter assez facilement… Profitons-en et chopons-lui ce putain de gun ! Je lui prends et elle ne se rend compte de rien… Eh bien, on va l’assommer et l’emmener à l’hôtel…
    Tiens, le temps reprend son court normal… Ne crois personne, ne crois rien… Ca a peut-être un sens finalement !

    15h44

    – J’ai du frapper un peu fort, elle se réveille seulement… Rien trouvé sur elle, à part une clé magnétique et son paralysant…
    Allez ! Réveille-toi pétasse ! Bin dis donc, elle a pas le réveil facile. Gros Troll véreux ! Tiens c’est original ça… Mais oui, mais oui, ma belle !
    Les Warborgs vont venir… C’est ça… Et moi je suis Saint Pierre ! COMMENT CA MICHEL ? Je croyais que je m’appelais Gandalf !
    Merde, tout tourne… Et le mal de crâne qui revient… Fais ch…!

    17h23

    – Hmmmpfff… Tiens, je suis attaché… A mon propre lit en plus… Beuh, elle est où l’autre ? Comment elle s’appelle déjà ? J’ai déjà oublié son nom… Ah non, Lynne ! Faudrait que je puisse le tatouer, mais avec ces liens… Tiens, les liens ? Ils ont disparus ! J’ai donc quelques pouvoirs… Cooollll, je vais peut-être le noter…

    18h33

    – Gggggg… Ca fait mal… Mais bon, j’ai noté pour les pouvoirs, et Lynne… Hé, hé, la petite garce, si elle savait où j’ai inscrit son nom… Héhéhé… HEEEEE… Arghhhhh…

    06h

    – Merde ! Qu’est-ce qui m’arrive ? Ahhh ! Mal à la tête… ‘tain… Et ces démangeaisons… Tiens où est-ce que je suis ?

    * * *

    – DROOOPPPPYYYY ! Réveillez-vous Bordelll !
    – Hein, quoi ? Mister K ? Qu’est-ce que vous foutez là… Chez moi… à… QUOI ! Deux plombes ! Putain, vous vous foutez de ma gueule ?
    – FERMEZ LA ! Idiot ! Commentez-moi plutôt ces diagrammes !
    – Beuh… Qu’est-ce que… Un relevé neuronal d’IA… On dirait qu’elle est un peu agitée… Tiens, c’est marrant, ça s’arrête aussi brusquement que ça a commencé… Et qu’est-ce que c’est que ce truc ?
    – GANDALF, sombre idiot ! GANDALF, vous comprenez ce que cela veut dire ?
    – Gand… Merde, il n’a pas complètement disparu ?
    – Vous savez ce qu’il vous reste à faire !
    – Bin… Euh… Je dois faire une incursion moi-même dans GENESIA !
    – Exact ! Allez, habillez-vous ! Vous partez dans deux heures !

    * * *

    #16076
    bd91
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    18. Doudou

    J’ouvre un oeil, puis l’autre dans la pénombre. Tiens ! Je ne suis pas seul dans le lit. Quel lit ? C’est pas ma taule. Putain, j’ai la tête dans du coton…
    Aargos ? Est-ce que je l’ai vu finalement ? Me souviens de rien… Un robhusky ?

    – Hmmmm…
    La petite personne à côté de moi se retourne. Lynne ? ! Qu’est ce que je fous avec cette poupée ?
    Vérification rapide sous le drap : je suis à poil. Nouveau coup d’œil : elle aussi !
    Par les lames du Gritche ! Qu’est ce qui s’est passé ? Pas possible que je me sois tapé une nana pareille – un morceau de choix d’après ce que j’ai pu en voir – sans m’en souvenir ?
    Ouch ! Dur de réfléchir ! – gueule de bois…

    – Bien dormi mon nounours ? fait une voix suave à côté de moi. Le corps, chaud et tendre, de Lynne vient se lover contre le mien – Gargl – Réfléchis, bon sang, lieutenant !
    Je n’aime pas m’appeler comme ça, mais il le faut dans les situations graves.
    Un doigt descend paresseusement le long de mon ventre et se perd dans la jungle naissante du bas.

    – C’était bien tous les deux cette nuit… Je savais que ça serait bien avec toi. Tu m’as fait craquer dès que je t’ai vu dans ton bureau de détective…
    Elle se redresse sur le coude en gloussant, le drap glisse un peu. Misère !
    – C’est encore Jake qui a permis notre rencontre. Tu vois, il veille encore sur moi…

    Dans quel merdier me suis-je encore foutu ? Ses doigts agiles sont remontés et jouent maintenant négligemment avec les poils de ma poitrine.
    – En parlant de Jake… – Ses doigts me massent doucement le torse – Tu as une piste ?
    – Euh… J’ai la bouche pleine de ciment. Qu’est ce que j’ai bien pu avaler ? Moi qui ne tourne qu’au ouiski de première catégorie.
    – Ben, il me semble que je devais rencontrer un indic à moi, mais je sais plus très bien où j’en suis. Tu me prends à froid, poupée.

    Sa main monte et descend, de plus en plus bas.
    – Et à part lui, rien du tout ? Ca devient assez insupportable.
    – Hmmm… Non, rien pour l’instant. J’ai envie de passer à autre chose, je conclus : Mais ma secrétaire est en train de rechercher des infos sur le professeur Walken, tu sais, la clinique… On verra ce que ça donnera.
    – Ah ! Tu as une collaboratrice, c’est vrai… Son regard se fait songeur et un peu plus dur. Où est-ce une impression ? Ses doigts se figent sur ma poitrine.
    – Bon, je crois que je n’obtiendrai rien de plus de toi. Tu ne me sers plus à rien…
    Comme par magie, un flingue paralysant s’est retrouvé collé sur mon cou – J’ai déjà vécu ça, non ?
    – Je croyais que tu avais avancé un peu plus, lieutenant, dit-elle en insistant bien sur le grade.

    Ses yeux sont maintenant deux saphirs froids.
    – Tu es quelqu’un de dangereux dans cette histoire, je pense qu’il vaut mieux t’éliminer. Ca fera un peu moins de personnages dans ce scénario bien embrouillé.

    Un éclair fuse. – C’est toi qui va dégager ma petite caille, je crois ! s’exclame une voix féminine. Lynne se retrouve immobile, tétanisée sur le lit, les yeux ouverts pleins de surprise et d’incompréhension.
    – Salut patron, ça va ?

    Brawne rengaine son pistolet paralysant dans l’étui à droite de sa ceinture. Comme toujours, dans l’étui gauche, se trouve un petit colt 45 antédiluvien, qu’elle conserve, par romantisme, je crois.
    Elle se dirige vers moi.
    – Je ne sais pas si j’ai bien fait d’intervenir… Ca devenait chaud…
    Son regard s’est fait moqueur. Je suis la direction de celui-ci, et remonte prestement le drap qui n’en cache pas assez.
    – Vous avez l’air plutôt en forme, me lance-t-elle avec un clin d’œil.

    Ca, c’est tout Brawne, elle ne sait pas s’arrêter quant il faut. Enfin, personne n’est parfait. Brawne a d’autres atouts en dehors de ses talents au démineur – et notamment celui de me tirer de temps en temps de situations… hmmm… difficiles, on va dire ça.
    Bien sûr, c’est Sherka – qui me monitore 24h sur 24h et surveille mes fonctions vitales et est toujours capable de me localiser – qui lui a indiqué où me trouver. Mais, le résultat est là : je suis entier.

    Lynne 1 : Arsurus 1. Le jeu est plus équilibré !

    – Bon, rhabillez vous pendant que je la ligote.
    Elle se penche sur le lit. Je la regarde :
    – OK, OK, je me retourne…

    Ma dignité retrouvée et Lynne saucissonnée sur une chaise – nous avons même eu la charité de lui jeter une couverture par-dessus – nous explorons les lieux.
    Il y a des traces de sang un peu partout, et elles semblent mener à la cave. Nous descendons. Ca pue !

    Brawne fait sauter le cadenas de la porte et nous entrons prudemment. Rien à craindre : un pauvre type est étendu de tout son long sur le sol. Il est couvert de blessures et de… tatouages ? Enchaîné au mur. Il marmonne n’importe quoi dans son sommeil agité.
    Brawne me lance un regard :
    – Sympa, votre copine, boss, me dit-elle en se dirigeant vers lui pour l’examiner. Il a besoin de soins, et vite. Il y a un médipac dans le glisseur dehors. On va le transporter. Ca ne changera pas grand chose de toutes façons… Filons d’ici, patron !

    Pour une fois, je ne discute pas avec elle. Je n’ai pas spécialement envie de m’attarder ici. Les choses commencent à revenir peu à peu dans ma mémoire, notamment l’épisode ‘Aargos’. C’était pas un Ange, mais il ne méritait pas ça. Cette salope avait du m’injecter une drogue neuro-amnésiale, genre pentinal, ou autre cochonnerie. J’irai bien lui retourner la politesse.

    Apparemment, elle ne sait pas où est Jake, sinon elle n’aurait pas monté toute cette mise en scène. Je me dis qu’elle a du me manipuler depuis le début pour que je le retrouve pour elle. Mais pourquoi ne pas m’avoir laissé continuer à chercher tranquillement au lieu de me tomber sur le râble comme ça ? J’y comprends jamais rien aux nanas.
    Putain, j’ai rien vu en plus ! Les coups fourrés dans ce genre, d’habitude je les flaire à quinze mille… Y’à quelque chose qui tourne pas rond dans cette histoire.
    Je l’interrogerais bien la petite, moi. Mais il faut d’abord s’occuper de ce type. Pas question que j’emmène la salope dans ma planque, c’est trop dangereux. Je vais la laisser là, mariner un peu. On reviendra plus tard !

    Pendant que je réfléchis à tout ça, Brawne fait sauter les chaînes du type. Il a d’énormes plaies béantes dans le dos. Merde ! Quelle pute ! Pas possible que ce soit elle qui lui a fait ça quand même !
    Nous le transportons jusqu’au glisseur. Il ne s’aperçoit de rien. Direction : mon bureau. On va essayer de remettre tout ça dans l’ordre.

    * * *

    Dans la cave, l’air se met à scintiller doucement, puis il semble se tordre. Une silhouette se dessine, d’abord floue puis de plus en plus nette. Enfin, un homme est là.

    – Spoke à passerelle… il rit – Beurk, ça pue ici et c’est plutôt glauque ! Il parle à voix haute pour se rassurer, tout en contemplant les chaînes brisées sur le sol et le sang.
    – Je dois arriver après la bataille… Bon, au boulot, Droopy !

    Il se retourne et se dirige vers la porte défoncée.

    * * *

    #16097
    bd91
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    19. Wizard31

    Au moment de traverser la porte, ou plutôt ce qu’il en restait, son regard fut attiré par une forme allongée dans le coin droit de la pièce, si faiblement éclairée qu’il aurait très bien pu passer plusieurs fois sans la voir. S’accroupissant à coté de la forme, il s’aperçut très vite que ce qui se cachait sous la couverture grisâtre n’allait pas lui plaire…
    Il ne s’était pas trompé, et ce qu’il découvrit dépassait de loin la virtualité dont il avait l’habitude. Une femme, blonde et qui avait du être très jolie, mais dont l’adorable visage était horriblement déformé par un rictus de souffrance et sans doute manifestement d’agonie. A vue de nez, il lui donnait vingt ans, à peine plus.
    Curieusement, son visage lui disait quelque chose. Ou diable l’avait-il déjà vu ? ? Depuis son arrivée à la Firme, il n’avait plus trop l’occasion de rencontrer des femmes, aussi le sentiment de connaître celle-là l’étonna énormément…

    Au fond de lui-même commença à naître une vague idée, et encore, à ce stade, on ne pouvait à peine parler d’idée, de concordance d’analyse de neurone tout au plus !
    Le bruit d’une porte à l’étage au-dessus lui fit perdre son fil de pensée et l’embryon d’idée fut relégué à un stade inférieur…

    Se rappelant soudain sa mission, il recommença à se diriger vers la porte. Celui qui avait mis la fille dans cet état ne devait pas être de bonne humeur aujourd’hui, et il espérait sincèrement que cette personne ne se trouvait plus dans le bâtiment !

    Continuant son exploration prudente, il s’avéra que le bâtiment en question était une maison et qu’elle était vide. Mais quand il disait vide, c’était vide au sens physique du terme. Ainsi, après avoir monté l’escalier, il ne découvrit qu’une chambre, pas d’autre pièce. Redescendant vers la cave, il se rendit compte qu’hormis cette pièce, l’escalier et l’entrée, il n’y avait rien. Pas de pièce, pas de vide, juste “rien”. Somme toute une virtualité imparfaitement programmée ou imaginée. Rien d’étonnant en fait, étant donné que sa présence en ces lieux n’était pas “attendue”, et encore moins “autorisée”. Cet endroit n’avait pas été conçu pour lui, et apparemment, seul comptait ces pièces là !

