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Le récit


J5 : mercredi 5 juin 2002

Malgré les bons présages de la veille, je n'ai pas réussi à fermer l'œil de la nuit. Ce matin, je suis tiraillée par de terribles brûlures d'estomac et peu à peu la douleur gagne tout mon corps : ma cicatrice qui s'était faite oublier hier se rappelle à mon bon souvenir, le Kt irradie dans tout mon bras droit, la sonde que ne sentais que très peu jusqu'alors devient à peine supportable.

Je suis complètement épuisée et sans force, à tel point que je ne songe même pas à appeler les infirmières pour leur demander de l'aide. A son réveil, maman me découvre dans cet état et le fait à ma place. Un sachet de Gaviscon me permet de me détendre un peu avant l'arrivée du médecin, mais mon moral reste au plus bas : après les progrès de la veilles, je pensais que ce cinquième jour serait placé sous de meilleurs auspices, en fait c'est une véritable régression…

Malgré tous mes efforts, je n'arrive même pas à m'arrêter de pleurer. Les aides soignantes décident de s'occuper de "mon cas" : elles m'empoignent et me soutiennent jusqu'à la salle de bain, où je suis installée sur une chaise devant le lavabo. Après une grande toilette énergique, cheveux inclus, je retrouve mon lit avec des draps et une chemise de nuit tous propres. On m'apporte un miroir et un sèche cheveux et je me lance dans un brushing improvisé.

Pendant ce temps, maman a droit elle aussi à un séjour devant le lavabo, mais passe son tour pour le shampoing : elle supporte mal l'analgésique qu'on lui a donné ce matin, qui provoque des étourdissements dès qu'elle quitte la position allongée.

Je termine mon coiffage, et je décide de remettre mes lentilles, que j'avais troquées contre mes lunettes depuis la greffe. Une fois encore, le simple fait de prendre soin de moi me remonte à bloc : j'ai toujours mal, mais je me sens nettement plus vivante et vigoureuse. Pour couronner le tout, le petit déjeuner arrive et on nous sert à chacune un grand bol de café au lait et deux biscottes : le rêve ! Je déguste les miennes de façon à en profiter au maximum.

Le médecin passe, me dit qu'on va ma donner quelque chose pour que la sonde ne me gène plus (on me l'enlèvera de toute façon en fin de matinée) et qu'à cinq jours de l'opération j'ai toujours droit à la morphine. J'aurais bien aimé le savoir plus tôt ! En attendant, je préfère pour l'heure me contenter d'un autre analgésique, la morphine risque de ralentir encore la reprise de mon transit et j'ai vraiment hâte de pouvoir avaler quelque chose de consistant… Il me promet en outre qu'on me donnera de quoi m'aider à dormir dès ce soir.

La matinée se déroule tranquillement, je me sens de mieux en mieux. Finalement deux infirmières me retirent le Kt puis la sonde, à mon grand soulagement. Le tout est complètement indolore, et je me sens beaucoup plus libre d'un seul coup : plus aucun tuyau pour entraver mes gestes ! J'en profite pour m'asseoir au bord du matelas, puis pour me mettre debout et aller lire le tableau où sont consignés nos résultats à toutes les deux. De son côté, maman est toujours clouée sur son lit par des étourdissements. Les choses vont s'améliorer au fil des heures, lorsque les effets du médicament s'atténueront.

On m'amène une boîte pleine de flacons, de plaquettes et de comprimés. C'est mon traitement, et ce sera désormais à moi de préparer mes doses et de les prendre aux bonnes heures. Pour m'y retrouver, j'ai un "cahier navette" sur lequel je dois reporter matin et soir ma température, mon poids et toutes les prises de médicaments. Je prends cette nouvelle tâche très au sérieux, d'autant que j'ai le sentiment qu'elle marque mon accès à davantage d'autonomie.

L'après-midi arrive, et nous décidons toutes deux qu'il est l'heure de tenter une sortie. Nous nous hissons lentement hors de nos lits, enfilons nos peignoirs et, bras dessus, bras dessous, nous voici parties pour une balade dans le service. Nous avançons à petits pas, et il nous faut dix bonnes minutes pour parcourir les quelques dizaines de mètres de couloir, mais c'est avec une satisfaction non dissimulée que nous rejoignons finalement la chambre et que nous décidons de renouveler l'expérience dès que possible…

Le diététicien de l'hôpital me rend visite pour m'expliquer la nature de mon régime : sans sucre pendant au moins trois mois, le Prograf pouvant provoquer un diabète. L'objectif est que je reprenne du poids pour atteindre 55 kg, pour cela je dois viser les 2000 kcal par jour, en limitant les graisses et en insistant sur les glucides et les protéines. Pas sorcier a priori et surtout nettement moins contraignant que les restrictions liées à la dialyse. Je lui avoue que j'ai terriblement envie d'une banane (bah oui, j'aime bien ça, je l'ai déjà dit, non ?), et il nous annonce la bonne nouvelle : ce soir, nous aurons un vrai dîner ! Après cinq jours de jeûne, même de la nourriture d'hôpital est délectable… La mienne est sans sel et sans sucre mais… délicieuse quand même !

On me donne un comprimé de Stilnox à avaler juste avant de m'endormir, c'est efficace, c'est la meilleure nuit que j'ai passé depuis mon hospitalisation.

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