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Le récit

Dès le lendemain, Dominique tente de m'obtenir un rendez-vous chez le néphrologue, comme cela avait été convenu avec lui. Mais malgré des demandes insistantes auprès de son secrétariat, il n'est pas possible de le rencontrer avant deux semaines. Je me demande comment je vais tenir tout ce temps.

24h après notre retour, soit le 20 septembre, je reprends le travail. Mes collègues me trouvent une sale tête, que je leur explique en prétextant le décalage horaire. Je me traîne lamentablement au bureau, je renonce à les accompagner pour déjeuner (de toute façon je ne peux quasiment rien avaler), je tremble de plus en plus, au point que j'ai des difficultés à coordonner mes mouvements et pour couronner le tout je débute un gros rhume, une toux violente et incessante m'épuise encore d'avantage.

Dès mon retour à la maison, le soir, je prends une douche et je file me coucher. Le week-end arrive finalement. Lors de mes recherches sur le net, j'ai découvert que les journées nationales de l'insuffisance rénale se déroulaient un peu partout en France, avec notamment des animations à Paris. J'aurais bien voulu m'y rendre, à la pêche aux infos qui me font toujours cruellement défaut. En fait je dois y renoncer, je suis tellement épuisée que je ne me lève pratiquement pas, la simple idée de devoir quitter la maison me semble complètement irréalisable. Je parviens à m'endormir quelques heures le dimanche après midi, j'ai l'impression que cela me fait du bien mais le soulagement est de courte durée. La nuit, c'est une autre histoire, il y a longtemps que j'ai oublié ce que c'était de faire mes huit heures de sommeil, et je m'estime heureuse quand j'arrive à en cumuler deux.

Lundi matin, retour au boulot, je me sens comme un zombie, je ne dois pas être très productive.

mardi 25 septembre 2001

J'ai rendez-vous en fin d'après midi avec le chirurgien vasculaire dans une clinique parisienne. Dominique m'accompagne. Nous lui expliquons la situation, il me demande si je me sens fatiguée, si j'ai des problèmes digestifs : c'est pire que ça ! Il décide de prévoir l'intervention rapidement, dès le vendredi suivant. Je devrai donc avoir d'ici là une consultation avec l'anesthésiste, il passe un coup de téléphone à sa secrétaire pour me caser dans l'emploi du temps de son confrère dès le lendemain. Il nous reverra également à ce moment là. Il examine mes deux bras, il a beaucoup de difficulté à sentir mes veines et ne sait pas encore sur lequel il pourra créer la fistule.
Je suis soulagée de constater que les choses devraient aller vite maintenant. Il m'inspire confiance, je me sens moins perdue tout d'un coup, rassurée aussi.

Alors que jusqu'à présent je n'envisageais la dialyse que comme une sentence terrible impliquant la fin de ma vie "normale", la dégradation de mon état m'amène aujourd'hui à la considérer différemment. Elle va mettre un terme à mes tourments, me permettre de continuer. Je la redoute toujours terriblement, mais je ne la fuis plus, je n'en ai plus la force. Je suis en train de mourir, elle est le traitement qui va me permettre de survivre.

mercredi 26 septembre 2001

Nous sommes de retour à la clinique, je rencontre l'anesthésiste. Il m'explique le principe de l'anesthésie loco-régionale, me demande mes antécédents, etc. Il prend ma tension, et me demande si elle est toujours aussi élevée (18/11). Vers la fin de la consultation, on frappe à la porte : c'est le chirurgien.

Il nous demande de le suivre, direction le premier étage, service de dialyse. Il nous présente au néphrologue. Ce dernier m'interroge sur ma maladie, me demande comment je me sens. Il nous explique à tous les deux à quoi sert la dialyse, comment elle se déroule, ce qu'elle va entraîner comme changements dans nos vies. J'écoute religieusement, c'est la première fois que j'ai une information aussi complète sur le sujet. Je pense que si j'avais eu connaissance de tout cela plus tôt, j'aurais certainement mieux vécu moralement ces dernières semaines. Il évoque finalement la dialyse à domicile. Cette solution semble séduisante, en tout cas davantage que le "centre lourd" avec ses contraintes d'horaires, et plus adaptée à notre style de vie. Ce qui m'ennuie le plus, c'est la responsabilité qui incombe au conjoint, qui doit être au moins sinon plus impliqué dans le processus que le patient lui-même, avec toutes les contraintes que cela entraîne. L'idée d'imposer cela à Dominique me dérange. Lui, pourtant, semble très partant, il annonce d'emblée qu'il parviendra à se libérer de ses obligations professionnelles pour suivre la formation. Sa décision semble prise, et de mon côté, je n'ai pas franchement la force d'argumenter ! Malgré mes doutes, son attitude me réconforte, je sais déjà que je ne serai pas seule pour affronter ce qui m'attend.
"Est-ce que tu m'aimeras encore, dans cette petite mort ?"

Ensuite, direction le labo, pour un prélèvement de sang, puis les services administratifs pour préparer mon admission, qui doit avoir lieu le jeudi 27 au soir. Dominique me reconduit au travail où je "reprends" mes activités.

Environ une demi-heure après mon arrivée, mon téléphone sonne. Les résultats de mes analyses sont revenus. Il faut commencer la dialyse au plus tôt, on ne pourra pas attendre la maturation de la fistule. Je dois me rendre à la clinique le lendemain, on me posera un cathéter et la première dialyse aura lieu. Je suis assommée, même si je me doutais que mon bilan sanguin ne serait pas brillant. Après avoir raccroché, je reste sidérée, j'ai du mal à penser clairement.

Je prétexte une migraine et je rentre à la maison précipitamment. Cette fois ci, ça y est, le moment fatidique est arrivé. Je le présentais, mais en l'absence de certitude, il restait irréel, impalpable, et finalement cela me convenait plutôt bien. A présent, il a pris corps, il est inéluctable, et rien ne pourra venir m'y soustraire.

Ce soir là, je pleure dans les bras de Dominique, et pour la première fois je lui avoue que je suis terrorisée.

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