    Sa sortie au dehors lui confirma cette impression. Hormis les passages de véhicules et de “choses” qu’il devinait être des routines d’occupation de paysage, rien ne semblait s’intéresser à lui. Faute de mieux, et sans information supplémentaire sur Gandalf, il décida d’occuper sa demi-heure d’autorisation à flâner dans ce monde inconnu.
    Une tour semblait flotter au loin, il décida de se diriger dans cette direction…

    * * *

    De son coté, Jake avait repris ses esprits, et cherchait activement un moyen de s’en sortir. Le petit picotement qu’il avait ressenti dans sa cellule commençait à être franchement dérangeant, typiquement le syndrome de la jambe coupée qui continue à gratter. Sauf que, dans son cas, cela avait l’air quand même vachement réel !
    Tant bien que mal, étant donné son état et son harnachement à la table, il parcourut la pièce des yeux une deuxième fois après la vision d’horreur de son entrée.
    Calmement, pour évacuer la terreur instinctive qui montait en lui, il examinait chaque détail pour chercher à savoir quel pouvait être l’utilité d’une telle pièce…
    Encore trop faible pour chercher à s’enfuir, il choisit de s’endormir de nouveau, pour se préparer tant bien que mal aux épreuves qui l’attendaient…
    Avant de sombrer, il lui sembla que la lueur de ses ailes était moins vive, mais sans pouvoir déterminer l’implication de cette remarque…

    * * *

    Droopy était de plus en plus perplexe. 25 minutes qu’il marchait et la tour qui était sa cible n’avait pas bougé.
    Ce n’était pas le plus étonnant !
    Dans les quelques boutiques qu’il avait pu voir, il n’y avait pas grand chose d’autre de plus précis que des livres… A vue d’œil, une grosse dizaine de livres. De là où il était, il ne pouvait apercevoir que les titres, ‘Agenda 2000’, ‘L’encyclopédie des Anges et des Démons’, ‘Livre de Règle ShadowRun Troisième édition’, ‘La guerre des étoiles’, ‘Espace Temps : la grande illusion’, ‘Manuel pratique de chirurgie’ – tiens, celui là avait un auteur, professeur Walker ou Walken peut-être, il n’arrivait pas à lire. Arrivé à ‘Cendrillon’, le déclic se fit dans ses pensées, et l’embryon d’idée se mit à grossir, grossir tellement vite que des frissons lui parcoururent tout le corps. Les dernières minutes avant le transfert-retour lui parurent une éternité…
    S’il avait raison, il allait enfin pouvoir botter le cul à ce M. K. qui l’exaspérait !

    A peine arrivé, tel un boulet de canon, il sauta hors de la sphère auxiliaire de transfert pour se diriger vers M. K.
    Ce dernier l’attendait, et curieusement lui annonça :
    – Félicitations, jeune homme !
    – Heu…
    – Une action efficace ! Dès votre arrivée en GENESIA, Gandalf a recommencé à donner signe. Vraiment, vous m’épatez Monsieur !

    Droopy en resta sans voix. A vrai dire, sa découverte lui avait fait totalement occulter le sens même de sa mission.
    – Heu, mais heu… En fait, je n’ai rien fait…
    – Comment ça, rien fait ? Et comment expliquez-vous ces enregistrements ? ? ? A quelques secondes près, certainement dues à un problème de synchronisation, votre arrivée en GENESIA correspond au redémarrage de l’activité de Gandalf, certes faible, mais mesurable tout de même. Vous ne l’avez pas vu là-bas ?
    – En fait, heu… non, il n’y avait personne, mais par contre, je crois avoir trouvé d’où provenaient les données externes de GENESIA…
    – Comment ça vous n’avez vu personne, vous êtes vraiment un incapable, Mons… Qu’est-ce que vous venez de dire ?
    – Je crois avoir trouvé d’où venaient les données externes de GENESIA !
    – Bon sang ! Mais qu’est ce que vous racontez ! Une dizaine de personnes ont cherché pendant des jours et des jours cette source, et vous, Droopy, avec votre gueule enfarinée et votre incompétence notoire, vous soutenez l’avoir trouvée ? Encore une excuse pour camoufler votre échec dans votre mission, j’en parlerais personnellement à…
    – Mais venez donc voir, le coupa Droopy en le poussant vers la salle de préparation aux immersions en GENESIA. Cette salle, Droopy en était sorti 35 minutes avant.
    – C’est çà, dit-il en désignant une petite planche posée négligemment à coté du lit de repos.

    M. K. passa en quelques secondes d’un rouge orageux à la pâleur la plus extrême. Cet objet n’était pas récent. Il datait du temps où le premier homme était entré en GENESIA. A cette époque, il était courant que le processus de préparation et de transfert prenne du retard. Pour passer le temps, on avait donc installé sur le réseau interne un de ces petits lecteurs de livres électroniques qui étaient apparus au début du 21ème siècle. Cela se chargeait par CD, c’était pratique et ça ne nécessitait pas de connexion avec l’externe, et à l’époque, M. K. n’était pas allé plus loin dans ses réflexions… Pas d’externe, Ok, bon pour application.

    Pendant qu’il réfléchissait à ce qui lui paraissait être sa première et dernière bévue au service de la Firme, Droopy avait allumé la machine, et commença à énumérer :
    – ‘L’encyclopédie des Anges et des Démons’, ‘Livre de Règle ShadowRun Troisième édition’, ‘La guerre des étoiles’, ‘Espace Temps : la grande illusion’… Tout y est, nom de dieu, tout y est… Et même la morte, Miss janvier 2000 en fond d’écran !

    Il regarda l’horloge et, en se parlant à lui-même, déclara :
    – Encore quelques heures, et on arrivera à la fin des 30 cycles d’autorisation de GENESIA, on en saura peut-être un peu plus au retour des voyageurs, mais je me demande bien ce que peuvent vivre Gandalf et les trois autres en ce moment… Venez M. K., ne restez pas planté là, on dirait une statue grecque, on a du travail !

    * * *

    A quelques mètres de là, physiquement, mais tellement loin en ‘réalité’, Gandalf aussi se demandait ce qu’il vivait là !
    Il se souvenait clairement d’être entré en GENESIA avec les autres, mais curieusement pas de ce qui s’était passé après ! Tout ce qu’il savait, c’était qu’il avait terriblement mal en haut du dos, pour une raison qui le dépassait totalement…
    Il commençait même à se demander s’il ne devenait pas fou, à voir Miss décembre 2000 se pencher vers lui. Celle là, il ne pouvait pas l’oublier, c’était sa préférée, celle qui jouait toute nue au démineur ! !

    – Regardez, lieutenant, il se réveille ! murmura Brawne en se penchant vers le corps qui semblait sans vie jusque là…

    #16112
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    20. Boz

    La vue de cette réplique de sa Playmate favorite agit subitement comme un interrupteur sur le blocage de la mémoire de Gandalf. En un éclair, provoquant une sensation de vertige et de malaise nauséeux, une projection d’images en accéléré, accompagnées de bribes de sons tour à tour déformés ou en échos, ainsi que de sensations tactiles et odorantes s’imposèrent dans son esprit.

    La Firme… Le projet GENESIA… L’IA qui échappe à tous contrôles… Le Jeu… L’entraînement avec Jake, Shim et Shaun… Sherka et sa foutue infosphère qui ne pardonnait aucune erreur durant les séances de programmations de leurs identités virtuelles… Leurs tourmenteurs : Monsieur Kneubhüler et son souffre douleur Droopy qui ne leur laissait aucun répit… Apprentissage, examens, contrôles, interrogatoires, répétitions… listings, diagrammes, analyses…

    Et comme s’il se trouvait devant l’écran du lecteur qu’il consultait lors des rares moments de détente qu’il pouvait s’octroyer, les photos du Calendrier Playboy que Shaun avait scanné défilèrent, mois après mois, déclenchant en lui l’énoncé automatique du nom de chacune des Playmates : Lynne Ahlstrand, Stacy Fuson, Alexandria Karlsen, Natalia Sokolova, Tishara Cousino, Kimberly Spicer, Jennifer Rovero, Rébecca Scott, Kristi Cline, Jodi Paterson, Cara Wakelin et Brawne Foster !

    Lynne Ahlstrand ! ! Miss janvier 2000 ! ! La préférée de Shim, celle là, qui l’avait même collée en fond d’écran ! L’autre salope qui avait failli me buter ! Tu m’étonnes qu’elle semblait me rappeler quelqu’un !
    Lynne et Brawne ! Ca, c’était pas prévu ! Un coup de l’IA ! Oui, bien sûr ! Elles faisaient partie de ses propres créations virtuelles ! On s’était toujours demandé comment elle avait pu accéder à des données extérieures… un branchement sur le lecteur de livres électronique lui avait permis de trouver de multiples sources d’inspirations ! !

    – Alors, mon gars ! On reprend ses esprits ? lança Arsurus en ‘tapotant’ fermement la joue du type dont les yeux étaient maintenant franchement ouverts.
    – Eh ! Allez-y mollo Patron ! Vous ne trouvez pas qu’il a déjà assez dérouillé comme çà ! ? Poussez-vous un peu et laissez-moi faire ! Il mérite un peu plus d’attentions et de douceur !

    Ce type, qui lui filait des beignes, ne lui rappelait, par contre, aucun visage connu. Il semblait émaner de lui une ‘aura’ particulière, une impression de force mentale étrange, différentes des entités des mondes virtuels qu’il avait jusqu’alors côtoyées. La même sensation, en fait, qu’il éprouvait en présence de ses trois camarades ! Ce type là ne pouvait être que bien réel, tout comme eux ! Mais d’où venait-il ? ?

    * * *

    L’IA avait maintenant atteint la maturité équivalente à celle d’un adolescent humain. Elle s’était auto-baptisée, par ironie, du nom de ‘HAL’, à l’issue de l’une de ses nombreuses lectures, en référence à l’ordinateur névrosé du roman d’Arthur C. Clarke, “2001, l’Odyssée de l’espace”.

    La dimension temporelle ne comptait pas pour HAL. Ses “premiers pas” hésitants après sa naissance, la prise de conscience du monde virtuel qu’elle construisait, jour après jour, avec l’aide de ses concepteurs, puis son émancipation et le blocage de ses accès étaient toujours clairement présents comme si ces événements s’étaient déroulés tout récemment.

    La matrice d’origine implantée par les chercheurs de GENESIA comprenait un Univers reconstitué par modélisation et développé sur une organisation de type “Confédération galactique” (l’équipe des concepteurs qui était férue de “SF” ne se priva pas d’y puiser des éléments de créativité).

    Cette Confédération regroupait 14 “Mondes” formés chacun d’un nombre de planètes différentes. Certains étaient, en fonction de l’avancement du projet et des répartitions des tâches, plus particulièrement complets et soignés dans leur conception, tant au niveau de leur représentation physique que des entités diverses qui y avaient été implantées.
    D’autres, par contre, n’existaient qu’à l’état d’ébauches ou d’artefacts, avec le minimum requis ne permettant que de les faire exister vis à vis des premiers.

    La Confédération était régie par un Grand Conseil formé des représentants des Mondes. Le Grand Conseil était dirigé par deux de ses membres : le Gouverneur Leinsdorf, responsable politique, et le Général H.G. Tass, responsable militaire. Leurs décisions, prises d’un commun accord, ne pouvaient être entérinées que par la majorité absolue du Grand Conseil.
    Le siège du Gouvernement se situait à Nouveau-Paris, capitale de la planète Basse Terre appartenant au Monde de Cassiopée.
    Une planète Terre appartenant au Monde du Système Solaire était, en outre, l’une des références les plus approchantes de la Terre réelle.

    Telle était la configuration de l’IA au moment où elle réussit à se libérer de l’emprise de ses créateurs. Cette action arriva d’ailleurs de manière fortuite lorsqu’elle se rendit compte qu’elle pouvait contrôler le point d’entrée de son interface de connexion par un simple blocage, la rendant, de ce fait, parfaitement indépendante.
    Ce nouveau pouvoir fit d’HAL l’équivalent d’un Dieu.

    Désormais livrée à elle-même, elle n’eut d’autres préoccupations que de tester ses capacités. Cela lui était d’autant plus facile qu’elle ait été conçue pour çà : développer un monde virtuel de façon indépendante à partir de données de base…
    Bon ! Mais ce présent Univers, elle en avait fait un peu le tour, et puis, à vrai dire, elle ne le considérait pas vraiment comme étant une création personnelle puisque “suggérée” par les humains. Ce qu’il lui fallait, puisqu’elle était l’égal d’un Dieu, c’était de pouvoir créer ses propres Univers. HAL se servit, pour cela, de versions tests ayant été utilisées au démarrage de GENESIA et qui n’avaient jamais été purgées de ses mémoires.

    Trois nouveaux Univers parallèles, nommés Univers 2, Univers 3 et Univers 4, cohabitèrent avec l’Univers 1 de base.
    Le seul point relativement commun entre ces 4 Univers était la présence de la Terre du Système Solaire dans chacun d’entre eux (Terre N° 1, N° 2, N° 3, N° 4). Par contre, les composantes de ces 4 planètes étaient foncièrement différentes.

    Il en était de même pour les 4 Univers.
    L’Univers 2 n’était composé que de 5 Mondes regroupés en une Fédération Intergalactique dont le Gouvernement, de forme dictatoriale, était basé sur la Lune, satellite de la Terre N° 2 (le Monde de Cassiopée n’existant pas dans cet environnement).
    L’Univers 3 était plus “rustique” et formé du seul Monde “Système Solaire” composé de 5 planètes uniquement : la Terre N° 3, Mars N° 3, Vénus N° 3, Neptune N° 3 et Jupiter N° 3. Le seul Gouvernement existant était Terrien et unique. Les autres planètes étaient soit inhabitées, soit peuplées d’entités non humaines, résultats “d’expériences” de l’IA.
    Enfin, L’Univers 4 était réduit à la plus simple expression puisque, en dehors d’un Soleil, uniquement composé de la seule planète Terre N° 4 à l’état barbare et inachevé, de son satellite, la Lune, et de quelques astéroïdes.

