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Le récit

Nous quittons finalement le service. Maman semble un peu abattue par toutes ces émotions. Elle s'allonge à l'arrière de la voiture, sa cicatrice lui fait mal et le mal des transports l'assaille.

Une petite heure plus tard, nous arrivons à la maison. Elle est toujours chamboulée et nous lui conseillons de se mettre au lit, mais ne se sent pas la force de monter les escaliers pour rejoindre la chambre d'amis. Je lui propose de l'installer dans la pièce de dialyse, le lit électrique lui permettra de trouver une position confortable. Elle sombre rapidement, et dormira une partie de la journée.

De mon côté, je dois passer à la pharmacie pour récupérer mes médicaments. Papa m'y emmène, évidemment il y a la queue et je dois patienter debout pendant de longues minutes. A ma demande (je rappelle que j'ai horreur de l'eau de Vichy !) on m'a prescrit des gélules de bicarbonate qui doivent faire l'objet d'une préparation, seulement l'ordonnance ne mentionne pas le dosage exact, le pharmacien doit téléphoner à l'hôpital, ce qui prend un temps fou… J'en profite pour commander une plaquette de chocolat sans sucre, cela fait des mois que je n'en ai pas mangé et j'ai beau affirmer que cela ne me manque pas, la perspective de laisser fondre un carré sur ma langue est des plus agréables.

Dans la foulée, nous allons faire quelques courses à la supérette du coin, puis retour à la maison où je m'allonge un moment, épuisée : galvanisée par toute l'agitation de la journée, j'ai sans doute un peu surestimé mes forces.

Le week-end se passe sans encombre, c'est bon de se retrouver chez soi. Je reprends mes habitudes, je me remets même aux fourneaux pour le grand plaisir de Dominique ! Cependant, maman et moi sommes toujours endolories et nous nous fatiguons rapidement. Nous ne nous privons pas de nous allonger régulièrement et de nous reposer. Nos nuits sont nettement plus tranquilles et reposantes que celles de l'hôpital, où nous devions faire à la fois avec les bruits de la rue et ceux du couloir. Ici, le calme est absolu ou presque. Je dois cependant continuer le Stilnox afin de trouver aisément le sommeil.

Mes grands-parents nous rendent visite, leur présence est réconfortante et vient me confirmer le retour à la normalité, sentiment encore accru par le déjeuner dominical. Maman et moi avions une terrible envie de saucisses et de purée, nos désirs sont des ordres et tout est fait pour nous faire plaisir. Nous nous régalons !

Ce soir là, papa et mes grands-parents rejoignent la Normandie. Maman restera à la maison pendant les premières semaines de sa convalescence.

Ces premières journées passées à la maison s'écoulent comme un rêve. Tout d'abord je ne m'attendais pas à être de retour si rapidement. Ensuite, mon état s'est amélioré très rapidement. Il y a quelques jours à peine, je ne parvenais pas à accomplir seule des gestes élémentaires, et j'avais le sentiment que le retour à la normale n'était pas imminent. En fait, même si je me fatigue rapidement, le fait de quitter le milieu hospitalier et de me retrouver dans un cadre familier semble me stimuler, j'oublie les quelques douleurs qui persistent et je reprends des activités quasiment normales.

Lundi 10 juin, au réveil, je fais ma prise de sang. Comme cette aiguille de 23 gauges me semble ridicule, comparée aux "pieux" que je m'enfonçais dans le bras pour les dialyses ! Je pique ma fistule et je remplis les tubes en me réjouissant de nouveau d'avoir opté pour cette solution.

Je me remets au volant de ma voiture et nous nous rendons à l'hôpital, non sans affronter les sempiternels embouteillages. Cette première consultation m'apprend comment se passeront les fréquentes visites de contrôle qui vont rythmer les mois à venir. Deux fois par semaine dans un premier temps, puis le rythme se ralentira avec le temps et en fonction de l'évolution de mon état… Le trajet du retour se fait sans problème.

De retour à la maison, je ne parviens pas à savoir pourquoi j'ai l'impression d'oublier quelque chose, de manquer à mes obligations. C'est un peu comme lorsque j'étais enfant et que les grandes vacances arrivaient : durant les premières semaines, je me réveillais souvent le matin en me sentant coupable de n'avoir pas travaillé mes cours, qui avaient par ailleurs cessés… En fait je finis par comprendre que le lundi est un jour de dialyse, et qu'inconsciemment je me prépare à la séance qui aurait dû avoir lieu ce soir. Je commence alors pleinement à réaliser que les implications de la greffe ne se limitent pas à un taux de créatinine, au nombre de litres que j'ai pissé le jour de l'opération ou au niveau de ma douleur (de 1 à 10…). Les chaînes qui m'ont emprisonnée huit mois plus tôt à une machine sont rompues. Ma vie est en train de m'être rendue. Et j'ai bien l'intention d'en profiter, de ne pas en perdre une miette, et de faire en sorte que cela dure très, très longtemps.

Comme les quelques contraintes liées à la greffe me paraissent dérisoires ! La prise des médicaments, les visites à l'hôpital qui s'espaceront de plus en plus, je sais déjà que je me soumettrai à tout cela sans aucun état d'âme et avec beaucoup d'application. Je suis persuadée que ces nouvelles étapes qui rythmeront désormais mon existence me permettront de ne jamais oublier ce à quoi (et à qui) je la dois, ni ce par quoi je suis passée, et j'en suis heureuse. Dans mon échelle des valeurs, la comparaison ne laisse aucune place au doute. J'ai tout gagné.

Maman et moi nous imposons rapidement des sorties quotidiennes qui stimulent notre processus de guérison : shopping (c'est la période des soldes !), cinéma, balades, etc. Il se créé une sorte d'émulation entre nous deux, nous fonctionnons à l'unisson avec un objectif commun : nous rétablir rapidement et efficacement.

Nous sommes heureuses d'être simplement ensemble, d'aller bien, de guérir côte à côte.

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