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Le récit

Pourtant, en juin suivant, un nouveau contrôle biologique montre que la protéinurie a de nouveau augmenté à 5.5 g/24h.

Mes parents reçoivent un courrier de mon néphrologue, qui se dit "ennuyé"par l'aggravation rapide de ma maladie, et souhaite mettre en ouvre un traitement par corticoïdes. Je me souviens que j'avais vu quelques jours plus tôt un reportage sur la fin de la vie d'Elvis Presley, et que les termes exacts de la voix-off qui commentait les images du king complètement boursouflé étaient "défiguré par la cortisone". Autant dire que je redoute particulièrement ce médicament, et l'avenir prouvera que j'ai bien raison !

Je suis donc hospitalisée en septembre 1986, alors que ma protéinurie est passée à 8g/24h. Pendant les perfusions de cortisone (500 mg de Solumédrol par jour pendant trois jours), je me sens vraiment mal. Tantôt surexcitée et euphorique, tantôt complètement déprimée, je suis continuellement en sueur et je tremble comme une feuille. C'est difficile à supporter, d'autant plus que je suis très déçue par l'attitude des médecins qui s'occupent de moi. Ils parlent de moi en ma présence exclusivement à la troisième personne, font comme si je n'étais pas là, à aucun moment on ne m'explique ce qui se passe ni pourquoi on me fait cela.

J'ai l'impression d'être un objet, ce qui n'avait absolument pas été le cas lors de ma première hospitalisation dans le service pour la biopsie. Ce manque d'humanité me choque profondément, il va à l'opposé des raisons pour lesquelles je voulais justement épouser cette profession, et sème le doute dans mon esprit.

Juste avant ma sortie, mon néphrologue vient m'annoncer que je vais "prendre des joues" (un bel euphémisme !) et que je devrai suivre un régime sans sucre et sans sel strict. Je commence aussi à avoir des maux d'estomac très violents. Tout ça n'est pas pour me remonter le moral. On me réexpédie à la maison, le traitement continue à raison de 50 mg de Solupred en comprimé chaque jour plus un sachet de Maalox "si besoin"…

Les six semaines qui suivent n'arrangent pas les choses. Je suis mon régime alimentaire de façon très stricte, mais ça n'empêche pas ce que je redoutais de se produire : je me transforme physiquement, je gonfle presque de jour en jour. J'ai de l'acné, des vergetures apparaissent sur mes cuisses, je prends six kilos en un mois et demi. La rentrée scolaire a eu lieu, je dois donc affronter les railleries de mes petits camarades, pas vraiment tendres à cet âge. J'ai de plus en plus de mal à me concentrer au collège, mes résultats scolaires en pâtissent et les tremblements continuent de plus belle. Devant la dégradation de mon état et surtout de mon moral, mes parents décident d'aller consulter un autre médecin, conseillé par une connaissance dialysée puis greffée. Nous voici donc partis en direction du CHU d'une autre grande ville, à environ deux heures de route.

Le professeur que nous rencontrons nous annonce d'office qu'il a été montré qu'une corticothérapie n'avait aucune efficacité dans le traitement de ma maladie : j'ai donc subi tout cela pour rien ! Le traitement sera donc stoppé progressivement, par contre je dois continuer le régime sans sel (beurk) et surveiller de près ma tension artérielle. Il ne peut se prononcer quant à l'évolution possible, l'insuffisance rénale terminale est une possibilité, mais sous quel délai ?

Maman lui signifie déjà sa volonté de me donner un rein si jamais cela s'avère un jour nécessaire, bien que ce ne soit pas un sujet d'actualité pour le moment. Elle est secrétaire médicale, et s'est largement documentée sur le sujet des greffes dès que le diagnostic a été posé. Elle a aussi longuement interrogé les médecins avec lesquels elle travaille. De mon côté, tout cela reste très flou. Une greffe ? J'ai du mal à concevoir ce dont il peut s'agir… Je veux me persuader que je ne suis absolument pas concernée.

Durant les mois qui suivent, les effets secondaires de la cortisone s'estompent peu à peu, même si je perds mes kilos beaucoup moins vite que je ne les ai gagnés. Cependant, les choses rentrent progressivement dans l'ordre, la maladie est de moins en moins présente dans ma vie et dans mes pensées. Bientôt, je refuse même d'aborder le sujet avec ma famille. Affaire classée !

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