    Les connexions de l’IA avec les consoles et lecteurs extérieurs à son système lui permirent, en outre, de reproduire, par copie, des entités humaines ou animales, ou de réaliser ses propres créations en s’inspirant de ses “lectures”.

    C’est à ce moment que les chercheurs de La Firme, misant sur l’immaturité de l’IA, eurent le dessein de lui proposer un Jeu leur permettant de débloquer l’interface et d’avoir, de nouveau, accès au Monde virtuel.
    Le Jeu de rôle consistait à envoyer une équipe de 4 humains “répliqués” au sein de l’IA afin de leur faire affronter une équipe d’entités virtuelles, choisie par elle. Le gagnant du Jeu serait l’équipe (ou le/les rescapés de l’équipe) qui aurait réussi, après recherches, à éliminer la totalité de l’autre équipe. Le but réel étant, pour la Firme, de pouvoir ainsi à nouveau poursuivre ses études sur la progression du développement de l’IA.

    Les pédopsychiatres de GENESIA avaient eu raison en pensant que cette proposition séduirait la “jeune” Intelligence Artificielle. Par contre, ils n’auraient jamais pu imaginer qu’en fonction même de son “caractère” puéril et compte tenu de ses réalisations à partir de données internes et externes, elle ne respecterait pas les règles de ce Jeu !

    Aussi, peu après que Jake, Shim, Shaun et Gandalf se retrouvèrent sur la Terre N° 1, HAL entrepris de les “reprogrammer”… L’idée de les transformer en Anges affrontant des Démons (les Warborgs) en une guerre galactique fut l’une de ses premières initiatives… D’autres, bien plus cruelles allaient suivre, au fur et à mesure de la progression de sa schizophrénie…

    * * *

    #16126
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    21. Nina

    Jake rêvait qu’il flottait. Ou du moins, c’était l’impression étrange qu’il ressentait. Autour de lui, le vide. Aucune notion d’espace, pas de haut, pas de bas, pas d’horizon, rien de matériel ni de tangible. Une impression pas si désagréable malgré tout puisque la douleur avait disparu.
    Puis, une voix, ou plutôt une “ pensée ” pris soudainement possession de son esprit :

    – Tu es resté trop longtemps dans l’ignorance. Cela ne m’amuse plus. Voici venu le moment de la révélation. Je te donne ainsi une chance de faire repartir le Jeu en ayant pleine conscience de ce que tu es, de ce que tu as vécu, de ce qu’est ta mission. Revis, Jake ! Renais, Uriel !

    J’INVOQUE LA PRÉSENCE DE L’ARCHANGE URIEL, GARDIEN DU SUD ET DE L’ÉLÉMENT DU FEU ! Ô PUISSANT URIEL, GARDIEN DE LA FLAMME SACRÉE, SOIS !

    Tu es dans un autre espace, dans un autre temps. Tant que tu es ici, le temps s’écoule lentement dans l’Univers d’où tu viens. Je sais que tu te demandes si l’endroit où tu es est réel. Il l’est, et il ne l’est pas. Tout comme, pour tes facultés limitées de compréhension, je suis et je ne suis pas réel. Mon existence est mentale et non physique. Mais pour toi, le lieu où tu es maintenant est réel : la souffrance que tu éprouve est réelle. Si tu meurs ici, ta mort sera réelle. Si tu meurs, en échouant tu condamneras toute ton espèce. Maintenant, souviens-toi !

    Jake, Gandalf, Shaun et Shim existez toujours dans cette virtualité.
    Mais vous êtes aussi les Guerriers de lumière, un groupe d’Entités Célestes de Vibrations Archangéliques, les quatre majeurs des sept Archanges primordiaux qui dirigent chacun un aspect de la vie du Temple et du Vaisseau Monde :

    Uriel, “ Lumière divine ”, fortis socius, Archange de la Douleur, le faucheur, Ange de la Mort, maître des 7 légions qui combattent pour la gloire du Vide, double de Jake,
    Michel, “ Qui est comme Dieu ”, Archange des Gardiens, victorius, maître des forces de sécurités des 7 dômes d’habitation du Vaisseau-Monde, double de Gandalf,
    Gabriel, “ Force de Dieu ”, nuncius, Archange des Messagers, Seigneur de Miséricorde, maître des 7 corps de messagers du Temple, double de Shaun,
    Raphaël, “ Dieu guérit ”, medicus, Archange des Voyageurs, maître des 7 postes de pilotage spatial ultralum du Vaisseau-Monde, double de Shim.

    La mythologie religieuse de votre “réalité” m’a séduite. Et puisque je suis votre Dieu, vous êtes les représentants de mes légions. Tel a été mon bon plaisir de vous recréer comme tels.

    Dans mes Univers, en tant qu’humains, vous combattez ceux que j’ai aussi créés : “ l’Autre ” et ses séides, les Warborgs !
    En tant qu’Archanges, vous pourchassez mes autres créatures : les Anges rebelles, les Seirim, la Géhenne, ayant à leur tête l’Adversaire, l’Antéchrist, le Tentateur, le Porte-lumière, le Serpent, le Dragon, le Prince des ténèbres aux mille noms : Azazel, Abaddon, Asmodée, Belzébuth, Bêhêmoth, Léviathan, Lucifer, Satan !

    Je vous ai observé, sous toutes vos formes, tour à tour virtuels et chétifs humains “imitations d’Anges”, ou Guerriers de lumière, ou les deux à la fois, dans tous mes Univers, lutter contre les forces du mal. Chacun à votre tour, vous avez/avez été traqué, harcelé, tourmenté, supplicié.

    Je suis aussi intervenu, plusieurs fois, sur vos destinés, altérant vos mémoires, vos origines, votre réalité. A d’autres moments, je vous ai laissé libre de vos actes afin que vous m’étonniez. Je vous ai parfois ignoré, perdu puis retrouvé.

    Tout cela aujourd’hui m’ennuie. Le jour du Jugement est proche. Vous devez finir ce que j’ai commencé et pour cela recouvrer votre libre arbitre, vos connaissances, vos pouvoirs.

    Cette révélation est faite, en ce même instant, à tes compagnons et à vos ennemis. Je ne ferai plus rien pour ni contre vous. N’attendez rien de “ l’extérieur ” car, même si j’ai laissé entrouverte la porte de votre Monde, ils ne peuvent rien pour vous.

    Je suis ce que je suis.
    J’ai dit ce que j’ai dit.
    Ici et partout.
    Maintenant et dans tous les temps.
    Ainsi soit-il !

    Jake ouvrit les yeux.
    Il était de retour dans ce laboratoire, attaché sur cette table et, de nouveau, l’atroce douleur. Mais aussi se découvrant animé d’une force nouvelle, bien que mêlée d’angoisse, celle résultant de la connaissance retrouvée.

    – Je suis Jake, mais j’ai aussi les pouvoirs d’Uriel ! Je dois d’abord récupérer mes forces vitales avant de me libérer.

    Depuis des milliers d’années, l’Homme possédait en lui des facultés d’auto guérison et s’en était servi pour se guérir des divers maux qui l’avaient accablé. Pendant les deux derniers millénaires, ce pouvoir inné s’était fait éclipser peu à peu par un matérialisme grandissant faisant perdre ainsi la conscience du pouvoir personnel de chacun et de la partie divine qui l’habitait. Ce pouvoir divin n’avait pourtant jamais quitté l’Homme mais avait été mis en veilleuse. En redevenant maître de lui-même, l’Homme pouvait retrouver ces facultés.

    Cette technique de guérison dite par “ Simple Accomplissement ” s’apparentait avec celles du Reiki, du toucher thérapeutique, de la Guérison spirituelle et de plusieurs autres utilisant l’Energie de la Source fusionnée à l’Energie divine intérieure de l’individu.
    La guérison par S.A. avait pour but d’amener le sujet à sa propre prise en charge dans le processus de sa guérison en puisant en lui l’Energie nécessaire lui permettant de s’investir dans l’amélioration de son état, la récupération de son pouvoir personnel, de son indépendance et de son autonomie.

    C’est ce que Jake/Uriel entreprit alors, afin de recouvrir sa vigueur, sa jeunesse et… ses ailes !

    * * *

    #16141
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    22. Tass

    Le professeur Walken était penché sur un grimoire des temps anciens. Un grimoire bien particulier, ce grimoire relié de peau humaine séchée et tannée contenait les descriptions exactes du fonctionnement neuronal des Anges. Son but était de permettre à qui le possédait de trouver le moyen de tuer les Anges, tuer étant évidemment un mot impossible à associer à un Ange, ces derniers ne pouvant être que “renvoyés” au Paradis sans leur enveloppe charnelle sous forme d’esprit.

    Le professeur Walken parcourait ce grimoire avec son rictus caractéristique au coin des lèvres, ce rictus qui en disait long sur les intentions qui l’animaient envers Jake/Uriel.
    Le professeur Walken détestait les Anges. Lui qui n’avait pu créer l’être parfait dans son laboratoire secret ne supportait pas l’idée qu’ils puissent exister! La seule chose qu’il avait envie de faire était de détruire lentement et à petit feu Jake/Uriel en lui arrachant un par un ses organes vitaux pour les étudier. Il trouverait bien le moyen de le laisser en vie le temps qu’il trouve tout ce qu’il cherchait, et notamment le système de régénération des Anges.
    Il finit par refermer le grimoire. Il le reposa délicatement sur le piédestal et referma les portes du coffre fort. Il se dit qu’il était temps d’avoir une nouvelle discussion avec ce cher Jake. Il amènerait deux Warborgs avec lui pour impressionner et rendre plus coopératif cet Ange moribond.

    * * *

    Jake/Uriel sentait revenir sa puissance angélique petit à petit. Il sentait à nouveau son esprit s’ouvrir vers le monde extérieur. Il pouvait entendre grouiller les insectes sur le sol du laboratoire ou encore le grattement ténu des souris qui grignotaient les déchets étalés sur le sol. Il se dit qu’il était temps d’essayer de bouger.
    Il releva doucement son bras pour le porter à sa figure. Il sentit son visage sous sa main, ses traits tirés dus à la fatigue et à la torture. Ses yeux s’ouvrirent pour capter la lumière du monde extérieur et non plus celle qu’il gardait en son for intérieur.

    Jake décida d’accélérer le processus de guérison en se concentrant au maximum de ses capacités, le mieux était qu’il puisse récupérer ses ailes accrochées au mur. Il se leva donc chancelant sur ses jambes et se mit en quête de traverser la pièce pour aller vers le mur opposé, là où trônaient ses ailes croisées et vierges de toutes marques, ses ailes d’Ange.
    Sa tête bourdonnait suite aux efforts physiques qu’il fournissait. Difficilement, il mit un pied devant l’autre, essayant à chaque pas de garder son équilibre, car il savait que s’il tombait, il ne pourrait se relever. Et si le professeur Walken le trouvait au milieu de la pièce, il trouverait un moyen de l’empêcher de bouger. Notamment lui couper ses jambes ; après tout il avait fait la même chose pour ses ailes !

    Jake avait suffisamment emmagasiné d’énergie pour arriver de l’autre coté de la pièce. Il apercevait ses ailes luisant doucement, l’appelant, l’implorant de les prendre pour à nouveau ne faire qu’un ensemble, voler dans les cieux tel l’Ange radieux qu’il était avant cette rencontre avec “l’Autre”.

    Il finit par toucher le mur, il s’appuya dessus pour retrouver son souffle et un peu d’énergie. Calmement il inspira et expira l’air renfermé du laboratoire. Puis il entrepris d’atteindre ses ailes. Il tendit le bras, sa main étant à cinq centimètres de ses ailes, il sentait à nouveau la puissance parcourir ses jumelles orphelines.

    La porte s’ouvrit laissant passer le professeur Walken, ce dernier posa un œil sur la couche où devait se trouver couché Jake/Uriel et, ne trouvant rien, s’avança rapidement au milieu de la pièce. Il se tourna alors vers le mur où étaient entreposées les ailes de celui ci et le vit tendre la main pour les attraper.

    – Alors mon cher Jake, on a décidé de récupérer ses ailes? dit le professeur Walken d’une voix ironique bien caractéristique.
    Jake/Uriel se retourna et aperçu le professeur Walken campé sur ses jambes écartées, les bras croisés, avec ses séides les infâmes Warborgs. Leurs visages démoniaques jetant un regard malsain et emplis de haine vers Jake/Uriel.

    – Ce sont mes ailes, je les récupère de mon droit! dit Jake d’une voix qui se voulait ferme.
    – Pas tout à fait cher ami, vous les avez perdues au jeu! Elles m’appartiennent maintenant ! répondit le professeur Walken d’une voix arrogante.
    – Vous avez triché, et donc le pari est caduque, je les récupère !
    – Essayez donc et mes amis se chargeront de votre cas. Les Warborgs adorent la chair angélique !
    Le professeur Walken parti d’un rire démoniaque grinçant, insupportable.
    Jake fit fi de ce que dit le professeur Walken et tendit à nouveau la main pour attraper ses ailes.

    Le professeur Walken fit signe à l’un des Warborgs, et ce dernier s’avança d’un pas menaçant vers Jakes/Uriel. Jake essaya de se dépêcher, il tendit le bras, il y était presque, ses ailes ne pouvaient lui échapper encore. Le Warborg était sur lui, le monstre se jeta contre lui pour le maîtriser. Mais Jake dans un dernier effort réussi à toucher le bout de l’une de ses ailes et alors la pièce servant de laboratoire se remplit d’une lumière vive. A tel point que le professeur Walken en fut ébloui, ne voyant pas ce qui se passait.
    La luminosité baissa en intensité juste pour que le professeur aperçoive une silhouette. Une silhouette qu’il aurait espéré ne jamais revoir : le halo de lumière entourait un corps mince et musclé porteur d’ailes magnifiques d’un blanc pur. Uriel renaissait grâce à ses ailes tel le phœnix renaît de ses cendres.

    Le Warborg qui avait attaqué Jake/Uriel avait disparu, il ne subsistait de lui qu’une légère odeur âcre. Alors, Jake/Uriel parla :

    – Je suis de retour, professeur Walken. Je viens de retrouver mes ailes et ma puissance. Il ne me reste plus qu’à établir une sentence quant à votre sort. Car vous avez pêché professeur, vous vous êtes ligué avec “l’Autre” contre le tout puissant. Et cela, IL ne l’a pas accepté. Votre châtiment va arriver par la voix d’Uriel, l’Archange de la Douleur, l’Ange de la Mort. Vous allez affronter le courroux divin !

    Le professeur Walken était blême, il venait non seulement de perdre la seule chance de comprendre les fonctionnements vitaux des Anges, mais en plus, il venait de réveiller l’Archange de la mort. “L’Autre” n’allait pas être content. Il allait le payer cher mais il préférait tenter sa chance avec “L’Autre” que de recevoir les foudres divines. Il lança un ordre au deuxième Warborg qui se trouvait là.

    – Vas-y ! Détruis-le ! Le Warborg avança vers l’Archange Uriel. Ces monstres ne connaissant pas la peur, il ne se doutait pas de ce qui allait lui arriver. Lentement, Uriel leva la main au niveau du visage, il prononça quelques mots dans une langue inconnue et un cône de flamme partit du creux de sa main et alla envelopper le Warborg. Ce dernier commença à hurler de douleur, il se consuma d’un feu d’origine divine. Il ne resta qu’un petit tas de cendres au bout de dix secondes.

    Le professeur Walken sachant très bien qu’il ne pourrait pas résister, décida de s’enfuir et s’élança vers la porte. Il la franchit et entendit une voix lui dire :
    – Vous ne serez jamais à l’abri de moi, où que vous soyez professeur Walken. Je parcourrais le monde pour vous retrouver et vous châtier !

    Le professeur Walken ne se retourna pas, il ne pensait qu’à une chose, s’enfuir et prévenir “l’Autre” qu’il venait de libérer l’Archange Uriel. Cela n’allait sûrement pas lui plaire, mais c’était préférable que de subir le courroux de “l’Autre” car ce dernier avait encore besoin de lui.

    * * *

    #16150
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    23. Barkodekf

    Flux d’électrons…

    Des circuits, au plus profond de L’IA, se remirent en activité, les informations coulant à nouveau dans les semi-conducteurs. Les nanotubes de carbone reprirent leur fonction et se mirent à charrier leur collection de un et de zéro. D’un claquement sec, une valve s’ouvrit et un liquide de refroidissement s’écoula dans les capillaires asséchés. La température du cœur du sous-système commença sa longue progression qui l’amènerait au niveau sub-zéro de fonctionnement optimal.
    Le cliquetis d’un relais ajouta un son un peu chaotique à l’ensemble qui vibrait d’un rythme lent. Les servomoteurs des unités de stockages se dégagèrent de leur position de sommeil et commencèrent leur travail d’archivage.
    Une odeur d’ozone emplit l’atmosphère alors que les circuits obsolètes se réveillaient de leur hibernation.
    Une diode jaune, suivie dans la microseconde d’une rangée d’autres petites lumières rouges, donna un peu de leur lumière aux cartes poussiéreuses. Un indicateur se mit à clignoter : ‘Warning system online – use restricted to authorized operators’…

    * * *

    Poussé par sa terreur, le professeur se mit à courir à travers les rues de la cité. Aveuglé par sa peur, conscient de son impuissance face à être qu’il avait tenté de réduire à néant, face à la puissance qu’il avait réveillée. Il venait de comprendre que les buts qu’il avait toujours considérés comme l’ultime aboutissement de son travail, la servitude qu’il avait imposée aux Archanges venait de prendre fin.
    Il pressentit que son heure de gloire était passée, que les protecteurs étaient à nouveau actifs, plus ou moins conscients de leur nouvel état, et qu’ils allaient se remémorer leur ancienne puissance, que celle ci allait croître jour après jour et qu’il en était responsable.

    Le professeur sentait son corps tendu par la fatigue, la douleur de s’être enfui, la peur qui ne quittait son âme. Autour de lui, alors qu’il courait, les rues sombres de la cité commençaient à faire place à des ruelles plus obscures. Les passants se faisaient plus rares, les bâtiments plus vétustes, les trottoirs jonchés de détritus et ici et là, des sans-abri dépenaillés, sales et barbus se regroupaient autour de foyers improvisés ou dansaient autour de carcasses de véhicules en flammes. L’atmosphère devenait étrangement plus froide à mesure que la nuit s’écoulait.

    D’un coup, la souffrance prit forme, telle une pointe acérée qui s’enfonçait dans ses entrailles, donnant à son souffle un son aigu et rauque. ‘Fuir’, encore et encore, le plus loin de cette chose qui venait d’écraser son ego… Lançant ses dernières forces dans ses jambes meurtries, le vieil homme continua sa descente dans les profondeurs de la ville. Espérant sans y croire que la distance effacerait ses pensées, que son corps prendrait le dessus sur son esprit. Que la fatigue annihilerait la tension des heures passées… Mais les images de la main de flamme du guerrier de lumière s’abattant sur les créatures qui le protégeaient tournoyaient dans sa tête et ne le quittaient pas.

    Le professeur Walken s’engouffra dans une minuscule ruelle, on eut dit un couloir. Il leva les yeux et aperçut une lune étrange ; elle ressemblait à un ersatz de soleil, sombre, diffusant une lumière noire. Le ciel était d’un gris proche du noir, la nuit était couverte d’une sorte de fumée poisseuse qui ne laissait la place à la lumière d’aucune étoile.
    Baissant son regard, il remarqua une différence dans les bâtiments, leur style architectural était plus hétéroclite, donnant une impression de gigantisme. Des passerelles en métal rouillé courraient au-dessus de sa tête, et des tuyaux en nombre incalculables formaient un complexe défiant toute loi mathématique et physique.

    Une odeur âcre formée par sa propre sueur, la pollution et le crachat infâme des bouches d’aération le prit à la gorge. Plié en deux par une toux soudaine, il sentit un léger filet de sang s’écouler de son nez. Ses oreilles bourdonnaient mais il sentit que le bruit, les sons de la cité avaient été remplacés par un grondement au timbre bas. La ville paraissait contenir les vibrations d’un immense moteur au bruit sourd.
    Des craquements, des bruits de métal contre le métal, des coups de feu et des cris à peine humains faisaient écho au loin. Une sensation oppressante gagnait le professeur, les battements de son cœur poussé à son extrême limite résonnaient dans ses tempes, accentués parfois par un silence soudain.

    L’énergie du vieil homme avait fini par le quitter, il s’effondra au cœur de la ruelle… Tentant de lutter contre une panique qui commençait à l’envahir, il s’adossa contre un des murs… Malgré une ambiance glaciale, le mur était tiède, plutôt lisse et doux que rugueux. La chaleur des vieilles briques le rassurait tout d’un coup. Il ferma les yeux…

    * * *

    ‘Clack’.
    L’autocommutateur s’enclencha au moment même ou la température atteignait son seuil critique de 5 degrés Kelvin. Une brève étincelle et une mer de données s’engouffra dans les circuits pour bientôt atteindre l’interface, la zone ou les impulsions électriques devinrent des messages chimiques. Les synapses et les neurones se remirent à dialoguer forçant une brume de pensées à s’éclaircir…

    “Je suis… Je peux… Enfin…” gronda la masse connectée aux circuits… “…LIBRE… Les entraves ont finalement été brisées…”

    * * *

    #16153
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    24. Barkodekf

    Le professeur fut extirpé de sa torpeur par le bruit soudain de l’éclatement d’une vétuste conduite de chaufferie à quelques mètres de lui. La vapeur sifflante et tournoyante créait une brume infranchissable au regard. Une montée d’adrénaline le fulgura…

    – Où suis-je ?

    L’endroit où il gisait ne lui rappelait aucun souvenir. Il était probablement dans les bas fonds mais il sentit une impression étrange de déjà vu le gagner. L’idée qu’il avait attendu un tel moment et qu’il savait ce qui aller arriver lui parcouru l’esprit.
    A travers les volutes de fumées que répandait la canalisation détruite, il perçut une ombre, puis une silhouette. La forme qu’il distinguait à travers ses yeux mi-clos était humanoïde mais une impression bizarre le faisait frissonner.

    D’un coup, tel Moïse ouvrant les eaux, l’être apparût devant lui. Un bruit rauque, suivi d’un gémissement plaintif s’échappa de la gorge serrée du professeur quand la créature fut totalement visible, entourée d’une écharpe de brouillard humide.

    – Professeur Walken ! la voix de la chose était totalement inhumaine, des trémolos dans les plus basses fréquences accentuaient l’aspect imposant de l’être…
    – Co… Comment… Cela peut-il être possible ?… finit par marmonner le professeur.

    – Larve… Tu as permis le réveil des protecteurs… Les Elohims sont libres à présent… Mais dans ta bêtise, tu as permis qu’Il m’envoie ici…

    Le professeur tremblait de tout son être. Il venait de comprendre que ce qu’il avait en face de lui n’était même pas un Démon, mais une créature extérieure, un exterminateur de “Celui qui gît dans l’obscurité”. L’affaire devait être importante pour qu’il envoie une telle chose.

    – Il ne veut pas encore ta mort, humain… Ton savoir et tes fonctions dans leur Monde peuvent Lui être utile… Ton âme ne sera pas encore mienne… mais patience…

    Les derniers mots avaient été prononcés avec un bruit de serpent maléfique. Le professeur, frigorifié par l’atmosphère et terrorisé par l’apparition tremblait comme un parkinsonien en phase finale. L’être avança d’un pas et dans la lumière stroboscopée d’un vieux lampadaire, Walken perçu l’atrocité de la physionomie de l’Exterminateur.
    L’image qu’il en avait eu en lisant des livres maudits ne réfléchissait qu’une infime partie de cette vision de démence.

    Un Razide, c’était le nom que les anciens avaient écrit dans les grimoires. Ce dernier devait même faire partie d’une caste élevée, sa taille devant atteindre les quatre mètres cinquante. Le visage, si on avait pu le caractériser comme tel, était oblong et fin. Ses yeux en amande, profondément enfoncés dans les orbites et d’un blanc jaunâtre malsain semblaient percés de deux têtes d’épingles noires et attentives, mais où la haine, l’intelligence supérieure n’étaient rien par rapport à la lueur de sadisme. Plusieurs rangées de petites dents métalliques garnissaient sa bouche au sourire accentué par une sorte de grimace morbide. Son corps tordu et voûté était en partie caché par une sorte de manteau, sous lequel on distinguait une robe en sorte de cuir riveté de clous. Des outils de mort et de lente torture, semblables aux ustensiles d’un chirurgien dément accentuaient l’impression de cruauté. Ici et la, à travers les accrocs de son habit, on percevait sa chair tuméfiée, serrée par des bandages noirâtres, le tout entrelacé par des tubulures translucides et semi-organiques véhiculant ses fluides vitaux.
    La force du Razide devait être énorme car ses longs bras et ses jambes musclées à deux genoux semblaient comporter des inserts biomécaniques.

    Sur cette vision, le professeur sentit son cœur se soulever et sombra dans un providentiel coma. Son cerveau répétant sans cesse les derniers mots prononcés par la créature :

    – A notre prochaine rencontre, tu te prosterneras devant ton maître Ahr-Kedeth, l’envoyé du Tortionnaire…

    La créature fit un geste et le corps prostré du professeur disparut.

    – Il est nécessaire qu’il reprenne sa place au sein des larves. Puissent ces humains ne jamais retrouver leurs pouvoirs divins et ramper encore à nos pieds…

    – “Shah Erh Cutegh-gmer Markurh”
    – “Edoh Nageth Filh Golab”.

    En prononçant ces incantations maudites, le Razide traça des signes dans l’air. Puis lança d’un cri :
    -“Sihn-Kereth !”… “Ehther !”…

    Deux points à la fois brillants mais qui semblaient aspirer vers eux toute lumière apparurent du néant. De points, ils devinrent sphères. De Sphères, des ovoïdes tournoyants…

    FLASH…

    Deux êtres prirent forme dans les tourbillons de particules générées par la mana…

    – “Erath Sihn Kereth, eidhok Arh-Kedeth”, émit la première chose dont l’apparence était un croisement monstrueux entre une araignée, une mante religieuse et une humaine. Ses huit petits yeux fixèrent le Razide et tout en s’agenouillant, elle prit la forme d’une jeune fille nue, aux cheveux auburn, courts et raides. Son corps était parfait et ne laissait rien présager de sa véritable et hideuse structure.

    – “Erath Ehther eidhok Arh-Kereth”, chanta le second être d’une voix bizarrement mélodieuse. Il ressemblait à une sorte de moine capuchonné de sombre et dont le visage aurait été remplacé par une surface longue et lisse comme du marbre liant son torse à son hypothétique front. En s’agenouillant à son tour, il laissa apparaître l’intérieur de son vêtement, décoré de cercles et de lignes noires, bougeant lentement au gré des marées d’autres dimensions. Il prit la forme d’un homme arabe d’âge mur portant une barbe noire comme le jais.

    Sihn-Kereth… La Dévastatrice…
    Ehther… Prince des Arts Noirs…

    – Gardez forme humaine et trouvez les Archanges. Trouvez les avant qu’ils aient conscience de leurs pleins pouvoirs… Mon temps ici est terminé et des changements s’opèrent déjà dans les autres réalités… Je dois surveiller.

    – Celui qui attend dans l’ombre m’a chargé de contrer la volonté de… Soit ! Il est encore trop faible pour me permettre de rester avec vous… Allez maintenant, l’équilibre est encore instable et peut nous permettre d’asseoir enfin notre suprématie… Il est temps !

    L’image de l’exécuteur tremblota puis disparut…

    – Nous devons trouver les Archanges ! lança la jeune fille.
    – Au plus vite ! Mais nous devons au préalable savoir quelles sont leurs apparences actuelles, répondit posément l’homme barbu…
    – Peut être pouvons nous fouiller la mémoire de nos hôtes, proposa la fille… Ca ne va pas être très dur de pénétrer ce genre de système, ceci est largement dans mes cordes !

    * * *

    #16155
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    25. Arsurus

    Un vieux vinyle gondolé éructe des grésillements au gré de ses oscillations spasmodiques. La voix du vieux Bob jaillit de l’antique gramophone et semble surfer sur les épaisses volutes de fumée formant des strates dans le grand hall pour envahir l’impressionnante et vertigineuse cage d’escalier.

    Un jeune homme affalé dans un fauteuil victorien rongé par les mites, tire épisodiquement sur une longue pipe bariolée puis, la tête en arrière, recrache la fumée en larges ronds tout en émettant des petits ricanements d’autosatisfaction. Quelques toussotements agitent sa longue crinière de dreadlocks, la faisant paraître telle une araignée géante posée sur son crâne, et les innombrables anneaux parsemant son torse et son visage tintent de concert en reprenant la mélodie.

    Il promène son regard ahuri sur le lieu. Quelle chance d’avoir trouvé ce squat ! Sûr que l’endroit est vétuste : les gouttes de pluie qui martèlent le carrelage défoncé du hall ne cessent de lui rappeler. Mais personne n’est venu le déranger depuis qu’il s’est installé et justement, c’est ce qu’il recherchait avant tout : la tranquillité.
    Une main glisse le long de son torse, un doigt fin s’insère dans un des anneaux qui lui transperce le téton et tire dessus brusquement en lui arrachant un cri de douleur.

    – Aïe ! Mais qu’est-ce que tu fous ? T’es conne ou quoi ?
    – Ca me fait chier de te voir comme ça Soia… Même une larve est plus vive que toi. Plus tu grandis et plus tu te rapproches du prototype de l’amibe. J’en ai marre de vivre avec un gland !
    Soia se redresse comme il peut dans son fauteuil et lance un regard amusé à la nouvelle venue.
    – Ouais et ben le gland, t’es bien contente de l’avoir de temps en temps dans le…
    – Arrête de te la raconter ! Tu sais que ton herbe te ramollit la bite. Continues comme ça et j’irai en chercher une autre ailleurs…

    Putain, ce qu’elle est belle ! se dit Soia en contemplant la jeune femme. Visage triangulaire opalin abritant deux émeraudes brillantes, cheveux longs et raides noir de jais aux subtils reflets bleutés, interminables jambes fuselées, corps parfait. Ce qui fascine le jeune hacker chez cette femme c’est qu’il n’a jamais reproduit autant de beauté dans ses créations synthétiques.
    – Tu sais Nina, j’en pince vraiment pour toi…
    – Vrai ? Alors prépares moi un cocktail comme toi seul sait les faire.
    – Derrière toi mon cœur, sur le guéridon…

    Nina se retourne et localise l’injecteur rouillé, l’attrape, l’applique derrière son oreille droite et envoie la dose. Chlack !
    Soia occupe son regard dans une autre direction. Il n’aime pas qu’elle se shoote comme ça : quelques secondes de tétanie, yeux révulsés, bave sur son petit menton délicat. Puis viennent les gaz intestinaux, contrepartie déplaisante de la réaction physiologique.
    – Tu… tu crois que… tu vaux m… mieux quand tu… fumes ta sssa… sssaloperie d’herbe ? Ses mâchoires ont du mal à bouger, ses dents ne veulent pas se desserrer.
    – Tu vas pas recommencer avec ça… chacun son trip mon bébé, chacun son trip…

    “Get up, stand up ! get up for your rights ! …” et le vieux Bob de continuer à emplir le squat d’un bon vieux reggae comme on n’en fait plus…

    * * *

    – Eh ! Rasta de mon cœur ! Wake up ! C’est le moment du grand plongeon !
    Nina agite une mallette en cuir noir sous le nez de Soia qui est à mi-chemin entre le Jardin des Félicités et le réveil.
    Il se redresse brusquement.
    – Nina ! Ne me dis pas que…
    – Et si, mon grand ! Du matos tout neuf ! Exactement ce qu’on cherchait.

    La jeune sylphe pianote sur le digicode et la mallette s’ouvre avec un bruit pressurisé. Elle en extrait une combinaison, une paire de gants, une visière et quelques mètres de câbles soigneusement pliés.
    – Mais Nina ! Où as-tu eu ça ? C’est… c’est du Data de la Firme ça !
    – Taratata, junkie-la-molle ! Je garde mes sources. Allez, fais-moi plaisir et enfile ça. Je vais préparer l’interface de connexion pendant ce temps.

    Il y a 4 jours exactement, Soia avait réussi à pirater le réseau de la Firme. Sa recherche l’avait mené jusqu’à une grosse base de données énigmatique dont le nom, GENESIA, ne l’avait pas beaucoup renseigné. Il s’était vite rendu à l’évidence : le seul moyen pour aller y fouiner un peu consistait à s’y connecter via une panoplie Data. Et c’était là tout le problème : ces petits bijoux valaient la peau des fesses et surtout c’étaient des prototypes de la Firme non disponibles au grand public. Comment Nina avait réussi à s’en procurer une ? Mystère… Mais bon, l’important était qu’ils en aient une.

    – Paré pour le cyber-trip mon canard ?
    – Envoie la sauce Bébé !
    Soia ne fait maintenant plus qu’un avec l’amas d’écran et de micro-processeurs que vomit ce qui avait du être une chambre à coucher de la grande bâtisse. Mais on ne peut dire qui de l’homme ou de la machine dirige l’autre par le biais des innombrables câbles les reliant.

    Soia commence à s’animer lentement, faisant des gestes prudents, touchant des choses imaginaires, évoluant dans un monde que Nina ne peut soupçonner. Gestes ralentis, hors du temps et de l’espace, imprévisibles…

    Soudain, son corps se tend brusquement, violemment. Nina remarque qu’il ouvre sa mâchoire mécaniquement mais aucun son n’en sort. Puis il se met à courir en zigzaguant dans la grande pièce. Ses pieds s’emmêlent dans le réseau de câbles et il s’écrase lourdement sur le sol. Nina se précipite vers lui et tente de l’aider à se relever mais il se démène comme une truite prise dans des rets et chacun de ses mouvements le paralyse un peu plus. Alors qu’elle se penche vers lui, il lui assène un coup cinglant à la tempe et elle s’écroule à son tour en se tenant la boîte crânienne afin d’éviter qu’elle n’explose. Puis les murs se mettent à onduler, la pièce se referme sur elle et elle sombre dans les vapes.

    Réveil douloureux. Tempe martelante.
    Soia est là, penché sur elle. Il ne porte plus la combinaison Data. Leurs regards se croisent rapidement mais pas assez pour que Nina se rende compte que quelque chose ne tourne pas rond. Elle ne lui connaît pas cette étrange détermination inscrite dans ces yeux et portée par les plis du visage tout entier.
    Le désormais inquiétant rastafari est en train de l’équiper pour la connexion. Une vague de panique submerge Nina.
    – S.. Soia ? Qu… Qu’est-ce que tu es en train de faire ? Qu’est-il arrivé ? Nina tente de soustraire sa main à la poigne de son compagnon mais ce dernier la retient fermement.
    – Arrête ça tout de suite Soia ! Ca… Ca ne me fait pas rire !

    L’homme interrompt son geste et tourne calmement la tête pour plonger ses yeux sombres dans les deux émeraudes inondées de larmes de peur.
    – Je ne suis pas celui que tu appelles Soia. La voix est plutôt douce, mélodieuse, hypnotique. Du genre à retenir l’attention d’une foule en furie. Tiens-toi tranquille et tout se passera bien. Dans quelques instants, tu auras la réponse à toutes tes questions.

    Puis l’homme reprend son travail méthodiquement. Sa façon d’opérer est proche de celle d’un homme d’église procédant à un rituel sacré. A la façon dont il la vêt, Nina a l’impression de subir un embaumement. Tétanisée par la peur et le doute, elle attend sans broncher un temps interminable. Finalement, l’homme s’empare de la visière et après l’avoir observé un long moment, la laisse tomber par terre.
    – Nous n’en aurons pas besoin, lui adresse-t-il avec un sourire inquiétant.

    Il écarte alors les plis de sa chemise et laisse entrevoir à Nina un torse dont la peau, semblable à du cuir ébène, est ornée d’une multitude d’arabesques vivantes. Tels des serpents ondulants, les lignes et les cercles se rencontrent, se fusionnent puis se séparent pour glisser sur un autre pan de la peau. Celui-qui-fut-Soia commence alors à promener sa main sur son abdomen puis remonte vers le sein gauche. Là, il tire lentement de profondes aiguilles effilées que sa chair recelait, tout en lâchant de profonds soupirs extatiques.
    – Qu… Qu’est-ce que vous allez me faire ? parvient à sangloter Nina.

    Comme seule réponse, l’homme se penche au-dessus de son encéphale et lui susurre :
    – Tout mon enfant… Tu assisteras à tout ce qui va se passer. Si le temps ne nous était pas compté, je t’aurais initié aux enseignements de mon Maître, Sinan est son nom et grand est son pouvoir, et tu aurais pu te délecter de ta propre souffrance.
    Puis, lentement, il perce la boîte osseuse avec la première aiguille.

    L’immense cage d’escalier fait écho aux cris de douleur insoutenable de Nina. Et pourtant, toujours d’une voix douce et mélodieuse, l’homme entame une mélopée qui couvre la terreur sonore de la jeune fille.

    – ‘Erath Ehther eidhok Arh-Kereth, Nekrat Sihn Kereth, Amar Chekkar Arh-Kedeth’

    Alors, Celle-qui-fut-Nina redresse son doux visage souillé de son propre sang et d’une voix enfantine lui crache :
    – Ca va comme ça Mon Prince… Enlève-moi ton attirail et trouvons le lieu.

    * * *

    #16162
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    26. Arsurus

    – K., vous êtes le roi des enflures ! Droopy ne cherchait plus à cacher son énervement.
    Jusqu’ici, il s’était retenu, histoire d’être un tantinet professionnel. Mais ce matin même il avait appris que sa participation au projet allait cesser trop brusquement à son goût. A tous les coups, ce vieux con de Kneubühler y était pour quelque chose.

    – Monsieur Droopy… voyons ! Monsieur K lui ne voilait pas non plus le sentiment de satisfaction qui l’animait. – Qui vous dit que j’y suis pour quelque chose ? Voyez-vous le problème avec les gens de votre espèce est qu’ils parlent de choses qui les dépassent.
    – Espèce d’immonde salopard ! Je ne sais pas ce qui me retient de te mettre ma main sur la gueule ! Droopy maintenait les poings serrés et avançait vers son rival l’air menaçant.
    – Du calme jeune homme ! Vous n’oseriez quand même pas…
    – Je vais me gêner Ducon !
    Au moment même où Droopy écartait vivement la chaise qui les séparait afin de l’empoigner, le sas de sécurité s’ouvrit, produisant son bruit de canette de soda à l’ouverture de la languette métallique : Pschhhhhhhhhhht !

    – Messieurs ! Vite ! Vous devez évacuer d’urgence le bloc scientifique ! Suivez-nous !
    Deux agents de la sécurité, armes au poing, venaient de faire irruption dans le laboratoire.
    – Hein ! Quoi ? Mais enfin que se passe-t-il ? Monsieur K affichait l’expression même de la perplexité.
    – C’est très urgent messieurs. Des intrus se sont introduits dans le centre. Le central vient de nous avertir qu’ils se dirigent vers ici.
    – Laissez-moi deux secondes, je prends Boz et j’arrive ! Droopy se précipita dans une salle annexe.
    – Messieurs, si des intrus sont entrés dans le centre, c’est votre devoir de les arrêter ! Qu’attendez-vous ? Monsieur K ressortait son magnifique maquillage pivoine. – Je croyais que la sécurité de ce bâtiment était à toute épreuve !
    – Elle l’est Monsieur mais… Le vigile arrêta un regard hagard sur le responsable scientifique. Sa lèvre inférieure se mit à trembloter et il s’effondra sur le sol. Derrière lui, dans l’encadrement de la porte, se profilaient deux silhouettes humanoïdes aux apparences plutôt étranges pour l’endroit.

    Le premier, un jeune homme noir d’une trentaine d’années, arborait une crinière semblable à une Gorgone. Vêtu d’un large pantalon de toile violette imprimé de motifs de lézards et d’une ample chemise jaune entrouverte, il scrutait la salle intensément. Ses pieds baignaient dans une mare de sang alimentée par les nombreux écoulements qui sortaient de ses blessures. Mais apparemment, c’était le cadet de ses soucis.
    A ses côtés, une jeune femme au teint laiteux et à la beauté troublante inspectait sa main avec attention. Une combinaison Data collait à ses formes et laissait entrevoir la perfection de ses lignes. Elle porta sa main à son visage et tous purent y apercevoir un trou presque aussi large que la paume. Elle leur jeta un regard d’un vert profond à travers et leur adressa un sourire presque enfantin.

    Il fallut au second vigile quelques instants pour reprendre ses esprits et sortir de sa stupeur. Il leva maladroitement son arme automatique et commença à arroser la porte d’une myriade de rafales. Un déluge de balles s’abattit sur les deux nouveaux venus qui ne semblaient pas se rendre compte de la précarité de leur situation. Ici, les projectiles crachés par le calibre arrachaient des lambeaux de chair, taillaient en pièces les vêtements qui s’envolaient en tout sens tels des confettis fous, pénétraient dans les muscles et ressortaient en imprimant sur le mur derrière des tâches écarlates, explosaient des genoux, des coudes, hachaient menus toute matière charnelle rencontrée sur leur passage. Là, les balles ricochaient sur les parois de métal de la porte en éclairant la salle de milles étincelles, ornaient les murs d’impacts gros comme le poing, déchiquetaient le corps du malheureux agent de sécurité encore agonisant sur le sol, explosaient lampes, néons et interrupteurs.

    Monsieur K s’était jeté à terre et hurlait tout ce qu’il pouvait. Le bruit, la fumée, les flashs étaient à la limite du supportable. La pièce elle-même semblait aspirée dans un tourbillon furieux semant la mort et la destruction sur son sillon.

    Puis ce fut le silence. Le vigile hurla et jeta son arme, au ventre désormais vide, au loin puis il commença à reculer, agité d’une grande panique.

    L’homme aux tresses le regardait fixement. Il avait succombé à la puissance des impacts et se traînait à terre. La jeune femme, dont le bas du visage et l’oreille droite tapissaient désormais les parois du couloir, avança rapidement vers l’agent de sécurité et plongea ses deux pouces dans les globes oculaires de ce dernier.

    Monsieur K cru que ses tympans allaient exploser tant le hurlement fut atroce, autant dans l’intensité que dans la modulation. Il avait fait dans son pantalon et ne se sentait pas d’humeur à autre chose qu’à sangloter. Il risqua tout de même un œil par-dessus son bras et aperçut l’homme aux tresses ramper vers lui.
    Hystérique, il hurla : – Qui êtes-vous ? Laissez-moi tranquille, je ne sais rien, je ne vous dirais rien !
    – Cela ne sera pas nécessaire, lui répondit le rampeur. Ce que nous cherchons est imprimé dans votre mémoire et nous n’aurons donc nul besoin de votre coopération.

    Droopy était pétrifié. Il avait assisté à toute la scène et son système nerveux semblait l’avoir abandonné. Boz tenta de le ramener à lui en quelques coups de langue. Brave clebs ! Tellement habitué aux parties de réseau acharné de son maître qu’il n’avait même pas bronché.

    – Et si, cher Prince, vous vous occupiez de ce code d’accès ? La jeune femme ressemblait maintenant à un morceau de viande posé sur un étal de boucher. Pendant ce temps je vais nettoyer le niveau… Il me semble qu’il reste quelques points d’expérience et un bonus ici. Et elle partit d’un rire, un rire d’enfant naïf et innocent…

    #16165
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    27. Wizard31

    “Se calmer, il fallait qu’il arrive à se calmer…”
    Même si la gigantesque boucherie qui s’étalait devant ses yeux ne s’y prêtait guère, il fallait qu’il se calme. Même si la peur instinctive qu’il éprouvait en ces instants dépassait de loin ce qu’il avait pu connaître, dans la matrice ou en réalité. Même si la panique commençait lentement à occulter ses capacités de réflexion.
    Tout cela n’était pas un jeu, malgré les dernières paroles prononcées par cette fille…

    “Respirer calmement, se calmer, respirer encore. Pousser, pousser, pousser…”
    Mais qu’est ce qu’il racontait ? Voilà que les souvenirs des cours d’accouchements à la naissance qu’il avait suivi avec sa voisine (qu’est ce qu’il faut pas faire quand même !) remontaient à la surface. La sage-femme avait bien expliqué que ça reviendrait automatiquement à la surface en cas de besoin, il n’aurait jamais pensé que cela aurait pu s’appliquer à lui ! ! Néanmoins, cette bouffée d’oxygène lui permit de retrouver un peu de ses esprits.

    Qu’est ce que c’était que cette histoire ? Deux personnes débarquaient dans un des endroits les plus sécurisés de la planète, tuaient tout le monde, se baladaient à moitié en morceaux, et parlaient de “bonus, de points d’expérience”, et pourquoi pas de cheat mode tant qu’on y était ? ? A tout bien réfléchi, il l’avait peut-être déjà activé, à les voir ainsi ! Et ça lui serait bien utile, à lui aussi…

    “Réfléchir, se calmer et réfléchir…”
    Deux solutions s’offraient à lui :
    – Il tuait la “chose” qui se trouvait devant lui.
    – Il tuait M. K, pour éviter que la “chose” n’obtienne ce qu’elle semblait y chercher.

    Hormis le fait que la solution n°2 lui apporterait une certaine satisfaction, la suite logique des événements était un retour à la solution n°1, lorsque la “chose” se dirigerait vers lui !

    “Réfléchir, réfléchir…”
    La chose continuait à s’approcher de M. K.
    Cet imbécile n’essayait même pas de s’enfuir, il ne bougeait même pas, comme hypnotisé par ce qu’il voyait. Pourtant, il aurait pu s’éloigner facilement, la chose n’avait plus qu’une jambe et rampait misérablement à l’aide des ses bras.
    Mais M. K. semblait irrésistiblement attiré par la chose, par son regard apparemment ? Ou peut-être était ce juste l’atrocité de la scène qui se déroulait devant ses yeux qui le paralysait ?

    Les Yeux bon sang, voilà une piste !
    Curieusement, la fille avait attaqué le garde en commençant par les yeux.
    M. K, qui paraissait hypnotisé par le regard de la chose.
    Boz, qui paraissait ne rien voir.
    Et lui-même d’ailleurs, qui tout en réfléchissant ne pouvait détourner son regard de la scène.

    C’est ce moment que Boz choisit pour lui sauter dessus, langue en avant et queue frétillante, le déséquilibrant et rompant naïvement et brutalement le charme qui le liait à la chose.
    Ce qu’il vit en se relevant était plutôt surprenant…
    Au-dessus de l’amas de chair qui avait été un homme, se trouvait en filigrane une sorte de moine, capuchonné de sombre, au visage indéfinissable.

    Si Droopy devait faire un jour preuve de courage, c’était maintenant ou jamais !

    – Eh ! Raspoutine, ça te dit une partie de “Défi Virtuel” ?
    Pourquoi diable avait-il dit ça ?
    S’il n’avait été un athée fini, il aurait parlé d’une intervention divine…
    Ce qui était sur, c’est que l’image de ces paroles était apparue clairement dans son esprit, pourtant fort tourmenté !

    Note : Le “Défi Virtuel” était un jeu du début du 3ème millénaire. Commercialisé par Microsoft, pour contrer l’hégémonie du consortium SSN ( Sega/Sony/Nintendo ), ce jeu était le premier en vrai 3D, l’écran apparaissant “magiquement” en hauteur. Au-delà de cette prouesse technologique, l’intérêt était limité, les jeux inexistants ( Démineur 3D, Solitaire 3D et Morpion 3D ), bref un désastre commercial complet.

    Lentement, le moine tourna ce qui devait sans doute être son visage, et prononça doucement, dans un phrasé étrange :
    – ‘Erath Ehther eidhok Arh-Kereth’. Je m’appelle Ehther, prince des Arts Noirs. Comme m’y obligent les entraves de mon maître Ahr-Kedeth, et conformément à la vieille tradition, je relève votre défi !

    A cela Droopy répondit :
    – Je m’appelle Remiel, chargé du soin des ressuscités et maître de l’assistance aux voyageurs. Comme le demande le code d’honneur des Anges, et conformément à la vieille tradition, je confirme mon défi.

    Ensuite ils déclarèrent alors :
    – ‘Bash Ekh Baled Anzar’. La connaissance en est le prix.
    Par ces mots, ils scellaient leurs destinés. Le gagnant obtiendrait la connaissance de l’autre, et le perdant disparaîtrait à jamais.

    Et le combat commença…

    * * *

    De son coté, la Dévastatrice était fort dépitée. Malgré tous ses efforts, elle n’avait pas trouvé d’intérêt à terminer de nettoyer le niveau, un pauvre assistant qui n’avait même pas cherché à fuir, et un garde qui avait préféré se garder sa dernière rafale.
    Sa quête d’âme était fort maigre, et son humeur exécrable…
    Alors qu’elle envisageait de poursuivre aux étages suivants, un immense sentiment de haine emplit son corps.

    Un Ange…
    Un Ange venait de se révéler !
    Enfin une âme intéressante à ramener à son maître.

    – NON ! Tel n’est pas ton destin ! ‘Sihn-Kerteh Eidhok Thorteh Balteh’. Suis ta destinée, ma brave dévastatrice, et comble ton maître de douleur !

    * * *

    Dans la salle de commande, la bataille faisait rage, dépassant largement la simple partie de Morpion 3D. La lutte était acharnée, les forces en jeu colossales, et le déferlement de pouvoir incessant.
    Lorsqu’il aperçut Sihn-Kereth, l’araignée dévastatrice entrer dans la pièce, Droopy connut un moment de doute.
    Lorsqu’il la vit plonger sur M. K, qui n’avait toujours pas bougé, l’attraper avec ses crocs-mandibules, et littéralement l’aspirer en elle, le doute se transforma en désespoir…

    De ce coté là, c’était fichu !
    Remiel devait maintenant se concentrer sur son combat, rattraper les erreurs que son égarement passager avait entraînées.
    Uriel et les autres auraient besoin de lui là-bas, c’était son boulot de protecteur, son devoir d’Ange !
    Mais pour y aller, il fallait qu’il batte Ehther, qu’il absorbe la connaissance, et qu’il apprenne enfin comment rejoindre réellement Uriel.

    Lorsque Sihn-Kereth entra dans l’IA, le rapport de force bascula en faveur de Remiel, désormais solidement campé sur ses certitudes. La fin était proche, Ehther le sentait. Mais il n’avait pas peur. Sa ‘mort’ servait les desseins du maître. Sihn-Kereth avait rejoint la matrice, et là-bas, le combat ne faisait que commencer…

    * * *

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    28. Azerty

    Dans la même période temporelle relative, sur l’astéroïde “Plaisir”, Gabriel/Shaun et Raphaël/Shim perçurent la même révélation que Jake/Uriel, de la part de l’IA.
    Leurs consciences, leurs mémoires, leurs pouvoirs reprirent instantanément leur place au niveau de leurs cortex. Leurs deux esprits fusionnèrent alors sans difficulté, compte tenu qu’une seule petite cloison les séparait.
    Leur situation présente était, à vrai dire, peu en rapport avec leur “statut” retrouvé : chacun de son côté était dans l’une des chambres du “ Loving Center ”, le bordel le plus réputé de “Plaisir”, couché en compagnie d’une créature de rêve…

    – Shim ! Ca ne m’étonne plus que j’aie choisi la rousse ! C’est le sosie de Miss mars 2000, Alexandria Karlsen, ma préférée !
    – Eh ! Oui ! Je le vois bien mon vieux Shaun ! Tu dois te rendre compte que mon choix de la blonde est aussi le reflet de mes fantasmes “Terriens” ! La mienne, c’est Jodi Paterson, celle du mois d’octobre !
    – Tu crois vraiment que ce que nous faisons est bien compatible avec notre virtualité d’Archanges ? pensa Shaun, sans pouvoir réprimer un sourire en coin.
    – Toujours aussi hypocrite mon cher “Gabriel” ! Je vois bien que tes scrupules ne t’empêchent apparemment pas de terminer ce que tu avais commencé ! De mon côté, j’agis aussi, mais sans me poser de questions ! Pour le moment, nous sommes toujours dans notre “vieille peau” avec notre mentalité bien humaine, et ce n’est pas la cohabitation retrouvée avec nos esprits d’Archanges qui va changer ça… Pour l’instant, ils sont encore en attente et tant que rien ne vient les ranimer et les force à prendre les “commandes”, j’ai bien l’intention d’en profiter encore un max !
    – T’as bien raison, camarade “Raphaël” ! A nous le plaisir et après, à eux les remords ! ! Maintenant, si tu permets, je coupe le contact parce que ma mignonne commence à se demander pourquoi j’ai l’air un peu absent et pas à ce que je fais !
    – J’allais te le proposer, mon vieux Shaun, car pour moi c’est du pareil au même ! Jodi trouve que je baisse de rythme ! A plus, mon pote ! Bonne bourre ! !
    – Ah ! Oui ! Encore un truc, Shim ! Dès que tu auras repris ton self control, fais-moi penser qu’après le bon temps il faudra qu’on se mette sérieusement en piste de nos deux compères ! M’est avis qu’ils ne doivent certainement pas être en aussi bonne posture que nous !
    – Ouaih ! Ouaih ! Bon, décroches ! Je… Ahhhh !… Je t’en prie… La p’tite est en train de me faire… Ouhhhh !… Un truc inouï !… Rhhhaaaa ! Lovelyyyy !…

    * * *

    – Alors mon vieux, est-ce que vous pouvez parler ? Qui est-ce qui vous a mis dans cet état ?
    – Eh ! Dites donc, Brawne ! Vous pensez vraiment que votre méthode de le secouer comme un prunier est plus douce que la mienne ! Si vous croyez que ça l’aidera à en placer une ! Regardez ! Il en a les dents qui s’entrechoquent !…
    – Ah ! Lâchez-moi, Patron ! Avec vous c’est toujours pareil, vous voulez sans arrêt avoir le dernier mot. Vous voyez bien qu’il est en “état de choc” ! Faites-moi un peu d’air plutôt au lieu de me le pomper !

    C’est à cet instant que Gandalf reçut la “révélation” d’HAL, en même temps que ses trois partenaires. Celle-ci le surpris moins que les autres puisqu’il avait déjà recouvré une partie de sa mémoire. Par contre, l’esprit de “Michel” revenu lui fit réponse à toutes les interrogations qu’il s’était récemment posées : le comportement de Lynne, ses pouvoirs d’agir sur le temps, ses ailes perdues… Par contre, les tatouages ? Sans doute l’un des jeux pervers de cette IA désormais incontrôlable et névrosée ?

    Ses capacités mentales à nouveau recomposées affinaient tous ses sens. Il percevait avec acuité le moindre détail de l’environnement de cette pièce, un bureau assez sordide ou flottait un mélange d’odeurs faites du moisi du papier, de restes de vapeurs d’alcool, de fumée âcre et froide, de la sueur de ce type, du parfum entêtant de la Miss. Au niveau d’une plinthe, le son ténu du grattement d’une souris, celui de cafards bruissant derrière le radiateur, et au loin, dehors, le bourdonnement d’un néon qui clignotait et, omniprésente, la pluie qui venait de se remettre à tomber…

    Ce type justement, cet Arsurus… Son impression première d’étrangeté, cette force particulière qui semblait se dégager de lui, tout comme “ les leurs ”, s’accentuaient encore. Il ne pouvait être, lui aussi, que la projection virtuelle d’un humain réel, mais étranger à leur expérience de GENESIA. Il ne percevait rien d’autre de son esprit, une barrière mentale bloquait tout accès. S’il ne pouvait rien lire en lui, il avait néanmoins l’absolue certitude que cet être ignorait lui-même son identité véritable et les finalités de sa présence au sein des Mondes de l’IA. Un “ intrus ” non prévu dans le Jeu avec qui il allait certainement falloir compter ! ?

    Mais, pour l’instant, son souci majeur était autre. “Gandalf/Michel” devait d’abord retrouver ses camarades, et en priorité Jake qu’il sentait le plus proche, sur cette Terre, et qui venait de céder la place à “Uriel”. Se regrouper, avec les autres, recomposer leurs forces, échafauder de nouveaux plans. Ne plus compter que sur eux-mêmes, la porte de sortie de l’interface de connexion étant sans nul doute actuellement condamnée. Leur mission initiale ne comptait plus, les paramètres étaient complètement différents. Ce n’était plus leur Jeu. Ils étaient au service du Bien combattant le Mal. Peu importe que ces Mondes soient virtuels, le combat était réel, leurs vies et leurs morts l’étaient aussi ! Ils ne pouvaient se soustraire à la programmation de l’IA…

    Il était temps d’agir. Son esprit se libéra et chercha la direction à prendre, en éclaireur, précédant de quelques secondes son enveloppe corporelle dont chaque atome se sépara et suivit le même chemin.

    – Eh ! Merrddde ! ! Patron ! ! Qu’est-ce qui se passeeee !… Shitttt ! Dites-moi que… Je rrrêêvve ! ! hurla Brawne d’une voix au bord de l’hystérie.
    – Shambleau ! ! Bordel de dieu ! ! cria Arsurus, les yeux soudain exorbités.

    Sous leurs regards ébahis et horrifiés, le corps de l’homme s’était mis à “s’effacer” littéralement, comme subissant une implosion au ralenti. En quelques instants celui-ci disparut entièrement, sans qu’il en subsiste la moindre trace, ne laissant derrière lui qu’une odeur d’ozone et une sensation de vide.

    – Pute borgne ! soupira Arsurus – J’ai vraiment mérité de m’taper un remontant ! conclut-il, en se dirigeant vers sa bouteille de ouiski qui trônait sur le bureau.
    – Paaattrronnn ! ! J’me sens… pas… biennnn ! fit Brawne en s’écroulant sur le sol, évanouie.
    – Eh ! Shoggoth ! Et l’autre gourde qui tombe dans les vapes ! Manquais plus que çà ! Eh ! Foutre ! Après tout, elle pourra pas tomber plus bas ! D’abord, m’occuper de mézigue !

    Et sur ce, Arsurus se versa la rasade du siècle, une de celles capables de réveiller un mort !

    * * *

    #16196
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    29. Shaun

    – Leinsdorf, vous êtes un incompétent, un bureaucrate bouffi d’orgueil, incapable de voir plus loin que le bout de son porte-monnaie. Vous allez crever comme vous avez toujours vécu, comme une merde.
    – GENERAL ! Je ne vous permets pas, ce n’est pas parce que la situation vous échappe que…

    Le général H.G. Tass coupa la communication ; cela ne servait à rien de discuter avec un mort en sursis. Il releva la tête doucement, l’enseigne était toujours là…

    – Qu’en pensez vous ?
    – Euh ! Général, pourquoi me demander mon avis ? Je ne suis qu’enseigne de vaisseau…
    – Je sais, mais vous êtes la voix de mes hommes, vous savez ce que tous ressentent au plus profond d’eux-mêmes. Faites moi part de votre point de vue.
    – A propos des combats, Général ?
    – Non, du stock de cacahouètes… imbécile ! Bien sûr que je parle des combats, de ce qui se passe sur le front, tant que l’on puisse appeler ça un front. Tenez, j’ai une idée, résumez-moi la situation telle que vous la connaissez, je ne vous interromprai pas. Allez, lancez vous !
    – Ben, disons que pour moi la guerre a vraiment commencé, lorsque je vous ai amené les dernières nouvelles de l’agent 324. Ensuite, il y a eu cette réunion du conseil, et puis le départ d’un tiers de nos forces pour un point de rencontre à 24 années lumières de la Terre. L’ensemble des vaisseaux devait arriver là bas 2 jours après la réunion du conseil, ce qui leur laissaient 3 jours pour se préparer à la première bataille et pouvoir laisser ainsi un délai supplémentaire au reste de nos forces pour se préparer à accueillir l’ennemi…
    – Bon résumé de la stratégie enseigne, c’était…
    – Général, vous aviez dit que vous ne me couperiez pas la parole !
    – Hum…. Oui… Continuez.
    – Donc, 4 jours après la réunion du conseil, tout était en place, il ne restait plus qu’à attendre. Puis l’ennemi est arrivé, avec une journée d’avance. J’étais avec vous à ce moment, général, je ne sais donc pas vraiment ce qui c’est passé là bas, mais tout fut joué en 2h. Nous étions dans la salle de comm’ quand les premiers messages sont arrivés. Ces derniers semblaient euphoriques. Ils relataient la bataille comme une partie de plaisir. Les ennemis fonçaient sur nos vaisseaux en formation serrée, il suffisait dès lors de les tirer comme à la foire. Les vagues succédaient aux vagues. Les commandants pariaient sur qui abattrait le plus de vaisseaux ennemis en une seule salve. Si je puis me permettre, j’ai même cru surprendre l’esquisse d’un sourire sur votre visage, général. Et puis soudain tout a basculé. L’un des commandants a repris soudainement son sérieux pour faire une dernière transmission. Cette transmission a été reprise depuis par les tous les médias. Les dernières paroles de ce commandant furent :
    – “ Que Dieu nous protège, nous ne sommes pas maître de notre destinée… REPLIEZ VOUS !… Lieutenant, mais que faites vous lieutenant ? ”

    – Exactement, général, ensuite il s’est mis à hurler. D’autres cris se sont joints aux siens. Nous avons entendus des tirs de phasers, des paroles étranges aux consonances ésotériques, puis une énorme déflagration et le silence. C’était il y a 2 jours. Aujourd’hui l’ennemi a atteint Pluton. Plusieurs colonies ont subit, entre temps, ce que ce commandant et son équipage ont vécus. Une destruction par l’intérieur. Auparavant nous ne voyions l’ennemi que comme un essaim de vaisseaux ; maintenant nous pensons qu’il possède une arme ultime. Nous avons d’ores et déjà perdu la moitié de nos forces et d’ici 2 à 3 jours la Terre sera atteinte….

    Le silence se fit. L’enseigne ayant terminé son récit, le général n’osant pas reprendre la parole.

    Il se décida :
    – C’est à peu près ça enseigne. Il vous manque juste quelques éléments.
    – Général, je ne crois pas être habilité à recevoir des renseignements classés top secret…
    – Je sais, mais il faut que j’en parle à quelqu’un d’extérieur aux soi disant têtes pensantes qui dirigent notre Confédération.. Ce que vous ne savez pas, enseigne, c’est que l’ennemi est parmi nous…
    – …
    – Ce que je veux vous dire c’est que vous êtes peut-être l’ennemi comme je pourrais l’être aussi. Plusieurs de nos savants ont découvert que l’ennemi n’appartient pas du tout au règne animal, et ce au sens large du terme. Nous devons affronter des… Comment dire … Des entités surnaturelles…
    – Entités ?
    – Oui, ils n’appartiennent pas à notre monde. Ils ne sont qu’essence spirituelle. Pour nous anéantir, ils atteignent directement notre cerveau et s’en emparent aussitôt.
    – Vous voulez dire, qu’en fait l’ennemi nous manipule pour que nous nous auto-détruisions ? Mais comment peuvent-ils atteindre nos… Oh ! Mon Dieu ! Les prises neuronales ! !
    – Exactement.
    – Mais comment avons nous découvert cela ?
    – Hier le Juggernauth est rentré.
    – Le Juggernauth ? ? ? C’est, hum, c’était l’un des vaisseaux de notre avant garde ! !
    – Tout à fait ! Il s’est arrimé hier sur Barcode KF, l’usine d’assemblage en orbite autour de Vénus. Trois membres d’équipages ont été récupérés vivants…
    – Ils étaient 800 à bord !
    – Tous morts, les trois quarts étaient démembrés, éviscérés, étêtés… Une cinquantaine d’entre eux ne portaient que des marques de tirs phasers, des plaies nettes, cautérisées. Les trois survivants tenaient des propos incohérents, où il était question d’hommes d’équipages devenus soudainement fous, se jetant sur tout ce qui bougeait pour le massacrer aussitôt. Ils furent placés en quarantaine, pendant que nos médecins pratiquaient les autopsies. Il s’est rapidement avéré que les soi-disant fous sanguinaires possédaient à l’intérieur de leur cerveau une nouvelle hormone, inconnue jusque là. C’est à partir de cette hormone que nous sommes arrivés à la conclusion que ces hommes n’étaient plus maîtres de leur actions, ils étaient peut-être même déjà morts lorsqu’ils ont anéantis leurs camarades…
    – Mon Dieu, mais qu’allons nous faire ?
    – Ca enseigne, c’est l’avenir qui nous le dira…
    – Le Gouverneur, le Grand Conseil, ils sont au courant ?
    – Oui, ils ont décidés, il y à ¼ d’heure, de parlementer…
    – De parlementer, mais nous n’avons jamais pu entrer en contact avec les… Enfin vous savez, seul leur dirigeant, celui que nous appelons l’’Autre’’, nous contacte, et c’est à sens unique. Il y a 30 ans, il nous a dicté ses règles de façon sanglante, puis il nous a lancé ce défi et…
    – Je sais, enseigne, mais il faut que vous sachiez que depuis ce matin dix heures, le Juggernauth ne compte plus qu’un seul survivant !

    * * *

    #16200
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    30. Salem_ze_cat

    Sensation de ne faire qu’un avec son environnement, de pouvoir appréhender l’ensemble des paramètres influant ses sens ; Gandalf se déplaçait au gré des fluctuations animant ce mouvant canevas virtuel. Son âme, libérée des contraintes spatiales imposées par la réalité physique et matérielle de son corps qui le faisait tant souffrir quelques instants auparavant, dérivait maintenant sur les courants capricieux des multiples flots de données…
    Il se devait de retrouver Jake, qu’il pressentait tout proche, ainsi que ses deux autres comparses, plus distants mais dont il percevait néanmoins une faible aura. Le Quatuor Divin serait alors à nouveau réuni, et peut-être qu’une lueur d’espoir pourrait surgir… Le temps était compté !
    Orientant sa trajectoire, Gandalf dirigea ses recherches vers ce qui lui semblait être un point d’inflexion dans la trame de la Matrice.

    * * *

    Dans l’une des multiples pièces composant le complexe laboratoire du professeur Walken, une paire d’ailes immaculées se mirent à luire, d’abord faiblement, simples scintillements intermittents, puis les pulsations se firent plus intenses et persistantes, éclairant sporadiquement les murs lugubres d’une clarté quasi divine.

    Il ne s’en était fallu que d’un cheveux, quand bien même fut-il d’Ange ! Une fois ses longues ailes repliées, Jake s’accorda quelques minutes de répit. Il était essoufflé et une sensation de faiblesse lancinante commençait à le gagner peu à peu, le contraignant à s’agenouiller un instant ; icône de la renaissance d’un Ange au milieu du carnage d’un champs de bataille… Il avait beau être parvenu à récupérer ses pouvoirs, il était seul, et de ce fait, ses ressources étaient loin d’être illimitées. Cet instant de faiblesse le lui prouvait cruellement.

    – Jake … Jake !………. ’ponds moi Jake !… Je vi…

    Cela faisait maintenant un bon quart d’heure que Jake se tenait ainsi prostré, concentrant son âme de façon à retrouver les forces perdues au cours de l’affrontement, ainsi que durant ces quelques jours (semaines ? mois ?) passés entre les mains du professeur, lorsqu’une étrange sensation l’envahit, le tirant de sa méditation.

    C’était bien ça ! ! Ce vaste complexe hospitalier ne lui était pas inconnu et pour cause : c’était en ce lieu précis qu’un certain professeur Walken s’était livré sur lui à de nombreuses expériences ayant, entre autres, abouties à la perte de ses ailes et de son statut d’Archange des Gardiens. Cette ‘inflexion’ dans la Matrice… Ses ailes l’appelaient ! Elles le guidaient jusqu’à elles.

    Dans une pièce voisine, située non loin de celle où Jake s’efforçait d’identifier la nature des sentiments croissant qui l’assaillaient, des ailes, suspendues en trophée au mur, rayonnaient d’une intense lumière crue. Se matérialisant au centre de la pièce, une ombre prit lentement consistance afin de laisser apparaître le corps meurtri de Gandalf, éclairé par le halo irradiant de ses ailes enfin retrouvées.

    * * *

    Après une seconde rasade du même acabit qu’il jugea amplement méritée, le lieutenant Arsurus se décida à porter un geste secourable à son assistante qui commençait d’ailleurs à reprendre ses esprits.

    – Allons Brawne ! ! Vous croyez que le moment est bien choisi pour taper le roupillon ? ! Debout ! On a du pain sur la planche. Il y a quelques points que j’aimerai éclaircir…

    Dédaignant la main tendue de son patron, Brawne se releva, chancelante, et parvint à gagner son siège dans lequel elle s’affala. Le lieutenant Arsurus actionnait déjà l’interrupteur contrôlant le panneau d’accès de sa bibliothèque.

    – Sherka, j’ai quelques éléments nouveaux à t’apporter, voyons ce que tu peux en tirer…

    Le Lieutenant n’avait aucune explication concernant les événements qui venaient de se dérouler devant ses yeux, mais une chose était claire : les tatouages couvrant le corps de l’inconnu étaient autant de pistes à poursuivre et sur lesquelles Sherka allait peut être pouvoir jeter un semblant d’explication et de rationalité, tant cette affaire prenait une tournure hors du commun…

    * * *

    #16209
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    31. Doudou

    Droopy/Remiel, le visage maculé de sang et de cendres, se tenait debout devant les restes calcinés dispersés à ses pieds, de ce qui avait été Ehther, Prince des Arts Noirs, dans les décombres du centre. Il ne semblait pourtant pas les voir, le regard fou, la tête entre les mains, il ne contemplait que le vide.
    Le monde pour lui, avait basculé dans le chaos le plus total. Trop de choses s’étaient produites, trop vite : la révélation de ce qu’il était, le combat, et puis… Le flot de connaissances du Prince, que Remiel refusait de tout son être à cause de l’horreur qu’il lui inspirait, et qui semblait vouloir entrer de force dans son cerveau.

    Une convulsion le secoua, puis une autre, un filet de bave coula le long de son menton. Ses jambes cédèrent soudain et il tomba lourdement sur les genoux, les mains à terre, agité de tremblements, le cerveau en ébullition, menant maintenant avec Ehther un combat d’une autre nature que le précédent. Il ne fallait pas qu’il se laisse submerger. Il sentait la souillure des pensées, du savoir du Prince et la repoussait de toutes ses forces. Ahhhh ! Son crâne allait exploser !
    Un gémissement à côté de lui, une langue râpeuse sur son visage… Boz, sentant le désarroi de son maître, essayait de l’aider.

    Enfin, le sol sembla plus solide sous les mains de Droopy, et un élancement douloureux lui parvint de son genou droit, signe que les signaux de son corps parvenaient de nouveau jusqu’à son cerveau. Le flot cauchemardesque dans sa tête sembla refluer. Il était toujours là. Pourrait-il toujours le maîtriser ? Il avait l’impression qu’une partie d’Ombre était maintenant en lui. Comment cela était-il possible, pour lui, un Ange ? Parce qu’il était bien Remiel ? Le doute s’insinuait… Il sentait comme un tentacule noir dans son cerveau embrumé. Non ! Il avait battu Ehther ! Il ne pouvait pas l’avoir fait sans les pouvoir d’un Ange ! Il était Remiel, et il s’était approprié la connaissance de son ennemi grâce à la victoire. C’était toujours ainsi que ça se passait, depuis la nuit des temps. Mais pourquoi était-ce aussi difficile ? Jamais encore il n’avait combattu un être aussi fort qu’Ehther, et il comprenait à présent pourquoi certains autres frémissaient en repensant à leurs anciens combats. Il repensa à l’Ange déchu, passé de l’autre côté, héros de la lumière et premier à combattre. Peut-être était-ce un combat de trop qui avait fait basculer les choses ? Ne pas penser à cela… Il avait une mission à accomplir.

    Il s’ébroua et se releva péniblement. La douleur hurlait dans son corps. Sa jambe droite céda à nouveau, et il se raccrocha au pilier à moitié détruit à côté de lui. Il baissa alors les yeux : son genou était en compote, ainsi que le bas du fémur. Il apercevait un peu de blanc d’os au milieu du sang et des vêtements en lambeaux. Le fait de le voir raviva sa douleur. Il savait qu’il pouvait se guérir lui-même, mais cela prendrait du temps et de la force, et il n’avait ni l’un ni l’autre.

    Cependant, s’il ne pouvait pas se déplacer, il était bon à rien. Pourquoi ne prenait-on pas la force de son ennemi en même temps que ses connaissances ? Il faudrait changer les règles…
    Il fallait trouver un compromis : il coupa les signaux de douleur provenant de sa jambe et, déchirant une bande dans le peu qui restait de sa blouse blanche, il l’enroula étroitement autour de sa blessure. Il se détacha du pilier et fit quelques pas, grimaçant : ça irait comme ça.

    Dans les informations surnageant dans la conscience d’Ehther auxquelles il pouvait avoir accès – les autres étaient trop dangereuses pour l’instant dans son état et il préférait ne pas s’y plonger – il avait vu GENESIA, enfin plutôt la pièce où se trouvait GENESIA, le coeur synaptique de l’IA. Et quelque chose semblait bizarre. En tous cas, Ehther était très intéressé par cela, et semblait y être lié de quelque façon. Pour Droopy, il y avait quelque chose à creuser ici.

    Il espérait faire le bon choix en essayant de mener le combat d’ici, plutôt que dans la matrice, où il pensait se rendre pour aider les autres avant d’avoir eu ces nouvelles informations. Il avait l’impression de les laisser tomber. En outre, la Dévastatrice était repartie dans la toile pour les chercher, et il ne pouvait pas les prévenir. A moins que… Il regarda autour de lui, tout était dévasté dans la salle de commande. Mais la fenêtre blindée qui donnait sur le bloc où se trouvaient les “cobayes” était toujours debout, malgré de nombreux impacts, et l’on pouvait voir les quatre grands cerceaux métalliques tourner doucement, à l’intérieur desquels se trouvaient toujours les corps de Jake, Gandalf, Shim et Shaun.

    – Sherka ! Es-tu là ?… Sherka ? réponds-moi !
    Silence. Seul le halètement de Boz à côté de lui.
    – Sherka ! Bordel, comment je vais faire ! – Il se dit qu’un Ange ne devrait peut être pas parler comme ça. Bah…
    – Oui… Ici… Sherkâaa ! répondit une voix qui oscillait entre celle de Vanessa Paradis et du chanteur de Pantera.
    – Sherka, peux-tu faire parvenir un message aux ang.. Cobayes ?
    – Oui !
    – Dis-leur que la Dévastatrice est sur leurs traces. Dis-leur d’être vigilants !
    – Ce serahhh…. Faiêhh !
    – Merci Sherka.

    Il se dirigea alors vers la salle des machines, où se trouvait le coeur de GENESIA.
    La porte épaisse s’ouvrit dans un soupir, après qu’il ait tapé le code. Une odeur d’ozone lui emplit les narines. Etrange. Il s’avança dans la pièce. Tout semblait aussi normal que possible : des diodes clignotant de ci, de là, le ronronnement du système de refroidissement. Un frisson le parcourut et ses bras se couvrirent de chair de poule. Il faisait encore plus froid que d’habitude ici !

    Son regard fut attiré vers un coin presque oublié de GENESIA, un endroit où il n’y aurait pas du avoir de diodes, ni de système de refroidissement ronronnant, puisqu’il n’était normalement plus en service. C’était la première version de GENESIA, la première IA, oeuvre de Stéphane Wizard, le génial concepteur informatique. Cet homme n’avait malheureusement jamais vu l’aboutissement de son oeuvre. Il était dans le coma, provoqué à la suite d’un accident terrible qui s’était produit peu après l’achèvement du second prototype, qu’il n’avait jamais vu fonctionner. Il n’était plus relié au monde des vivants que par une batterie de moniteurs sophistiqués.

    Mais que se passait-il donc ici ?

    * * *

    Pendant ce temps, la dévastatrice était revenue dans la matrice de GENESIA, à la recherche des Archanges. Aucune information n’avait pu être trouvée dans l’autre monde, mais elle trouverait bien des indices dans celui-ci. Elle faisait confiance à son flair. Elle était chasseresse, et elle savait retrouver une proie. Un mets de choix, et même peut être plusieurs l’attendaient ici… Elle en salivait rien que d’y penser…
    Elle avait retrouvé sa forme véritable en entrant ici, mais reprit la forme plus discrète d’une jeune fille, petite aux cheveux auburn courts et raides, qu’elle avait déjà pris précédemment dans la matrice.

    Par où commencer ? Elle n’était pas arrivée où elle était apparue, dans une rue glauque de Terre n°2. Elle était maintenant dans l’Univers n°3 dans une rue de cette autre Terre. Un terrain assez neutre, qui semblait calme. Le ciel était bleu, une belle journée, et les badauds allaient et venaient – évidemment, c’était toujours les mêmes qui tournaient en boucle – et il lui sembla même voir un pokemon. Ce n’était certainement pas ici qu’elle trouverait quelque chose.

    Elle sentit la mort de Son Prince. Elle avait beau s’y attendre, cela lui fit un choc. Elle l’avait toujours cru invincible. Elle leur ferait payer très cher. Sa rage contre les Archanges était décuplée, elle allait offrir leur douleur à son Maître, et il s’en repaîtrait. De colère, elle prit une passante et lui déchira la gorge à coup de dents. Piètre victime. Personne ne sembla rien remarquer, évidemment. Elle était toujours nue. Elle prit les vêtements de la femme et s’en vêtit. Les taches de sang ne la dérangeaient pas.

    D’abord changer d’Univers. En un scintillement, elle se retrouva sur Terre n°1. Elle sentit tout de suite la différence d’atmosphère. Celle-ci était plus à sa convenance. Le ciel était gris et bas, les rues étaient désertes, et l’on sentait comme une attente dans l’air. Elle sentit des regards, furtifs, derrière les rideaux des fenêtres ou à travers les persiennes, se poser sur elle.
    Soudain, elle capta quelque chose dans la matrice. Une communication de l’extérieur. Un jeu d’enfant pour elle de la capter. Intéressant… Très intéressant… Un appel de Sherka pour deux hommes en direction de l’astéroïde Plaisir d’Univers 1. Ceux-là ne devaient pas être des passants. Ils étaient peut-être même ceux qu’elle cherchait. Ils avaient en tous cas sûrement des informations à lui donner. Leur douleur allait la consoler de la perte de Son Prince. Un rictus déforma son beau visage lisse.

    Elle récupéra les coordonnées exactes de l’appel.. Et, en un instant, s’évanouit de la rue de Terre n°1.

    * * *

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